Angela Merkel, le 6 février, à Munich. | CHRISTOF STACHE / AFP

Et si Angela Merkel perdait son siège de chancelière qu’elle occupe depuis 2005 ? Ce qui semblait improbable il y a encore quelques semaines relève aujourd’hui du possible, à sept mois des élections législatives en Allemagne.

Affaiblie par les divisions de son camp, la dirigeante conservatrice voit le Parti social-démocrate (SPD), emmené par Martin Schulz, grimper dans les intentions de vote. Depuis l’annonce de sa candidature, fin janvier, l’ancien président du Parlement européen devient ainsi un sérieux adversaire pour Mme Merkel, qui brigue un quatrième mandat.

  • Angela Merkel chahutée dans son propre camp

Alors que les élections ont lieu en septembre, la chancelière allemande fait face à une double menace : les sociaux-démocrates, qui croient à nouveau en une victoire, et la montée du parti d’extrême droite, Alternative für Deutschland (AfD). C’est pourquoi Mme Merkel a tenté de ressouder son camp en début de semaine.

L’Union chrétienne-démocrate (CDU), parti de la chancelière, et la CSU bavaroise (Union chrétienne sociale), ont scellé, lundi 6 février, leur alliance en vue des élections législatives. « Personne ne peut sérieusement contester le fait que l’Allemagne va bien sur le plan intérieur et que sur le plan des relations internationales, l’Allemagne fait brillamment figure d’îlot de stabilité », a souligné lundi à Munich le chef de la CSU, Horst Seehofer, à l’issue de deux jours de réunion avec la CDU.

Un argument repris à son compte par Mme Merkel pour ce début de campagne : « A une époque où beaucoup de choses changent, (…) nous avons besoin de références, ces références sont la fiabilité, la stabilité, l’ordre de la mesure et une approche centriste. » Il a ainsi été décidé de faire campagne autour des thèmes de la sécurité intérieure et extérieure, de la politique familiale, de la cohésion sociale et de l’innovation.

Mais malgré cette alliance, des divergences existent entre les deux partis, notamment sur la question de l’accueil des migrants. Au cours de cette conférence de presse, M. Seehofer a prévenu qu’il ne rejoindrait pas un futur gouvernement Merkel si la chancelière n’acceptait pas de limiter à 200 000 les arrivées annuelles de demandeurs d’asile. En 2016, l’Allemagne a accueilli 280 000 nouveaux demandeurs d’asile, contre 890 000 l’année précédente.

« Nous avons des vues divergentes sur le plafond des migrants et nous avons décidé de respecter les positions de chacun sur ce désaccord, sans les passer sous silence », a pour sa part affirmé Mme Merkel. Elle a toutefois donné des gages à son allié historique en assurant que les expulsions de réfugiés dont les demandes d’asile ont été rejetées étaient une priorité pour son gouvernement. Mais malgré leurs divergences, CDU et CSU n’ont pas le choix. Face à un SPD qui croit à nouveau en une victoire aux prochaines législatives, une alliance entre les deux parties est indispensable.

  • Le SPD fait jeu égal avec les conservateurs dans les intentions de vote

Les sociaux-démocrates, qui n’ont plus remporté d’élections fédérales depuis Gerhard Schröder en 2002, y croient à nouveau alors que les enquêtes d’opinion en faveur de Martin Schulz s’accumulent ces derniers jours.

Le 2 février, dans un sondage Infratest dimap (1) pour la chaîne de télévision ARD, le SPD recueillait 28 % des intentions de vote, soit huit points de plus qu’il y a un mois. Un niveau alors jamais atteint depuis les dernières élections législatives de 2013. De son côté, la CDU-CSU recule de trois points à 34 %, tout comme l’AfD, qui pointe à 12 %.

Martin Schulz, le 30 janvier, à Berlin. | ODD ANDERSEN / AFP

Et quelques jours après, dans un sondage publié lundi par l’Institut Insa pour le quotidien Bild, le parti de centre-gauche se retrouve en tête des intentions de vote aux législatives (31 %). La CDU-CSU se plaçant pour sa part à 30 %.

Cette remontée dans les sondages est notamment due à l’annonce de la candidature du chef de file des sociaux-démocrates pour ces élections, Martin Schulz. Alors que le SPD atteignait depuis des mois des records d’impopularité, menaçant même d’être rattrapé dans les intentions de vote par l’extrême droite, l’arrivée de M. Schulz fin janvier comme candidat à la chancellerie – à la place de Sigmar Gabriel fragilisé par de mauvais sondages –, a donné un nouvel élan au SPD.

Le parti de centre-gauche, qui gouverne avec les conservateurs dans une grande coalition depuis 2013, peinait jusque-là à se démarquer de la politique de Mme Merkel, notamment sur les questions d’immigration. Mais M. Schulz, qui est depuis plus de vingt ans élu au Parlement européen, n’a jamais gouverné avec la chancelière allemande et apparaît ainsi comme un homme neuf dans la vie politique allemande.

  • Martin Schulz, une carrière consacrée à l’Union européenne

Après deux mandats à la tête du Parlement, Martin Schulz, 61 ans, a décidé de se replonger dans la politique de son pays. S’il n’a jamais été membre d’un gouvernement, M. Schulz a été maire de Würselen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), de 1987 à 1998.

Il a ensuite passé la grande majorité de sa carrière politique au Parlement européen, où il a acquis sa notoriété. Député européen depuis 1994, il devient le chef de file des députés européens du SPD en 2000. Quatre ans plus tard, il est élu à la tête du groupe Parti socialiste européen au Parlement, qui rassemble notamment les élus allemands, français et italiens. Il dirigera ensuite pendant cinq, entre 2012 et 2017, le Parlement européen.

C’est notamment lui, contre l’avis d’Angela Merkel, qui a imposé le concept du spitzen candidat (littéralement « candidat de pointe » ou « chef de file ») désigné par chaque parti politique européen pour les élections européennes en 2014. Le président de la Commission devait être choisi par le camp du parti arrivé en tête lors de ce scrutin, renforçant alors sa légitimité démocratique. Candidat pour les socialistes, M. Schulz a perdu contre les conservateurs menés par Jean-Claude Juncker, qui est ainsi devenu président de la Commission.

De retour en Allemagne, le social-démocrate a promis de défendre les classes populaires et leurs « soucis quotidiens ». Il annonce ainsi vouloir lutter « pour une Allemagne plus juste », dénonçant les « bonus » des patrons et les « paradis fiscaux ». Il souhaite enfin freiner la progression de l’extrême droite dans le pays : « Nous savons en Allemagne à quoi peut mener un nationalisme aveugle. »

(1) Sondage réalisé du 30 janvier au 1er février auprès d’un échantillon de 1 506 électeurs.