Le tiers lieu La Paillasse. | Eric Nunès/Le Monde

Ils sont les patrons atypiques de la métropole lyonnaise. Dynamiques et solidaires, acteurs de l’entrepreneuriat social sur leur territoire, ils créent de nouveaux services, imaginent les technologies responsables de demain et s’appliquent à combler les vides laissés par les services publics et le secteur privé. Voici cinq initiatives, emmenées par ces nouveaux leaders et bâtisseurs d’un monde qu’ils espèrent meilleur. Ils seront présents au Théâtre national populaire de Villeurbanne pour O21/s’Orienter au XXIe siècle.

La maternité des bons projets

Aide à la réinsertion professionnelle des personnes en situation de handicap, accompagnement vers l’emploi, mise en place de circuits courts pour les produits alimentaires… Voici quelques exemples des succès de Ronalpia, incubateur social créé en 2013 par Enora Guérinel (26 ans) et Lena Geitner (27 ans). Formées à l’Ecole supérieure de commerce et développement (3A), qui aimante depuis trente ans les jeunes attirés par l’humanitaire, elles ont imaginé leur projet lors d’un stage à l’Essec.

« Nous servons de laboratoire pour les services publics de demain »

Aujourd’hui, les deux complices opèrent dans des modules blancs en préfabriqué, posés dans une cour de l’université René-Cassin, dans le 9e arrondissement de Lyon. Leur job ? « Chefs d’orchestre », affirment-t-elles. Elles guident les nouveaux entrepreneurs dans la jungle administrative et économique de la région : étude de faisabilité, aide au recrutement, formation, mise en relation avec les différents acteurs du secteur… « Nous accompagnons ceux qui, dans leur initiative, s’attaquent à des enjeux de société », précise Enora. « Nous servons de laboratoire pour les services publics de demain », complète Léna.

L’insertion comme alternative à la prison

Chantiers Passerelles est l’une des réussites de l’incubateur Ronalpia. L’association est fondée en 2014 par deux anciens élèves de l’Ecole centrale de Paris, Agathe Zebrowski et Sylvain Lhuissier. Elle s’est fixé pour mission de développer les peines de travaux d’intérêt général comme alternative à la prison. Etudiants, les créateurs de l’association découvrent l’univers carcéral via le Génépi, association qui, depuis les années 1970, fédère des étudiants intervenant en milieu carcéral pour mener des actions socioculturelles ou proposer du soutien scolaire.

« Quand j’ai découvert cet environnement, j’ai pris une claque, témoigne Sylvain. Le système pénal français marche sur la tête. En ne proposant pas de solutions d’insertion, la prison s’autoalimente. » En effet, 61 % des sortants de prison sont réincarcérés dans les cinq ans qui suivent, selon le ministère de la justice. Chantiers passerelles s’applique donc à développer les offres de travaux d’intérêt général pour les auteurs de délits (infraction routière grave, outrage, vol simple, trafic de stupéfiants…). Objectif : permettre aux juges de prononcer une peine alternative à l’incarcération. Ensuite, la peine exécutée, l’association développe pour les anciens prisonniers des offres de stage, premier pas vers une activité professionnelle et une chance de réinsertion.

Le bâtiment vecteur d’intégration

Après vingt années passées à jongler avec des chiffres sur des tableurs, Pierre-Martin Aubelle, informaticien de formation, est à la recherche de sens dans son activité. Il prend un virage à 180 degrés en 2010 en imaginant une offre de travail manuel : donner à chacun la possibilité de réaliser ses travaux personnels, de devenir autonome face à la fuite d’un évier ou un papier peint à changer. Il crée pour cela Les clés de l’atelier, entreprise de formation à la carte, dans les différentes spécialités du bâtiment – plomberie, électricité, dallage, peinture…

En 2012, il développe une offre à l’attention des publics fragiles. L’atelier vient à la rescousse de jeunes décrocheurs, de personnes en situation de handicap ou à la recherche d’une réinsertion professionnelle. Pas de cours magistraux, mais une formation pratique où adolescents et quinquagénaires apprennent côte à côte, partagent et valorisent leurs expériences. Pour aller plus loin encore, les formateurs de l’atelier se déplacent dans six prisons de la région Rhône-Alpes pour apporter aux détenus une formation, sésame qui, à leur sortie, leur donnera une chance de réinsertion.

