Musiciens, écrivains, acteurs, réalisateurs, danseurs... Plusieurs centaines d’artistes sud-coréens ont porté plainte jeudi, notamment contre la présidente destituée Park Geun-hye, demandant réparation pour le fait d’avoir été placés par le gouvernement sur une « liste noire » de personnalités critiques envers le pouvoir.

L’ancienne ministre sud-coréenne de la culture Cho Yoon-sun et l’ex-directeur de cabinet de la présidente Kim Ki-choon ont été inculpés mardi dans l’enquête sur cette liste de 10 000 noms dont l’idée était d’étouffer les voix discordantes en privant ces artistes d’aides publiques ou de soutiens financiers privés, selon les enquêteurs qui travaillent sur la vaste affaire de corruption qui a provoqué la destitution de Mme Park.

Heures sombres de la dictature de Park Chung-hee

Les 461 plaignants réclament un million de wons (816 euros) chacun de réparation pour la violation de leur vie privée et de leur liberté d’expression, ont annoncé les avocats qui les représentent. « Les artistes ont été obligés de se censurer pour éviter d’être qualifiés de “gauchistes” et traités de façon injuste par l’Etat, ou de faire l’objet de surveillance », expliquent les avocats dans un communiqué. « Nous voulons montrer que les autorités ont eu tort de vouloir assujettir la culture en abusant de leur pouvoir au travers de la liste noire. »

Outre Mme Park, Mme Cho et M. Kim sont également visés par la plainte, de même que les organismes publics chargés de distribuer les subventions.

Sur la liste, figurent notamment la romancière Han Kang, vainqueur en 2016 du Man Booker Prize, l’un des principaux prix littéraires pour les écrivains de langue anglaise, ou encore Park Chan-wook, le réalisateur de Old boy, qui avait remporté le Grand Prix du Festival de Cannes, en 2004.

La révélation de l’existence de cette liste a donné la chair de poule à tout un pan de la société. D’une part, parce qu’elle renvoie aux heures sombres de la dictature de Park Chung-hee, le père de la présidente destituée qui dirigea le pays de 1961 à 1979, ravivant précisément les souvenirs de la dictature militaire au cours de laquelle le monde de la presse, des arts et des spectacles subissait une censure stricte, et de l’autre parce qu’elle mine frontalement un des fondements de la puissance culturelle sud-coréenne : la liberté d’expression.

Park Geun-hye a été destituée par le Parlement le mois dernier en raison d’un vaste scandale de corruption. Sa destitution est encore en cours d’examen par la Cour constitutionnelle.