Un article propose que les forces de l’ordre puisse utiliser leur arme dans le but d’empêcher un « périple meurtrier ». | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Dans un contexte tendu après l’affaire d’Aulnay-sous-Bois, l’Assemblée a approuvé, mercredi 8 février, le projet de loi de sécurité publique présenté comme une réponse aux manifestations policières de l’automne, mais que des avocats et magistrats jugent inutile, voire dangereux.

Ce texte, déjà voté au Sénat en janvier, assouplit les règles de légitime défense pour les policiers, durcit les peines pour outrage aux forces de l’ordre et autorise l’anonymat des enquêteurs. Il a été approuvé à l’issue des débats à l’unanimité de la quinzaine de députés PS, LR et FN présents. Seul le Front de gauche avait annoncé son intention de s’abstenir.

La majorité, de gauche, de l’Assemblée et celle, de droite, du Sénat vont maintenant surmonter leurs faibles divergences, qui concernent principalement l’extension de ce régime de légitime défense à la police municipale, pour que le texte soit définitivement adopté d’ici la fin des travaux parlementaires, dans deux semaines.

Faisant suite aux graves incidents de Viry-Châtillon (Essonne) en octobre 2016, où des policiers avaient été attaqués au cocktail molotov, le projet de loi aligne les règles de légitime défense des policiers sur celles des gendarmes, qui disposent d’une plus grande marge de manœuvre.

« Périple meurtrier »

Le texte liste cinq situations où les forces de l’ordre – ainsi que les douaniers et les militaires de l’opération Sentinelle – pourront utiliser leurs armes :

  • face à la menace de personnes armées ;
  • lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent ;
  • lorsqu’une personne cherche à échapper à leur garde, qu’ils ne peuvent l’arrêter autrement et qu’elle présente une menace ;
  • lorsqu’ils ne peuvent arrêter autrement un véhicule présentant une menace ;
  • et enfin dans le but d’empêcher un « périple meurtrier ».

Lors de la discussion de cet article mardi soir, Marc Dolez (Front de gauche) et Pouria Amirshahi (non-inscrit) ont relayé l’argument du Défenseur des droits, Jacques Toubon, selon lequel le projet de loi risque de donner le « sentiment d’une plus grande liberté pour les forces de l’ordre alors que les cas prévus sont déjà couverts ».

Le premier a aussi jugé que le texte n’apportait « pas de protection supplémentaire » aux forces de l’ordre. « A Viry-Châtillon, les fonctionnaires de police étaient parfaitement en situation de se défendre (…). Au Louvre, le droit de la légitime défense n’a pas empêché de répondre pour se protéger », a renchéri M. Amirshahi, après l’attaque terroriste de vendredi.

« Impunité » policière

Face à ces critiques, le ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, a répondu que la légitime défense resterait régie « par les principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité » imposés par la Cour européenne des droits de l’homme.

Les socialistes ont également jugé qu’il n’y avait « aucune raison » de maintenir une « dichotomie entre gendarmerie et police nationale, tous placés sous la même autorité du ministère de l’intérieur ».

Les Républicains, représentés par Eric Ciotti, ont, pour leur part, regretté que le texte « n’aille pas assez loin », relayant vainement les demandes des syndicats de policiers municipaux pour bénéficier aussi de ces règles.

Les autres points du texte ont été peu débattus, comme l’extension de la possibilité d’anonymat des enquêteurs dans certains actes de procédure pour les protéger ainsi que leur famille, critiquée par les avocats, ou le doublement des peines prévues pour outrage aux forces de l’ordre pour les aligner sur celles qui sont requises pour outrage aux magistrats, passibles d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.

Ce durcissement des peines va « masquer une autre réalité, celle des brutalités non proportionnées auxquelles se livrent certains policiers non vertueux », a critiqué M. Amirshahi, pour qui « l’interpellation mortelle d’Adama Traoré et le viol de Théo à Aulnay-sous-Bois ont un point commun : l’impression d’une impunité ».