Le groupe Collectif ultras Paris lors de PSG-Bâle, en Ligue des champions le 19 octobre 2016. | FRANCK FIFE / AFP

Messi, Neymar et Samuel Umtiti : les invités de la fête d’anniversaire du Collectif ultras Paris (CUP) sont prestigieux. Un an après sa création, le regroupement de supporteurs parisiens, dont certains étaient écartés depuis six ans par le Paris Saint-Germain (PSG), voit le FC Barcelone débarquer au Parc des Princes, mardi 14 février, en huitièmes de finale de la Ligue des champions. Pour l’occasion, le CUP a prévu le « tifo » – animation déployée en tribune à l’entrée des joueurs – le plus spectaculaire depuis son retour au stade en octobre 2016. Son président, Romain Mabille, abonné de longue date du virage Auteuil où renaît aujourd’hui le mouvement ultra parisien, revient sur les premiers pas du mouvement et sur sa relation avec ses anciens tourmenteurs.

La saison dernière, le PSG refusait toute discussion avec votre organisation et était en conflit juridique avec certains de vos membres. Puis, en quelques semaines cet automne, il vous a donné des moyens de vous regrouper au stade et d’organiser le soutien aux joueurs. A quoi attribuez-vous ce retournement de situation ?

On s’attendait pas a ce que ça aille aussi vite. Nasser [Al-Khelaïfi, président du PSG] et ses proches ont commencé a s’intéresser au fait qu’il y avait toujours des mecs à côté du déplacement officiel du club. Pendant des années, on lui a dit que c’était des voyous, et il s’est rendu compte que ces 300 mecs sur le côté chantaient plus fort et ne posaient pas beaucoup de problèmes. C’est ce travail en tribune qui a ouvert une brèche.

Pour Nasser, je pense que la remise du trophée l’an passé au Parc a été un déclic : en prenant le micro, il a entendu les chants Liberté pour les ultras et a semblé découvrir que les gens n’étaient pas contents malgré les tentatives du club de ramener l’ambiance au Parc.

Avez-vous déjà rencontré Nasser Al-Khelaïfi ?

Jamais. Mais nous sommes sûrs a 100 % que si Nasser n’avait pas fait ce qu’il a fait, on ne serait jamais revenus au Parc.

C’est la raison de notre banderole pour le remercier (déployée face à Lorient, le 21 décembre 2016). Dans le mouvement ultra, les gens n’ont pas trop apprécié, les retours étaient plutôt négatifs, mais l’avis des autres ne nous intéresse pas. Le club est content que les supporteurs soutiennent le président. Dans cette histoire, ce ne sont pas les Ultras qui ont gagné et le club qui a perdu : tout le monde y trouve son compte.

Qui est votre interlocuteur au Paris Saint-Germain ?

Nous avons des réunions régulières avec Jean-Claude Blanc [directeur général délégué du PSG], souvent liés à la sécurité et à l’organisation des déplacements. Et le service marketing, en charge de l’animation du stade, a mis quelqu’un à disposition pour discuter avec nous, qui connaît un peu le monde des supporteurs.

Jean-Claude Blanc (à gauche), directeur général délégué du PSG, et son président Nasser Al-Khelaïfi, le 21 janvier, au Parc des princes. | AFP

Comme quatre de vos amis, vous, personnellement, n’avez pu retrouver le Parc des Princes que lors du match face à Monaco. Le PSG vous a laissé entrer contre l’avis de la préfecture de police, qui vous jugeait indésirable...

Les jours de match, j’allais tôt devant le stade pour régler des histoires de place, les relations avec le club, mais je restais dehors. Personnellement j’étais frustré mais le fait que la situation évolue positivement m’a permis de relativiser. Je savais que ça allait se débloquer, étant donné que je n’étais pas interdit de stade. Judiciairement, rien ne justifiait que nous n’entrions pas.

