L’économie allemande est florissante, mais ses banques doivent se serrer la ceinture. Le paradoxe du système bancaire allemand s’est illustré une nouvelle fois jeudi 9 février. La Commerzbank, deuxième banque du pays après la Deutsche Bank, a présenté des résultats à des années-lumière de ses concurrentes américaines ou même françaises. L’établissement a vu s’effondrer son bénéfice, celui-ci passant de 1 milliard d’euros en 2015 à 279 millions en 2016.

Depuis la crise financière de 2009 qui l’avait poussée au bord de la faillite et obligé l’Etat à entrer au capital, Commerzbank expérimente la restructuration permanente. La réduction de ses activités de banque d’investissement explique largement la chute du bénéfice en 2016. L’établissement souffre toujours de coûts trop élevés, liés notamment à son important réseau de succursales. A l’automne, la banque a d’ailleurs annoncé une nouvelle vague de suppression d’emplois, la troisième en huit ans. Neuf mille postes vont disparaître d’ici à 2020. Et les activités seront réorganisées, avec un effort considérable porté sur la numérisation des process. L’objectif affiché est de parvenir à un rendement des capitaux propres de 6 % d’ici à 2020, contre 1,1 % en 2016.

En attendant, le résultat opérationnel de la banque s’est de nouveau contracté, à 1,4 milliard d’euros contre 1,9 milliard d’euros l’année précédente. Comme ses concurrentes, Commerzbank souffre de la faiblesse des taux dans la zone euro, mais aussi d’un ralentissement des affaires sur sa spécialité : le financement du « Mittelstand », ces entreprises de taille moyenne exportatrices qui font la force de l’industrie allemande. Cette activité a stagné en 2016 alors même que l’économie est en expansion.

Perte de 1,4 milliard d’euros pour Deutsche Bank

Deutsche Bank, qui a annoncé ses résultats la semaine précédente, a de son côté affiché une perte de 1,4 milliard d’euros pour 2016. Ce déficit s’explique, certes, par les amendes dont la banque a dû s’acquitter pour son rôle dans différentes affaires, notamment celle des crédits subprimes aux Etats-Unis. Mais la banque a aussi essuyé une baisse de 10 % de son chiffre d’affaires, à 30 milliards d’euros, en raison, comme chez Commerzbank, de la faiblesse des taux d’intérêt.

Toutes les banques allemandes souffrent de cette situation, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, ces établissements sont nettement plus dépendants d’activités liées aux taux d’intérêt (épargne, crédits…) que leurs concurrents européens. Selon une étude du cabinet Bain publiée en décembre 2016, le produit net bancaire concoure « à 73% des recettes des banques allemandes, nettement plus que dans les d’autres pays. La politique mondiale des taux d’intérêt faibles affecte donc particulièrement les banques allemandes. »

Vive concurrence dans un secteur extrêmement morcelé

La seconde raison expliquant ces difficultés est la vive concurrence qui sévit dans un secteur extrêmement morcelé. Deutsche Bank et Commerzbank, les deux plus grosses banques privées du pays, ne représentent qu’une petite partie du système bancaire allemand qui repose sur trois piliers : les établissements privés, les caisses d’épargne détenues par les collectivités et les coopératives. « En France, les cinq plus grandes banques détiennent ensemble 85 % du bilan bancaire cumulé, contre 44 % pour les grandes banques allemandes », écrit Bain. Le rendement sur les capitaux propres des banques allemandes était ainsi de 2,3 % en Allemagne, contre 8 % en France selon les chiffres compilés par Bain.

Si la bonne santé de l’économie allemande maintient aujourd’hui un grand nombre d’établissements en vie, le cabinet note qu’une radicale consolidation est inévitable : avec le renforcement de la régulation, il prévoit qu’un tiers des banques pourraient fermer d’ici à 2025.