François Fillon participait à un pique-nique à Saint-Paul, sur l’île de la Réunion, dimanche 12 février. | RICHARD BOUHET / AFP

François Fillon a parcouru plus de 9 000 kilomètres pour rejoindre l’île de la Réunion. Sa ligne de défense, elle, n’a pas bougé d’un millimètre. Après plus de deux semaines de révélations sur l’emploi de son épouse comme assistante parlementaire, il se considère toujours comme une victime et restera inflexible. « Mes amis, depuis deux semaines, je suis attaqué, 24 heures sur 24. Mais je reçois aussi d’innombrables soutiens. J’en reçois énormément », a lancé, dimanche 12 février, le candidat à la présidentielle de la droite lors d’un meeting à Saint-Pierre  : « Je me battrai jusqu’au bout car mon programme est le seul capable de relancer la France. » Avant sa prise de parole, l’ancien premier ministre avait fendu l’assistance des sympathisants du parti Les Républicains (LR). Le second bain de foule de son voyage après une déambulation à l’occasion d’un pique-nique, dimanche midi. A chaque fois, le candidat était entouré par ses propres sympathisants. Quelques personnes munies de casseroles avaient été bloquées loin de l’entrée du meeting.

Lors de sa prise de parole, M. Fillon a essayé de sortir de sa séquence plombée par les affaires en concentrant ses attaques sur le quinquennat « long et insipide » de François Hollande, notamment en matière de baisse du chômage, de sécurité et d’immigration : « Il est temps de serrer les vis et de rappeler que la France est une nation, pas une passoire. Sur l’île voisine de Mayotte, l’immigration clandestine est une menace pour la cohésion sociale ». Et, campagne oblige, il a aussi visé ses futurs adversaires. Emmanuel Macron qui le devance régulièrement dans les sondages ? « Le radeau de sauvetage de tous les naufragés du hollandisme. » L’extrême droite ? « Elle mettrait la France en faillite au bout de six mois. »

Des promesses dans les bagages

A deux mois et demi du premier tour, l’ancien premier ministre est venu avec quelques promesses pour l’outre-mer dans ses bagages. Le candidat de la rigueur qui veut supprimer 500 000 postes de fonctionnaires s’est engagé à ce que l’outre-mer ne soit pas concernée par ce plan de réduction des effectifs « tant que la situation de l’emploi ne sera pas meilleure » (près de 25 % de chômage à la Réunion). M. Fillon a aussi promis pour les dom-tom un budget supplémentaire de 2 milliards d’euros par an avec la création d’un système d’incitation à l’embauche pour les entreprises de moins de dix salariés.

Au final, le candidat de la droite a peu parlé du contexte judiciaire. Il n'a pas dénoncé la « meute » ou le « microcosme médiatique », comme il l’a fait ces deux dernières semaines. Le président du conseil régional, Didier Robert, s’est chargé des attaques désormais traditionnelles contre les médias et la justice en évoquant un « acharnement », « l’outrance », « la calomnie ». Pourtant, loin de la métropole, beaucoup de moments ont ramené le vainqueur de la primaire à ses ennuis judiciaires. Même à l’église. La journée de François Fillon avait en effet commencé par la messe dominicale à Notre-Dame de la Paix de Saint-Gilles. Face à l’océan Indien, le candidat a été accueilli par les questions des journalistes : « Certains disent que vous avez quelque chose à vous faire pardonner ? » Un éventail à la main, les paroissiens ont assisté au ballet des caméras autour du candidat. Lui, impassible, a pu écouter la lecture des évangiles. Le psaume 25 du livre V de l’évangile de Saint Matthieu a résonné curieusement. « Accorde-toi vite avec ton adversaire tant que tu es en chemin avec lui pour éviter que ton adversaire ne te livre aux juges, le juge aux gardes et qu’on ne te jette en prison », a lu le prêtre Russel Torpos avant de poursuive : « Amen, je te le dis, tu ne t’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sous. »

François Fillon assiste à une messe dans l’église Notre-Dame de la Paix de Saint-Gilles, à la Réunion, dimanche 12 février. | RICHARD BOUHET / AFP

L’homélie était à l’avenant : « Si nous pensons être quittes de tout ce que nous avons fait au motif que personne ne nous a vus, nous nous trompons. » Le prêtre a sans doute agi sans malice. Mais la campagne de M. Fillon est justement devenue très compliquée car tout y est analysé à travers le prisme de ses affaires. Et certains s’invitent pour perturber les déplacements et rencontres à l’agenda du candidat. Samedi, une discussion entre opposants et pro-Fillon avait dégénére en bagarre. Dimanche midi, avant un pique-nique, trois personnes qui avaient collé la figure de Penelope Fillon sur des pancartes ont été bloquées.

Changement de stratégie judiciaire

Ce candidat qui cherche un sursaut dans l’opinion est toujours en sursis. Selon les informations du JDD, une information judiciaire pourrait être ouverte dans les jours à venir. Un renvoi devant le tribunal correctionnel est également possible. Dimanche soir, le parquet national financier a démenti avoir pris sa décision deux semaines et demi après avoir ouvert une enquête préliminaire. Mais M. Fillon est toujours suspendu à un calendrier qu’il ne maîtrise pas. En ce qui concerne le volet judiciaire de sa campagne, il a changé de stratégie. Au début des révélations, il avait demandé à être entendu rapidement et espérait être blanchi dans des délais assez brefs. C’est pour cette raison qu’il avait demandé aux parlementaires LR, le mercredi 1er février de lui donner 15 jours. Ses avocats pensent maintenant que la procédure sera plus longue. D’où leur conférence de presse de jeudi où ils ont tenté de délégitimer le parquet national financier. Comme s’ils ripostaient par avance à une décision dans les jours à venir.

François Fillon s’était engagé à ne plus être candidat s’il était mis en examen. Impossible de savoir maintenant comment il réagira à la suite de l’enquête. Mais cette épée de Damoclès continue à inquiéter les parlementaires de sa famille. Ces derniers ont passé un troisième week-end dans leur circonscription et les remontées de terrain ne sont toujours pas bonnes. Dimanche, en marge d’un pique-nique au milieu de ses sympathisants, le candidat a répondu aux questions de la chaîne locale Réunion première. Il a alors répété qu’il n’y avait pas de solution de remplacement. Quelques minutes plus tard, il a dansé le Sega, une danse locale, sur la chanson Ti fleur fanée. En croisant les doigts pour que ce ne soit pas sa candidature qui se fane trop vite.