Vingt-six personnes ont été interpellées dans la nuit de lundi à mardi à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) où des incidents ont éclaté pour la troisième nuit consécutive, après l’interpellation, le 2 février, d’un jeune homme gravement blessé à coups de matraque par des policiers, a confié au Monde la préfecture de police.

Cinq véhicules ont été brûlés, deux magasins partiellement brûlés (un restaurant KFC et un garage Peugeot), six poubelles incendiées, des véhicules de secours et de police endommagés, selon la préfecture. Les policiers ont fait l’objet de jets de projectiles.

« Attroupements armés »

Parmi les personnes interpellées, certaines sont soupçonnées d’« attroupements armés », a précisé une source policière à l’AFP. « Effectivement, des policiers ont été encerclés et acculés et n’avaient pas de moyens de force intermédiaire à ce moment-là type grenade de désencerclement et ont dû faire usage de leur arme de service en tirant en l’air », a affirmé une autre source policière au Monde.

Les tirs d’intimidation de ce type sont très rares, on en recense une dizaine par an, selon un décompte issu du rapport de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) sur le cadre légal de l’usage des armes par les forces de sécurité, en novembre 2016. Ce rapport avait été commandé par le premier ministre après l’attaque de Viry-Châtillon, où le 8 octobre une quinzaine d’agresseurs avaient incendié deux voitures de police, et a servi de base au projet de loi discuté aujourd’hui devant l’Assemblée nationale qui réforme les règles d’ouverture du feu par les policiers.

« Envoyer un signal fort »

A Aulnay, les incidents ont éclaté vers 22 heures lundi soir et se sont poursuivis une partie de la nuit dans la « cité des 3 000 », où un jeune homme de 22 ans a été gravement blessé à coups de matraque, jeudi 2 février, lors d’une interpellation musclée. Un policier a été mis en examen pour viol et trois de ses collègues pour violences volontaires en réunion. Les quatre fonctionnaires ont été suspendus de leurs fonctions. Blessé au niveau de la zone rectale, le jeune homme était toujours hospitalisé lundi. Il s’est vu prescrire soixante jours d’incapacité totale de travail (ITT).

Pour autant, « nous n’en sommes pas au stade où il y aurait des émeutes », a dit mardi le maire Les Républicains d’Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza. « Pour le moment, il s’agit de troubles à l’ordre public », a-t-il ajouté dans une déclaration transmise à la presse. Il a demandé au ministre de l’intérieur d’envoyer un « signal fort » aux habitants pour leur dire que « l’Etat est derrière eux, et non contre eux, pour les soutenir ».

Samedi et dimanche, des incidents avaient déjà eu lieu dans ce quartier, où plusieurs véhicules et poubelles avaient été incendiés. Dans la nuit de dimanche à lundi, cinq jeunes avaient été placés en garde à vue après des tirs de mortier artisanal, soupçonnés de violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique et outrages.

François Hollande a souligné mardi le rôle protecteur de la justice pour les citoyens « y compris » lorsque un « agent des forces de l’ordre » est impliqué, dans une allusion aux poursuites engagées contre les quatre policiers d’Aulnay-sous-Bois. « La justice (...) est garante des libertés et les citoyens doivent comprendre que c’est le juge qui les protège », a souligné le chef de l’Etat lors de l’inauguration d’un « service d’accueil unique du justiciable » au tribunal de Pontoise.

Aulnay-sous-Bois : le policier a « enfoncé » la matraque « volontairement », affirme Théo

« Il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. » Le jeune homme de 22 ans, blessé lors de son interpellation, jeudi 3 février, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a livré lundi sa version des faits, enregistrée par son avocat et diffusée par la chaîne d’information BFMTV. Un enregistrement audio dans lequel Théo évoque aussi les « coups », les crachats et les « insultes ».

Jeudi, vers 17 heures, le jeune homme traverse « la place du Cap », située au cœur de la cité des 3 000, quand il « croise des jeunes du quartier ». « Les policiers arrivent à ma hauteur et disent : Tous contre le mur”. » « Je me mets contre le mur, tranquillement, et là, un des policiers vient et m’assène un coup », poursuit-il.

Et de préciser : « Dans le coin où on était, il n’y a pas de caméra [de vidéosurveillance]. Je me dis : Il faut que je me débatte le mieux que je peux pour que j’arrive devant les caméras”. »

« Ils m’ont craché dessus », « traité de négro »

Puis, il décrit la scène : « J’étais de trois quarts, je voyais ce qu’il faisait derrière moi. Je l’ai vu avec sa matraque : il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force, on dirait que mon corps m’avait laissé » Ensuite, « ils m’ont mis les menottes et m’ont dit : Assieds-toi maintenant.Je leur ai dit : Je peux pas m’asseoir, je sens plus mes fesses”. »

« Dans la voiture, ils m’ont mis plein de coups, des patates, m’ont matraqué les parties intimes, m’ont craché dessus, traité de négro, bamboula, salope », ajoute-t-il dans l’enregistrement.

« Arrivé au commissariat, un policier m’a dit : Assieds-toi. Je lui ai dit : Monsieur, je n’arrive pas à m’asseoir. Il m’a dit : Allonge-toi, on va quand même t’attacher au banc parce que c’est la procédure.” »

Mais le policier, voyant qu’il était « vraiment mal » et qu’il « saignai[t] beaucoup » aurait finalement dit : « Je pense qu’il faut l’amener se faire opérer, c’est grave. »