Martine Aubry, la maire de Lille. | FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Un an et demi après Paris, la capitale des Flandres instaure l’encadrement de ses loyers. Selon le ministère du logement, « Lille, reconnue comme la troisième ville la plus chère de France, présente un marché particulièrement tendu et concentre 50 % du parc locatif de l’ensemble de la métropole. Avec une hausse de 70 % entre 2000 et 2012, les loyers privés demeurent parmi les plus élevés des grandes villes de France ». A Lille, les petits logements sont fortement représentés sur le marché ; les deux tiers du parc locatif privé sont composés de studios et de deux-pièces, souvent loués par les étudiants.

Concrètement, cet encadrement des loyers concerne Lille intra-muros ainsi que deux communes associées, Hellemmes et Lomme. Il s’applique aux logements vides ou meublés loués à usage de résidence principale. Depuis le 1er février, lors de la signature d’un nouveau bail ou d’un renouvellement, le loyer d’un logement ne peut pas dépasser de 20 % un loyer de référence, ni lui être inférieur de 30 %. Ce dernier est fixé par un arrêté préfectoral, en fonction du nombre de pièces, de la période de construction du bien et de sa zone géographique.

Les propriétaires bailleurs peuvent appliquer un complément de loyer, à condition de justifier du caractère exceptionnel de leur logement. Ce complément peut néanmoins être contesté par locataire pendant les trois premiers mois du bail devant la commission départementale de conciliation. Dans la capitale, les recours sont peu nombreux (une centaine de dossiers ont été déposés en dix-huit mois d’application du dispositif).

Cet encadrement des loyers est mal accueilli par les professionnels. Selon l’Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi), il arrive après la bataille. « 84 % des loyers actuels à Lille sont déjà au prix de marché et sont en phase avec le loyer médian. » D’après l’observatoire Clameur, les loyers lillois ont augmenté de 1,4 % en moyenne en 2016, après une baisse de 1,7 % en 2015 (le loyer moyen constaté s’élève à 13,40 euros le m2).

« Le marché de la location est aujourd’hui équilibré. L’encadrement des loyers ne devrait concerner que 10 à 15 % des logements. Surtout, nous voyons mal comment ce dispositif peut inciter à faire venir les familles dans le centre-ville lillois », insiste Emmanuel Chambat, directeur général associé du réseau d’agences Descampiaux-Dudicourt.

A Paris, après dix-huit mois d’application, l’efficacité du dispositif est aussi discutée. Les professionnels de l’immobilier y sont toujours farouchement opposés. « L’encadrement des loyers dans les zones tendues ne permet pas d’envisager un meilleur accès au logement pour les foyers les plus modestes. Seule la mise sur le marché de nouveaux logements permettrait de résoudre l’équation offre et demande », estime Maud Velter, directrice associée de l’agence Lodgis.

Surtout, cette mesure, qui vient s’ajouter à d’autres contraintes pour les bailleurs, risque d’avoir des effets contre-productifs. « Les propriétaires sélectionnent plus rigoureusement leurs locataires et décident de moins entretenir leurs logements », ajoute Maud Velter.

Dans son 22e rapport sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé-Pierre estime pourtant que « l’encadrement n’est pas la solution parfaite ou définitive aux loyers trop chers. () Mais il s’agit d’une solution qui a des effets concrets et directs, sonnants et trébuchants, pour les ménages confrontés à un marché tiré vers le haut par une pénurie de logements en zones tendues. »

D’après l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), les loyers à la relocation, qui avaient augmenté de 8,5 % en 2012, n’ont progressé que de 1 % en 2015. Après Paris et Lille, l’encadrement des loyers doit être étendu aux 412 communes de la région parisienne en 2018 ou encore à Grenoble.