La Fabrique de talents

Le son des scies vrille les tympans dès qu’on approche de la Fabrique, ébénisterie de Francheville, dans la métropole lyonnaise. Ils sont une vingtaine, de l’apprenti à l’ingénieur, à transformer le bois pour des meubles uniques ou en séries. Créée en 2008 par Fabrice Poncet et Nicolas Autric, l’entreprise est née de la volonté de ses patrons de créer des « emplois de fabrication ». Du « concret », précise Fabrice, ancien ingénieur en télécommunication. Bibliothèques, armoires, commodes naissent des mains de ses artisans avec un objectif supplémentaire : « Intégrer dans notre activité des personnes fragiles, en difficulté d’insertion. »

« Nous sommes un outil au service des parcours d’insertion »

Sur la vingtaine de postes de la petite entreprise, trois sont accordés à des personnes placées par des associations spécialisées. « Nous sommes un outil au service des parcours d’insertion. En franchissant nos murs, ces personnes découvrent ou redécouvrent le cadre d’une activité professionnelle : la vie d’une communauté, les horaires, la hiérarchie… », indique Fabrice Poncet. Mais pour que ces collaborations se couronnent de succès, « il faut transformer l’entreprise, adapter les tâches pour faire d’une personne fragile une force de production et pas un boulet économique ». Une entreprise solidaire qui devrait faire des bénéfices au terme de l’exercice 2016.

Partage à La Paillasse

La Paillasse, c’est d’abord la grille d’un jardin ouvert. Puis une petite maison posée aux abords du campus LyonTech-la Doua, où l’on entre sans sonner. A l’intérieur, c’est le paradis des ingénieux et des apôtres du « do it yourself ». Dans ce bâtiment loué par la métropole lyonnaise pour un loyer très modéré, une communauté d’inventeurs et de bricoleurs a construit une manufacture des idées et des nouvelles expérimentations. « Un tiers lieu », souligne Charlotte Rizzo, une des membres.

Au rez-de-chaussée, l’atelier. Lundi soir, c’est bricolage. Ils sont une demi-douzaine, hommes, femmes et enfants, à être venus s’initier à la réparation d’objets électriques. Une leçon d’autonomie, d’économie et d’écologie pour redonner une seconde vie aux articles que l’on croyait définitivement inutilisables. Au premier étage se trouve le laboratoire. Dans un capharnaüm improbable, un géophysicien, une informaticienne, un ingénieur, un biologiste et une designer venus de toute la France sont réunis autour d’une table et bossent sur un programme d’optimisation de la distribution énergétique. Sans hiérarchie ni structure complexe, ces têtes bien faites ont quitté le monde de l’entreprise pour partager leurs compétences pour un projet qui les rassemble. La Paillasse, c’est un dénominateur commun du partage et de la collaboration.

Participez à « O21, s’orienter au XXIe siècle »

Comprendre le monde de demain pour faire les bons choix d’orientation aujourd’hui : après Lille ( les 6 et 7 janvier), « Le Monde » organise son nouvel événement O21 à Cenon (près de Bordeaux, les 10 et 11 février au Rocher de Palmer), à Villeurbanne (les 15 et 16 février) et à Paris (4 et 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie). Deux jours pendant lesquels lycéens et étudiants peuvent échanger avec des dizaines d’acteurs locaux innovants, qu’ils soient de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up.

Pour participer à une ou plusieurs conférences et ateliers, il suffit de s’inscrire gratuitement en ligne, à O21 Cenon, O21 Villeurbanne et O21 Paris. Le ministère de l’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les enseignants et établissements peuvent y emmener leurs élèves sur le temps scolaire. Pour les classes ou les associations, les inscriptions s’effectuent de façon groupée par l’envoi d’un simple e-mail à l’adresse o21lemonde@lemonde.fr.

Lors de ces événements sont également diffusés des entretiens en vidéo réalisés avec trente-cinq personnalités de 19 ans à 85 ans qui ont accepté de traduire en conseils d’orientation pour les 16-25 ans leur vision du futur.

Placé sous le haut patronage du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, O21 est également soutenu, au niveau national, par quatre établissements d’enseignement supérieur (Audencia, l’Essec, l’Epitech, et l’alliance Grenoble école de managementEM Lyon). Localement, l’événement est porté par les conseils régionaux des Hauts de France, de Nouvelle Aquitaine et d’Ile-de-France, les villes de Cenon et de Villeurbanne et des établissements d’enseignement supérieur.