Cette œuvre de Willem de Kooning a été vendue par Christie’s 66,32  millions de dollars, à New York, en  novembre 2016. | CHRISTIE’S IMAGES

Un trou d’air. Pour son 250e anniversaire, fêté en 2016, Christie’s a annoncé jeudi 9 février une sévère baisse de ses ventes (– 16,67 %), à 4 milliards de livres (4,68 milliards d’euros), en 2016. Un chiffre qui n’intègre toutefois pas les transactions privées, qui se sont élevées à 694 millions de livres (812,6 millions d’euros, en hausse de 25 % par rapport à 2015).

Il s’agit de la deuxième année de recul consécutive de la maison d’enchères détenue par François Pinault. En 2015, en effet, les ventes s’étaient déjà rétractées de 5 %, mais, à l’époque, le numéro un mondial du secteur se targuait d’avoir signé son meilleur résultat après le record enregistré en 2014. Christie’s a toutefois réalisé quatre des ventes les plus importantes de 2016, avec notamment La Meule, de Claude Monnet (81,4 millions de dollars, soit 76,1 millions d’euros), ou une toile de Willem de Kooning pour 66,32 millions de dollars, toutes deux vendues à New York.

« Comme pour l’ensemble du marché, Christie’s a souffert d’une raréfaction de l’offre, d’un moins grand nombre d’œuvres vendues à un prix très élevé, notamment dans l’art contemporain », explique Edouard Boccon-Gibod, directeur général de Christie’s France. La baisse du marché s’est ressentie à la fois dans toutes les zones géographiques (Europe, Etats-Unis, Asie…) et dans tous les secteurs (art ancien, moderne, contemporain…).

Moins de pièces exceptionnelles à la vente

Certes, le nombre de transactions au niveau mondial a continué de croître de façon spectaculaire en 2016, explique Thierry Ehrmann, le fondateur et PDG d’Artprice. Et le taux d’invendus, qui permet de mesurer la température du marché, est resté linéaire, à 37 %. Mais le chiffre d’affaires global du secteur baisse, parce qu’il y a moins de pièces exceptionnelles à la vente.

« Le nombre de transactions très élevées, comprises entre 50 millions et 100 millions de dollars, s’amenuise. La peinture ancienne se fait beaucoup plus rare. Les propriétaires de ces chefs-d’œuvre attendent pour les vendre et assèchent le marché », confirme M. Ehrmann. Selon lui, ce sont désormais les grands musées qui s’affrontent pour ce type d’enchères et non plus, comme il y a dix ans, des milliardaires qui se livrent des guerres acharnées. « Les musées savent que l’acquisition d’une œuvre à plus de 100 millions de dollars leur permet d’attirer une clientèle internationale », précise-t-il.

Contrairement à son grand rival Sotheby’s, Christie’s n’est pas coté en Bourse. Son propriétaire n’est donc en rien obligé de donner des indications sur sa rentabilité. Mais il y a fort à parier qu’elle se soit, comme les ventes, sérieusement effritée l’an dernier.

« L’appétit pour l’art reste fort »

Toutefois, Guillaume Cerutti, PDG de Christie’s, qui a repris le flambeau après Patricia Barbizet depuis le 1er janvier, se veut optimiste. « L’appétit pour l’art reste fort. En dépit du côté incertain de l’économie et de l’environnement politique, le marché garde son élan. » D’ailleurs, Christie’s a constaté une hausse de 5 % de nouveaux acheteurs en 2016. M. Cerutti assure que la maison d’enchères continuera à s’adapter et à rénover son organisation.

Le groupe a notamment accéléré ses ventes en ligne – en les multipliant par sept depuis 2011 (pour atteindre l’an dernier 217 millions de dollars) – et poursuivi ses nouvelles implantations. Le groupe a inauguré un bureau à Pékin en octobre 2016 et prévoit d’en ouvrir un à Los Angeles en avril. Bon nombre d’œuvres seront présentées dans ce lieu d’exposition avant d’être mises aux enchères à Paris pendant la Foire internationale d’art contemporain.

Comme Sotheby’s, Christie’s se donne pour objectif de devenir « un acteur culturel majeur » selon M. Boccon-Gibod. Témoin de cette stratégie d’expansion : le récent rachat de la start-up Collectrium, qui gère en ligne les collections de 27 000 clients (gestion, assurance, stockage…). Ou encore l’organisation d’un musée éphémère regroupant des chefs-d’œuvre des musées britanniques à Londres en juillet. Les programmes d’éducation des collectionneurs chinois, à qui les équipes de Christie’s font découvrir l’art occidental, ou les collaborations étroites mises en place avec les gestionnaires de banques privées et de family offices participent à cette stratégie.

M. Cerutti reste très confiant sur le succès des ventes du début d’année 2017, comme les collections de Barbara Lambrecht, Heidi Weber, Hubert de Givenchy ou la collection Fujita. M. Ehrmann semble encore plus optimiste que le PDG de Christie’s, persuadé que les chefs-d’œuvre conservés par les gros collectionneurs pourraient atteindre, quand ils décideront de les vendre, des prix stratosphériques, supérieurs à 250 millions de dollars.