Veillée funèbre de l’ex-première dame Marisa Leticia, samedi 4 février, près de Sao Paulo. | Andre Penner/AP

Oubliant les querelles de partis, il a serré son adversaire politique dans ses bras. Fernando Henrique Cardoso, président brésilien de 1995 à 2003, est venu réconforter Luiz Inãcio Lula da Silva, en larmes. L’ancien métallo, lui aussi ex-chef d’état (2003-2010) et icône des plus démunis, venait de perdre son épouse, Marisa Letícia.

Victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) le 24 janvier à son domicile de São Bernardo do Campo, dans la banlieue ouvrière de São Paulo, l’ancienne première dame, 66 ans, décrite comme une personnalité discrète, maternelle et farouchement jalouse, est décédée vendredi 3 février, à 18 h 57, à l’hôpital syro-libanais de São Paulo. Une institution mondialement réputée.

L’empathie de « FHC » et l’hommage de l’actuel président Michel Temer ont été salués comme une trêve salutaire dans la guerre à couteaux tirés qui déchire le Brésil depuis la destitution polémique de la présidente de gauche Dilma Rousseff en août 2016. Un affrontement manichéen où s’opposent les représentants autorevendiqués du peuple et les « nantis ». Une bataille qui, sur le front politique, met face à face les soutiens du Parti des travailleurs (PT, gauche) de Lula aux mouvements plus conservateurs associant le PT à la corruption et au populisme. Ainsi du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB) de M. Cardoso ou du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) de M. Temer.

Hostilités « d’une partie de la bourgeoisie »

Las, tous les Brésiliens n’ont pas la capacité de distanciation de « FHC ». Notamment au sein du personnel soignant. « La haine a vaincu l’éthique médicale », écrivait le 2 février la journaliste Clãudia Colucci dans la Folha de S.Paulo. Quelques heures après l’arrivée de l’ancienne première dame dans l’établissement, une médecin peu soucieuse du secret médical s’est empressée de divulguer la nouvelle lors d’échanges avec d’anciens camarades de faculté sur un groupe WhatsApp dont le contenu, fortuitement rendu public par le journal O Globo, fait frémir. Extrait : « Ces fdp [fils de pute] vont pratiquer une embolisation [processus visant à réduire le flux sanguin dans un endroit déterminé pour tenter de sauver la patiente]. Il faut arrêter le processus. Qu’elle ouvre les pupilles [qu’elle meure] et que le diable la prenne dans ses bras », écrit un neurochirurgien de Sāo Roque, ville de l’État de Sāo Paulo, et adhérent du réseau mutualiste Unimed.

« C’est lamentable », réagit Ana Estela Haddad, épouse de l’ancien maire de Sāo Paulo, Fernando Haddad, et amie de la défunte. « Marisa est une femme simple. Elle a toujours souffert de l’hostilité d’une partie de la bourgeoisie. Le Brésil est un pays où certains cultivent l’humiliation du pauvre, l’irrespect de la classe populaire », tente d’expliquer Noemi Araujo, psychanalyste proche de Lula et de son épouse.

Mesures disciplinaires

Si l’ex-première dame n’a jamais tenu d’autre rôle politique que celui de soutien indéfectible de son mari, ses ennemis ont retenu que la sexagénaire, nourrice à 9 ans, ouvrière d’usine à 13 ans, aurait, selon la légende, cousu la première étoile du drapeau du PT au début des années 1980. Quelques mois avant son décès, elle fut aussi prise dans la tourmente des affaires, inculpée à l’instar de son époux dans l’opération « Lava Jato » (lavage express) qui a mis au jour le retentissant scandale de corruption lié au groupe pétrolier Petrobras. Contrit, l’hôpital syro-libanais affirmait, dès vendredi 3 février, avoir pris toutes « les mesures disciplinaires » envers son médecin ayant brisé le secret médical. L’Unimed a, pour sa part, résilié le contrat du neurochirurgien oublieux du serment d’Hippocrate.