A 54 ans, Danny Faure préside depuis trois mois aux destinées des Seychelles. Ancien vice-président, il a accédé le 16 octobre 2016 à la fonction de chef de l’Etat à la suite de la démission de son prédécesseur, James Michel, qui dirigeait le pays depuis douze ans.

Danny Faure doit faire face à des défis considérables. Aux élections de septembre 2016, l’opposition a obtenu la majorité à l’Assemblée nationale : une première historique, dans un pays où le même parti, le Lepep (« le peuple » en créole), dirige l’exécutif sous des noms différents depuis 1977.

La République des Seychelles, minuscule par sa population – 93 000 habitants – mais immense par son territoire marin – 115 îles dispersées sur 1,4 million de km2 (trois fois l’Allemagne) –, est également menacée par la montée des eaux et son image est entachée par sa réputation de paradis fiscal.

80 % des îles seychelloises pourraient disparaître à cause du réchauffement climatique. Comment faire face à un tel défi ?

La COP21 à Paris a été un grand pas en avant. Le mouvement a été prolongé à Marrakech [lors de la COP22]. Mais il faut passer des promesses aux décisions concrètes. Les pays riches ont promis 100 milliards de dollars par an (93 milliards d’euros) aux pays du Sud d’ici à 2020 pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous attendons toujours cet argent.

De notre côté, nous nous engageons à être exemplaires : je vais tout mettre en œuvre pour que les Seychelles tirent 100 % de leur énergie de sources renouvelables d’ici à 2030, et pousser l’importation de voitures électriques.

Ne faut-il pas déjà envisager des projets d’adaptation à la montée des eaux ?

Nous ne voulons pas être les victimes passives de la montée des eaux ! C’est pourquoi je compte créer une agence publique chargée de faire face au risque de désastre naturel national. Elle travaillera avec tous les secteurs de la société et devra concevoir des projets d’adaptation et, le cas échéant, envisager des déplacements de population.

Vous mettez régulièrement en avant le concept d’« économie bleue ». De quoi s’agit-il ?

Nous ne voyons pas l’océan comme une menace. Nous le considérons comme un capital et une chance pour notre croissance s’il est exploité de manière durable. C’est le sens de l’« économie bleue ».

Nous négocions aujourd’hui l’émission de 10 millions de « bonds bleus » par le Trésor seychellois. Ils serviront à financer la pêche durable. Nous avons également obtenu une annulation de notre dette par le Club de Paris [un groupe informel de créanciers publics] en échange de la création d’un plan marin très précis de notre espace maritime, qui définira les zones à protéger et celles où l’on pourra pratiquer le tourisme ou la pêche. Tout cela est inédit et pourra être reproduit par d’autres Etats insulaires.

« Nous n’allons pas renoncer au secteur offshore, qui représente une part importante de notre économie »

Les Seychelles expérimentent une cohabitation inédite, avec votre parti, le Lepep, à la tête de l’exécutif, et l’opposition majoritaire au Parlement. Cette situation est-elle durable ?

Je vous l’avoue : 2016 a été un choc. Après quarante ans de pouvoir, le Lepep doit entamer une vraie réflexion collective. L’électorat, aujourd’hui, est plus divers, plus mature, les élections plus sujettes à la compétition. Il ne vient plus vers nous naturellement.

Je suis convaincu que cette cohabitation permettra l’unité nationale. Nous devons mener des réformes ambitieuses, revoir notre système de retraite, augmenter les salaires, rénover les infrastructures. Avec l’opposition, nous devons apprendre à partager la même maison… même si chacun garde sa propre chambre et son propre lit ! Je suis d’une nouvelle génération. Avec moi, tout le monde peut parler.

Allez-vous convoquer une élection présidentielle anticipée comme le réclame l’opposition ?

Non. La Constitution m’autorise à rester jusqu’en 2020. Il faut de la stabilité à la tête de l’Etat.

Les Seychelles ont été impliquées dans le scandale des « Panama papers ». L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) devrait publier cette année une nouvelle liste noire des paradis fiscaux. Craignez-vous que votre pays y figure ?

Je vais être très clair : nous n’allons pas renoncer au secteur offshore, qui représente une part importante de notre économie. Mais nous voulons que ce soit en parfaite adéquation avec les standards internationaux de transparence définis par l’OCDE.

Beaucoup d’efforts ont été faits. Nous avons créé en 2013 l’Autorité des services financiers, la FSA, chargée de lister les propriétaires des sociétés offshore. Ça n’existait pas auparavant. Résultat : aujourd’hui, il n’y a plus rien de caché aux Seychelles. L’échange automatique d’informations est une réalité. Je sais que l’OCDE reconnaîtra nos efforts.