Francis Sullivan, directeur du Conseil de la vérité, de la justice et de la cicatrisation, mis en place par l’Eglise catholique australienne, a qualifié les faits de pédophilie révélés par ce rapport de « tragiques » et d’« indéfendables ». | JEREMY PIPER / AFP

Sept pour cent des prêtres catholiques australiens ont été accusés d’abus sexuels sur des enfants entre 1950 et 2010, sans que cela n’entraîne de véritables investigations, selon les chiffres publiés lundi 6 février devant une commission qui enquête sur la pédophilie dans l’Eglise en Australie.

Une commission d’enquête royale s’intéresse depuis 2013 aux réponses institutionnelles apportées aux accusations de pédophilie. Elle a recueilli des témoignages éprouvants de multiples victimes. Après quatre années d’investigations, l’avocate qui préside ces travaux a rendu publiques les statistiques révélant l’ampleur des abus : selon ces données, 4 444 faits de pédophilie ont été signalés aux autorités de l’Eglise.

« Le secret était le maître-mot, les choses étaient étouffées »

« Entre 1950 et 2010, globalement, sept pour cent des prêtres étaient des auteurs présumés » d’abus sexuels sur des enfants, a déclaré Gail Furness. Dans certains diocèses, la proportion atteignait 15 % de prêtres soupçonnés de pédophilie. La moyenne d’âge des victimes était de 10 ans pour les filles et de 11 ans pour les garçons. Des 1 880 pédophiles présumés, 90 % étaient des hommes.

Pour Mme Furness, « les récits sont similaires et déprimants. Les enfants étaient ignorés, ou pire, punis. Les accusations ne faisaient l’objet d’aucune enquête. » « Les prêtres et les [figures] religieuses étaient déplacés », a-t-elle ajouté.  Celle qui a conduit cette enquête dénonce dans son rapport la culture du secret entretenue par l’Eglise australienne :

« Les paroisses et les communautés vers lesquelles ils étaient transférés ignoraient tout de leur passé. Les documents n’étaient pas conservés et ils étaient détruits. Le secret était le maître-mot, les choses étaient étouffées. »

La commission a entendu des milliers de survivants. Elle a enquêté sur l’Eglise mais aussi les écoles, les orphelinats, l’armée, les associations de jeunesse ou les clubs sportifs, après plus d’une décennie de pressions. L’ordre des Frères de Saint-Jean-de-Dieu (St. John of God Brothers) est soupçonné des pires abus, avec 40 % de ses membres accusés de pédophilie.

« En tant que catholiques, nous baissons honteusement la tête »

Pour faire face à ce fléau, l’Eglise australienne a mis en place un Conseil de la vérité, de la justice et de la cicatrisation. « Ces chiffres sont choquants, ils sont tragiques, ils sont indéfendables », a déclaré son directeur Francis Sullivan devant la commission. « Ces données, ajoutées à tout ce qu’on a entendu ces quatre dernières années, ne peuvent être interprétées que d’une seule manière : c’est l’échec massif de l’Eglise catholique d’Australie à protéger les enfants des abus. En tant que catholiques, nous baissons honteusement la tête. »

Les travaux de la commission d’enquête sont par ailleurs suivis de près par le Vatican. Le plus haut représentant de l’Eglise catholique en Australie, le cardinal George Pell, « ministre » de l’économie du Vatican, a été entendu par la commission sur sa réaction face aux accusations de pédophilie parmi les prêtres dans l’Etat de Victoria dans les années 1970. Le cardinal a également été accusé personnellement d’abus lorsqu’il était l’archevêque de Sydney en 2002, ce qu’il dément catégoriquement.