La formation professionnelle des salariés repose sur un système complexe, qui brasse des milliards d’euros et au sein duquel gravitent des milliers d’intervenants. Or les contrôles s’avèrent insuffisants, ce qui multiplie les risques d’« irrégularités ». C’est pourquoi la Cour des comptes recommande, dans son rapport annuel publié mercredi 8 février, de construire une véritable politique « de lutte contre la fraude ».

En 2014, on dénombrait près de 77 000 opérateurs assurant des actions de formation pour un chiffre d’affaires global avoisinant 14 milliards d’euros. Or les conditions d’accès à ce « marché » sont extrêmement « souples » : « une simple déclaration d’activité » suffit, écrit la Cour. Ces prestataires ont, certes, des comptes à rendre mais « les obligations (…) sont réduites ».

« Manœuvres frauduleuses »

En outre, les vérifications des services de l’Etat sont désordonnées. Il n’y a « pas de pilotage unifié de l’activité de contrôle » et les agents investis de cette mission sont mal répartis sur le territoire. Certes, l’arsenal répressif existe, sur le papier, à travers des sanctions administratives (annulation de la déclaration d’activité), financières (remboursement des sommes indûment perçues) et pénales. Mais elles sont, « dans les faits », peu mises en œuvre, du fait « de la lourdeur des procédures ». Et les opérations de contrôle sont quantitativement très faibles : moins de 1 % des prestataires ont été inspectés par les services de l’Etat, en 2014, d’après la Cour.

Du coup, les violations des règles sont loin d’être exceptionnelles. Dans certains cas, elles n’ont pas d’« incidence financière » mais dans d’autres, elles relèvent de « manœuvres frauduleuses », commises, le plus souvent, par des prestataires de formation. Les procédés employés sont, généralement, rudimentaires : listes d’émargement (pour des stages) qui sont fausses, surfacturation des actions de formation, majoration artificielle du nombre d’heures durant lesquelles les salariés sont encadrés… Il arrive que l’escroquerie soit de « grande ampleur » : ainsi celle signalée en 2013 au parquet de Paris, qui concerne une soixantaine d’organismes soupçonnés d’usage de faux mais aussi de blanchiment de fraude fiscale ; le préjudice se chiffrerait à « plusieurs dizaines de millions d’euros ».

La loi de mars 2014 sur la formation professionnelle oblige désormais les prestataires à se soumettre à une évaluation sur la qualité de leurs interventions, ce qui devrait contribuer à « assainir le marché », relève la Cour. Mais il faut aller plus loin, selon elle. L’Etat doit notamment élaborer une réelle « stratégie de contrôle » et mieux organiser ses services tout en surveillant plus attentivement l’activité des organismes paritaires chargés de collecter les fonds dédiés à la formation professionnelle (OPCA et OPACIF). Ces derniers sont, de leur côté, invités à devenir de véritables « acteurs de la lutte contre la fraude ». Enfin, la Cour recommande de permettre aux fonctionnaires des services régionaux de l’Etat d’infliger des « sanctions administratives et financières ».