• Olivier Baumont et Julien Chauvin
    A Madame - divertissement pour Adélaïde

    Olivier Baumont (clavecin), Julien Chauvin (violon)

Les princesses de France, filles du roi, étaient appelées « Madame ». Louis XV en eut pas moins de huit, la plupart éminentes musiciennes. Ainsi Adélaïde, à la rencontre de laquelle nous convie ce disque aux allures de machine à remonter le temps. Enregistré dans les appartements de Madame (de nuit, pour ne pas perturber le rythme des visites) sur des instruments lui ayant appartenu (notamment, un violon de Nicola Gagliano qui sonne presque parfois comme un alto), ce programme d’œuvres liées à son expérience personnelle (les Sonates de Simon Simon lui sont dédiées, Antoine Dauvergne lui a enseigné la composition) est scandé par les sonneries d’une pendule lui ayant appartenu. Porté par Olivier Baumont (aussi fin au clavecin qu’à la plume du livret) et Julien Chauvin (qui nous régale, entre autres, d’un duo avec lui-même pour une des innombrables versions des Sauvages de Rameau), ce projet de reconstitution historique va bien au-delà de la formule attractive « Si Versailles nous était conté… » Pierre Gervasoni

1 CD Aparté.

  • Macy Gray
    Stripped

Pochette de l’album « Stripped », de Macy Gray. | CHESKY RECORDS

Timbre rauque, intense dans ses interprétations, la chanteuse américaine Macy Gray a été l’une des plus intéressantes nouvelles venues de la scène soul au passage du XXIe siècle avec trois albums publiés par la compagnie Epic, On How Life Is (1999), The Id (2001) et The Trouble with Being Myself (2003). Elle a, depuis, enregistré cinq albums, dont Covered, en 2012, chez 429 Records, recueil de reprises. Parmi lesquelles Nothing Else Matters, du groupe de thrash metal Metallica, que l’on retrouve une deuxième fois dans son nouveau disque, Stripped. Dans une ambiance déliée, acoustique, accompagnée, comme pour le reste de l’album, par des pointures du jazz, le guitariste Russell Malone, le trompettiste Wallace Roney, le contrebassiste Daryl Johns et le batteur Ari Hoenig. En dix chansons, dont elle est majoritairement l’auteure, tirées de son répertoire (Sweet Baby, She Ain’t Right for You, Slowly, à fleur de peau…) et trois nouvelles, dont The Heart, Macy Gray fait passer une belle dramaturgie émotionnelle et comme une joie retrouvée de la liberté du chant. Une approche jazz, avec l’élément soul présent, qui lui va au mieux. Sylvain Siclier

1 CD Chesky Records/PIAS.

  • Elbow
    Little Fictions

Pochette de l’album « Elbow », de Little Fictions. | MERCURY/UNIVERSAL

Sans posséder l’arrogant sex-appeal, ni le goût des hymnes britpop chers à nombre de groupes de sa ville de Manchester, Elbow s’est affirmé, depuis l’aube des années 2000, comme l’une des formations majeures de la scène britannique. Seize ans après leur premier album (Asleep in the Back), Little Fictions confirme mieux que jamais la puissance élégiaque de Guy Garvey, au chant très marqué par Peter Gabriel (période Genesis), et l’ambition de musiciens cherchant depuis toujours à concilier complexité et limpidité mélodique. A la manière d’un Radiohead, qui n’aurait pas renoncé à la séduction de grandes chansons, ou d’un Coldplay qui préfèrerait les clairs-obscurs à une niaise euphorie, Elbow peut se risquer à la grandeur épique – les cordes de Magnificent (She Says) –, parier sur les ressources d’une rythmique engourdie (l’hypnotique Trust the Sun), flirter avec la vénéneuse nonchalance du Velvet Underground (All Disco et Kindling). Voire dénoncer le Brexit avec une sombre élégance (K2). Stéphane Davet

1 CD Mercury/Universal.

  • Ricardo Ribeiro
    Hoje é assim, amanha não sei

Pochette de l’album « Hoje é assim, amanha não sei », de Ricardo Ribeiro. | VIAVOX PRODUCTION/L’AUTRE DISTRIBUTION

Le charme envoûtant du fado agit au travers des voix qui le portent. Il en est de remarquables, amples et sinueuses, puissantes ou nuancées, suivant le moment, la phrase, l’idée. Ricardo Ribeiro est un formidable chanteur de fado, même s’il gagnerait parfois à moins d’emphase, mais n’est-ce pas le genre qui veut cela, après tout ? On le préférera donc dans la douceur, le presque murmure, la retenue, dans lesquels il excelle et se singularise. Né en 1981, il a commencé à chanter avant même d’avoir 20 ans et s’est vite fait repérer dans les nuits lisboètes. Son nom a rapidement grandi, au fil des récompenses et distinctions, de ses différentes collaborations « hors cadre », entre autres avec le oudiste libanais épris de jazz Rabih Abou Khalil, ou l’Orchestre chinois de Macao. Une ouverture dont témoignent le répertoire et les arrangements de ce quatrième album où sont conviés, auprès des guitares, piano, trompette et accordéon, Paul Verlaine (Chanson d’automne, en français), le Brésilien Vinicius de Moraes (Serenata do adeus) et le Mexicain Luis Demetrio (Voy) qui côtoient fados traditionnels (En sei que eu sou demais, de Joaquim Pimentel, ou Malaventurado, composé par Alain Oulman, l’un des compositeurs préférés d’Amalia Rodrigues) et fados contemporains (Nos Dias de hoje, de Tozé Brito). Patrick Labesse

1 CD ViaVox Production/L’Autre Distribution.

  • Lupe Fiasco
    Drogas Lights

Pochette de l’album « Drogas Lights », de Lupe Fiasco. | THIRTY TIGERS/MODULOR

Il revient de loin, Lupe Fiasco. Après des débuts flamboyants en 2006 et un titre fondateur, Superstar, le rappeur de Chicago n’avait pas retrouvé sa verve sur ses trois derniers albums. Il s’empêtrait plutôt sur scène dans des discours fumants sur la politique étrangère de Barack Obama, ou sur le supposé complot judéo-illuminati de l’industrie du disque. Alors, contre toute attente, ce sixième album est de très bonne facture. Sur une première partie du disque, le rappeur se cale sur le tempo de ses jeunes collègues du cloud rap – le titre Promise ou City of the Year, avec Rondo, ode à sa ville qui détient en 2016 le record de tués par balles aux Etats-Unis. Son ingénieur du son et compositeur, Simon Sayz, lui offre avec Hight Interlude une subtile transition vers une deuxième partie d’album plus riche, qui voit défiler de grands noms du rap américain, Rick Ross, Big K.R.I.T.T, Ty Dolla $ign. C’est d’ailleurs à partir de ce dernier duo, Kill, que l’on retrouve, jusqu’à la fin du disque, ce qui a fait la spécificité de Lupe Fiasco sur ses deux premiers essais : un équilibre entre pop, ambiance jazz et un flot rapologique précis, avec un Pick up the Phone aussi bon que Superstar. Stéphanie Binet

1 CD Thirty Tigers/Modulor.