Devant la cour d’appel de San Francisco en Californie, le 7 février. | Elijah Nouvelage / AFP

Un camouflet pour le président américain qui avait fait de cette mesure l’une des plus emblématiques de son début de mandat. La Cour d’appel fédérale de San Francisco a décidé jeudi 9 février de maintenir la suspension par un tribunal de Seattle du très controversé décret migratoire de Donald Trump, qui interdisait temporairement l’accès des Etats-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans et suspendait aussi le programme américain d’accueil des réfugiés.

L’appel du gouvernement fédéral est « rejeté », ont écrit les trois juges dans leur décision prise à l’unanimité, insistant sur la nécessité de protéger « l’intérêt général ». L’administration n’a pas démontré que la poursuite de la suspension du décret se traduirait par de graves atteintes à la sécurité des Etats-Unis et n’a « pas fait la preuve qu’un étranger d’un des pays incriminés a perpétré un attentat aux Etats-Unis » par le passé, ont-ils conclu dans cet arrêt très attendu.

Visiblement agacé, le locataire de la Maison Blanche s’est fendu dans la foulée d’un tweet entièrement en majuscules, où il a promis de poursuivre le combat judiciaire.« RENDEZ-VOUS AU TRIBUNAL, LA SECURITE DE NOTRE NATION EST EN JEU ! », s’est-il exclamé.

Les magistrats William Canby, Richard Clifton et Michelle Friedland avaient entendu mardi par téléphone les argumentaires des deux camps. Le ministère de la justice avait estimé lors de cette audience que le texte, nécessaire à ses yeux pour se protéger de la menace terroriste, était « tout à fait dans les pouvoirs du président » et constitutionnel. L’Etat de Washington avait de son côté fait valoir que ce décret était motivé « en partie par le désir de nuire aux musulmans » et avait rappelé que l’un des rôles de l’institution judiciaire est précisément de « contrôler les abus de l’exécutif ».

Contexte de vives tensions avec l’institution judiciaire

Dénonçant une justice « politisée », Donald Trump avait estimé mercredi, dans une surprenante tirade, que « même un lycéen de niveau médiocre comprendrait » que les juges se devaient de statuer en son sens. Quelques jours auparavant, il avait qualifié de « pseudo-juge » le magistrat fédéral James Robart qui avait suspendu son décret, et taxé de « ridicule » son jugement.

C’est dans ce contexte de vives tensions avec l’institution judiciaire que le président républicain a promis jeudi une « nouvelle ère » dans la lutte contre la criminalité et la menace terroriste. Dressant un tableau extrêmement sombre des menaces pesant, selon lui, sur l’Amérique, le président républicain a affiché sa volonté de « casser les cartels criminels qui se sont répandus à travers le pays et détruisent notre jeunesse ».

« Nous sommes confrontés à une criminalité en hausse et à la menace du terrorisme meurtrier », a-t-il lancé, sans présenter de chiffres, lors de la prestation de serment de son ministre de la Justice Jeff Sessions, ultra-conservateur de 70 ans qui fut le premier sénateur à se rallier à lui pendant les primaires. Sur une tonalité similaire, ce dernier, qui a largement inspiré la politique anti-immigration de Donald Trump, a jugé nécessaire « de mettre fin à ce non-respect de la loi qui menace le peuple américain ».

Nouvelle salve d’attaques sur Twitter

Quelques heures avant cette cérémonie très formelle de prestation de serment, Donald Trump s’était lancé dans une nouvelle salve d’attaques sur Twitter qui ne devrait pas contribuer à apaiser les inquiétudes de l’institution judiciaire, échaudée par ses mises en cause des juges. M. Trump a visiblement peu apprécié les confidences faites en privé par Neil Gorsuch, le brillant juriste qu’il a soigneusement sélectionné pour la plus haute juridiction du pays.

M. Gorsuch a estimé « décourageants » et « démoralisants » les récents commentaires du président raillant le magistrat de Seattle qui a suspendu l’application de son décret anti-immigration et malmenant le principe d’indépendance des tribunaux. Le haut magistrat a ainsi fait part de sa consternation lors d’un entretien avec le sénateur démocrate du Connecticut Richard Blumenthal. Celui-ci s’est ensuite empressé de rendre publics ces propos. Interrogé par l’AFP, le porte-parole de M. Gorsuch, Ron Bonjean, a confirmé la réalité des termes utilisés par le juge conservateur de 49 ans, appelé à occuper le neuvième siège de la Cour suprême.

Mais Donald Trump, qui depuis sa prise de fonction tolère difficilement les critiques, a affirmé jeudi, en dépit de multiples témoignages d’élus indiquant l’inverse, que le sénateur Blumenthal avait déformé les propos du juge.