François Fillon visite une ferme photovoltaïque à L’Etang-Salé, sur l’île de la Réunion, samedi 11 février. | RICHARD BOUHET / AFP

La campagne de François Fillon est aussi accidentée que le relief de l’île de la Réunion. Chaque étape de ses pérégrinations à travers la France lui réserve en effet des comités d’accueil très différents. Samedi 11 février, le candidat à la présidentielle a atterri à Saint-Denis, capitale de l’île de la Réunion, pour un déplacement de trois jours. A l’extérieur de l’aéroport Roland-Garros, les sympathisants et militants du parti Les Républicains (LR) avaient bien fait les choses. Des djembés et des percussions ont rythmé les « Fillon, Fillon ». Tout sourire, l’ancien premier ministre a enchaîné les bises comme rarement, avant de s’arrêter dire un mot. « C’est un plaisir de revenir à la Réunion. (…) C’est à la fois un symbole de la grandeur de la France et en même temps c’est un résumé de tous les maux de notre pays, en particulier le chômage et l’insécurité », a-t-il déclaré avant de s’engager à promettre ici un « projet très puissant ».

Des banderoles et une bagarre

Un accueil sans anicroche et sans une remarque sur les affaires qui émaillent sa campagne. Comme une bouffée d’air chaud loin de la métropole. Impossible pourtant de voyager dans l’hémisphère sud sans que ne le suive l’affaire de l’emploi de son épouse comme assistante parlementaire. L’après-midi, le candidat a a visité une ferme piscicole alimentée à l’énergie photovoltaïque. Devant les grilles, une grosse dizaine de militants se sont regroupés. Certains arboraient des autocollants « La France insoumise », le slogan de Jean-Luc Mélenchon. D’autres se disaient lanceurs d’alerte au sein de l’association « Les révoltés du 974 ». Une dame, Jocelyne Fontaine, protestait, elle, contre des expropriations décidées par le maire de l’Etang-Salé, Jean-Claude Lacouture. « Je suis très contente que l’affaire Fillon éclate. Nos élus sont pareils sauf que nous habitons une petite île et que nous les subissons encore plus », résume-t-elle. « Politique propre. Non aux emplois fictifs » ou « François Fillon, veux-tu m’épouser pour être la première ministre de la France ? » pouvait-on lire sur des banderoles ou des cartons.

Face à ce petit groupe de manifestants, des soutiens du maire, M. Lacouture, ont haussé le ton avant de déclencher une bagarre en allant arracher ces banderoles. Après ce moment de tension, certains opposants ont salué François Fillon en tapant sur des casseroles et des boîtes de conserve. Le candidat a fait le tour de l’exploitation avant de goûter quelques fruits de la passion. Pressé par les caméras, il n’a pas prononcé un mot au sujet des manifestants. Une façon d’afficher son inflexibilité. « Le déferlement médiatique relève de l’acharnement. On veut m’abattre et abattre la droite. Je ne laisserai pas faire. Nos électeurs commencent à en avoir plus qu’assez », a expliqué M. Fillon dans une interview au Quotidien de la Réunion, samedi 11 février. Cette victimisation est la ligne de défense privilégiée de l’ancien premier ministre depuis le début de cette série de révélations.

Une série d’incidents

Ce n’est pas la première fois qu’un déplacement de François Fillon est émaillé d’incidents. A Poitiers, jeudi 9 février, des militants du Front de gauche avaient tapé dans des casseroles. A Charleville-Mézières (Ardennes), un homme avait crié « Fillon démission » avant d’être ceinturé par le service d’ordre. Peu à peu la campagne du candidat de la droite devient le réceptacle des colères. Selon un sondage Odoxa réalisé les 8 et 9 février auprès d’un échantillon de 1 001 personnes et publié vendredi, 70 % des sondés estiment que M. Fillon doit retirer sa candidature. Cette pression autour de l’ancien premier ministre pèse sur l’organisation de la campagne. Après sa conférence de presse, lundi 6 février, M. Fillon avait voulu reparti en campagne tous azimuts. Il a certes, effectué quatre déplacements mais il n’a pas beaucoup rencontré les Français anonymes. Mardi, il a voulu annuler une visite dans une médiathèque avant de céder sous l’insistance du maire de Troyes, François Baroin. Mercredi, dans l’Essonne, une déambulation était envisagée à Juvisy avant d’être annulée. Jeudi, il a préféré prendre la voiture plutôt que le train pour se rendre dans la Vienne.

Pour le moment, sous la pression de ses opposants, François Fillon préfère l’évitement. « Un Sarkozy ou un Chirac aurait été droit vers les opposants pour leur parler. Pas lui », peste un membre de son équipe. A la Réunion, il doit se rendre à la messe à Saint-Gilles, dimanche, avant un pique-Nique à Saint-Paul, puis un meeting. Lundi, il doit visiter la Mosquée Noor-al-Islam à Saint-Denis avant de visiter une start-up, une distillerie et un circuit de course. Aucune déambulation dans la rue ou visite de marché n’est au programme.

Dans ce département d’outre-mer, deux de ses phrases ont été peu appréciées. Jeudi dans la Vienne, il a déclaré qu’« il n’y a rien de honteux à dire que la France n’est pas un pays mosaïque ». Lors de son discours de lancement de campagne à Sablé-sur-Sarthe, il avait lancé au sujet de l’esclavage : « la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du nord. » La presse de l’île a rapporté ces extraits de campagne en demandant au candidat des explications. Ce qui ne va pas rendre le reste du voyage de tout repos. Surtout si les opposants le suivent à chaque étape.

Les affaires qui menacent Fillon résumées en trois minutes
Durée : 03:13