La direction du club a poussé pour que ça se débloque. Nous avons été obligés de mettre la pression sur le club à travers une communiqué évoquant un boycott, pour que la préfecture ouvre les portes. [L’Equipe a depuis révélé que la préfecture avait tenté d’en dissuader le PSG par l’envoi d’un courrier officiel avant PSG-Monaco].

Comment le PSG vous aide-t-il à vous organiser dans le stade ?

Nous disposons désormais d’une sono, indispensable pour une tribune de cette taille, d’une plateforme et nous sommes organisés en Auteuil rouge (niveau bas) et bleu (niveau haut). Le PSG va nous aider à ramener nos membres de la tribune Boulogne vers Auteuil rouge, car il veut réanimer une seule tribune. Par ailleurs, il met à notre disposition 150 places à chaque match, que nous payons et revendons à un prix défini.

Maintenant, on n’a plus rien à demander au club, juste à faire notre travail. La plupart des spectateurs de la tribune ne chantent pas encore : il faut être patient car il n’y a pas eu d’organisation de la tribune depuis six ans. Nous avons déjà 2 100 adhérents, dont pas mal de jeunes, venus de tribunes différentes, qui n’ont pas encore forcément les « codes ultras ».

Il y a trois mois, Christophe Uldry, ancienne figure respectée du virage Auteuil, estimait l’aventure du CUP vouée à l’échec au motif que le club ne vous laisserait pas contester certaines de ses décisions, sur le prix des places par exemple. La liberté d’expression existe-t-elle au Parc des Princes aujourd’hui ?

Elle existe... Après, c’est vrai qu’on a encore des restrictions sur les banderoles, les tifos, mais il faut relativiser. On se dit qu’on est là depuis quatre mois et avant de jouer les pourris gâtés, on va montrer ce qu’on sait faire. Cela viendra naturellement.

On essaye de travailler avec le club plutôt qu’en opposition. On est tous ensemble. Le mouvement ultra a toujours été dans une optique de confrontation, de grève. Nous, on préfère proposer des solutions.

La tribune que l’on veut faire n’a rien à voir avec les virages tels qu’ils existent en France aujourd’hui. On s’inspire de ce qui se fait en Allemagne, où les supporteurs ont de bonnes relations avec les clubs et la police, où femmes et enfants peuvent venir en tribune avec les ultras. On veut mélanger toute la population parisienne. Etre ultra c’est avant tout animer sa tribune, chanter, se déplacer pour son club, participer à la vie associative.

Le virage avant la dissolution de 2010 et celui que l’on construit seront forcément différents sur beaucoup de points.

Y compris dans l’impossibilité de contester des décisions du club ?

Quoi qu’il arrive, on se battra pour que l’ensemble de l’Ile-de-France puisse venir au stade. Le prix des abonnements au Parc, en ce moment, est trop cher. On en discute avec le club mais sans effet, pour l’instant. S’ils veulent changer le logo [ce qui a déjà été fait il y a quatre ans] ou les couleurs du maillot domicile, on se manifestera aussi. On marche avec le club, on est la famille du PSG, mais le PSG ce sont les couleurs, le logo, le Parc des Princes.

Le 14 janvier, des incidents ont opposé des membres du CUP et d’anciens supporteurs de la tribune Boulogne, sur une aire d’autoroute sur le chemin de Rennes-PSG (0-1). Deux mois plus tôt, un témoin du procès de Yann Lorence a été pris à partie par d’anciens supporteurs de Boulogne. Faut-il craindre le retour des affrontements qui ont conduit à la mort de Yann Lorence ?

Pas du tout. Les anciens groupes de Boulogne ont refusé d’intégrer le CUP mais ça se passe bien avec eux, même si une frange est restée sur ses positions racistes. Il y a d’ailleurs pas mal d’anciens abonnés de Boulogne dans le collectif. Tout le monde a tiré un trait sur ce qui s’est passé. Au fil des mois, je me rends compte que les gens veulent seulement représenter Paris, pas Auteuil ni Boulogne.