Marine Le Pen, sur le plateau de France 2, jeudi 9 février. | THOMAS SAMSON / AFP

Marine Le Pen était l’invitée de l’Emission politique, jeudi 9 février sur France 2. La candidate du Front national a défendu son projet, présenté le 4 février. Elle s’est, à plusieurs reprises, appuyée sur des arguments erronés ou exagérés.

L’intox sur le « Muslim ban » d’Obama

Interrogée sur le « muslim ban » (décret anti-immigration) de Donald Trump aux Etats-Unis, Marine Le Pen a repris une désinformation de Kellyanne Conway, la proche conseillère du président américain : elle assure que Barack Obama avait lui aussi, en son temps, interdit de territoire les ressortissants d’un pays ciblé (l’Irak).

C’est faux

Comme l’explique la revue américaine Foreign Policy, l’administration Obama avait effectivement ordonné un réexamen de la situation des 58 000 Irakiens installés aux Etats-Unis après l’arrestation de deux Irakiens et avait accru les contrôles des demandeurs de visa d’Irak. Mais elle n’a jamais empêché à l’ensemble des ressortissants irakiens d’entrer aux Etats-Unis.

La taxe sur les étrangers

Marine Le Pen a défendu la faisabilité de sa « taxe sur les étrangers » en expliquant qu’elle existait déjà, et qu’il suffirait de l’étendre aux étrangers issus de l’Union européenne, qui ne sont pas concernés aujourd’hui.

Or, le projet de la candidate FN est très différent de ce qui existe aujourd’hui, comme l’expliquent nos confrères de Libération :

  • Aujourd’hui : l’employeur qui emploie un travailleur étranger ne doit payer cette taxe que « lors de la première entrée en France de cet étranger ou lors de sa première admission au séjour en qualité de salarié ».

  • Ce que veut Marine Le Pen : que l’employeur s’acquitte de cette taxe sur chaque nouveau contrat avec un travailleur étranger (donc à chaque fois qu’ils changent de travail).

La taxe actuelle est relativement marginale : elle a concerné 36 000 étrangers en 2015. La taxe version FN pourrait potentiellement toucher chacun des 1,7 million d’étrangers actifs présents en France dès qu’ils voudront changer d’emploi.

Intox sur les étrangers

La candidate du FN dit vouloir arrêter « la naturalisation automatique par le mariage ».

Pourquoi c’est faux

Cette naturalisation est pourtant loin d’être automatique. Les candidats doivent remplir un certain nombre de conditions (au moins 4 ans de mariage, séjour régulier en France, connaissance de la langue française, etc.).

Marine Le Pen a également ciblé les étrangers condamnés : « On accorde la nationalité beaucoup trop facilement ces dernières années. Y compris ceux qui ont des casiers judiciaires. »

Pourquoi c’est trompeur

En France, la demande d’un étranger ayant été condamné pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme ou à une peine égale ou supérieure à 6 mois de prison sans sursis est irrecevable.

De plus, une enquête préfectorale « bonnes vies et mœurs » vient compléter ces premières conditions, pendant laquelle les condamnations pénales – en France ou à l’étranger – sont vérifiées.

Ces conditions ne sont pas applicables à un condamné ayant bénéficié d’une réhabilitation de plein droit ou à un judiciaire dont la condamnation a été exclue du bulletin numéro 2 – excluant les peines pour des faits mineurs - du casier judiciaire. La présence d’une mention au casier judiciaire n’exclut donc pas systématiquement l’approbation de la naturalisation.

Les 500 000 migrants « perdus » par l’Allemagne

La candidate du FN s’est alarmée que L’Allemagne ait “perdu” 500 000 migrants qui se seraient dispersés dans le reste de l’Europe à cause de l’espace Schengen.

Pourquoi c’est trompeur

Elle semble faire référence à un chiffre publié en avril 2016 par le tabloïd allemand Bild. Le ministère de l’intérieur allemand indiquait que 500 000 réfugiés vivaient dans le pays sans s’être enregistrés comme demandeurs d’asile (notamment par peur d’être expulsés en cas de rejet de leur demande). Rien n’indique que ces personnes se sont « dispersées » dans le reste de l’Europe.


Et aussi…

Binationaux. Elle a défendu son projet d’interdire les doubles nationalités hors Union Européenne en disant : « c’est le cas en Allemagne, je crois ». Raté : la binationalité est autorisée en Allemagne depuis 2000 et son obtention a été facilitée en 2014 (y compris pour les nationalités extracommunautaires).

Chômage. La France ne compte pas 7 millions de chômeurs, comme elle l’affirme. Au maximum 6,5 millions… mais en additionnant toutes les catégories de Pôle emploi (y compris les chômeurs qui ont une activité ou sont en formation). La méthode internationale pour compter le chômage (celle du BIT) aboutit à 2,8 millions de chômeurs.

Dérapages. Interpellée sur le tweet polémique de Jérôme Cochet, qu’elle a condamné, elle a tenté d’en faire un cas isolé. Oubliant que les dérapages racistes, antisémites et homophobes des responsables FN sont nombreux.

Scolarité publique/privée. Face à Najat Vallaud-Belkacem, elle a affirmé que tous ses enfants avaient, comme elle, effectué leur scolarité dans des établissements publics. Pourtant, en 2014, le Courrier de l’Ouest relevait que sa fille de 15 ans était scolarisée dans un établissement catholique à Nyoiseau (Maine-et-Loire).