Jean-Claude Juncker, le 6 février à Bruxelles. | EMMANUEL DUNAND / AFP

Pas sûr que ses propos, même s’ils sont réalistes, vont redonner de l’allant aux pro-Européens qui, à Bruxelles, en manquent singulièrement, déprimés par le Brexit, l’Amérique de Trump et le désamour des opinions publiques. Jean-Claude Juncker, président de la Commission, a affirmé sur la radio allemande Deutschlandfunk, dimanche 12 février, qu’il ne briguerait pas de deuxième mandat à la tête de l’exécutif européen, en 2019.

Le Luxembourgeois, 62 ans, a aussi émis des doutes sur la capacité des Européens à rester unis. « Concernant Trump et le Brexit, tout le monde dit : c’est une grande chance pour l’Europe. L’heure est venue de serrer les rangs et de marcher d’un même pas. Je souhaite que cela soit le cas, mais est-ce que c’est ce qui va se passer ? J’ai des doutes. Parce que les Britanniques peuvent diviser sans trop d’efforts les vingt-sept autres Etats membres. » Et l’ex-premier ministre du Grand-Duché de poursuivre : « L’UE évolue dans des directions différentes selon les pays, des directions difficilement compatibles entre elles. »

Des propos plutôt pessimistes à quelques semaines de l’ouverture des négociations sur le divorce d’avec le Royaume-Uni, et alors qu’à Bruxelles, les négociateurs répètent qu’ils sont confiants dans l’unité des Vingt-Sept. « M. Juncker est toujours motivé et prêt à se battre comme au premier jour », assurait pourtant dimanche l’entourage de M. Juncker.

« Dernière chance »

Le président est coutumier de ce type de déclarations cash. N’a-t-il pas lâché à la fin d’un point presse avec le premier ministre français, Bernard Cazeneuve, lundi 6 février, juste avant un rendez-vous avec le président azerbaïdjanais : « La partie agréable de la journée est terminée » ? Son éviction du gouvernement luxembourgeois, en 2013, et son remplacement par le libéral Xavier Bettel, l’avaient plongé dans une crise de déprime. Il l’avait surmontée en devenant le « Spitzenkandidat » (chef de file) des conservateurs du Parti populaire européen pour la présidence de la Commission de Bruxelles. Celle de « la dernière chance », avait-il alors indiqué.

Les déclarations de M. Juncker surviennent à un moment d’autant plus délicat pour l’Europe que, confrontée à Vladimir Poutine, elle pourrait également se diviser à propos des sanctions frappant Moscou pour son annexion de la Crimée. Le regain de tension dans l’est de l’Ukraine pourrait ressouder les Européens ou les fragiliser : quelle serait la réponse de l’administration Trump à des mouvements de chars orchestrés par Moscou, alors que le nouveau président semble estimer que ni son pays ni l’OTAN n’ont à se mêler de telles péripéties ?

La relation avec Washington sera peut-être clarifiée lors de la visite à Bruxelles, lundi 20 février, du vice-président Mike Pence. La haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, qui a eu des premiers contacts avec la nouvelle administration ces derniers jours, l’a, avec fermeté, invitée à « ne pas se mêler » de l’avenir de l’Union.