Philippe Barre, cofondateur de l’écosystème Darwin à Bordeaux. | Darwin

S’amuser en apprenant, apprendre en s’amusant, comme en classe de maternelle. Invité de la conférence « Certains métiers ont-ils plus de sens ? » organisée dans le cadre d’O21/s’orienter au 21e siècle, les 10 et 11 février à Cenon, Philippe Barre a développé l’idée de l’apprentissage ludique, au cœur des désormais célèbres serious games (« jeux sérieux »). Il est le cofondateur de l’écosystème Darwin, à Bordeaux, un espace innovant qui mélange activités de coworking, lieux pour se restaurer ou faire la fête, hébergement d’urgence, production artistique, sport, culture… Bref « un bout de ville dont l’objectif est de décloisonner les pratiques et les gens… toujours en s’amusant », explique-t-il. Entretien.

Lors de l’événement O21 à Cenon, vous avez dit que toute la vie devrait être « à l’image de la classe de maternelle ». C’est-à-dire ?

Lorsqu’on fait des choix de vie ou que l’on s’oriente au sens large du terme, il ne faut pas se prendre au sérieux, faire les choses sérieusement. Le sérieux rend difficile l’apprentissage, la réussite et, le cas échéant, le rebond. Le secret c’est l’amusement et le plaisir. C’est pour cela que j’ai parlé de la classe de maternelle. Elle correspond selon moi au moment ou l’on fait les plus grands progrès, les plus grandes révolutions à son échelle. C’est un tourbillon de folie de deux ou trois ans où l’on apprend énormément de choses en s’amusant, mais qui s’arrête malheureusement rapidement.

Tous les mammifères de la planète apprennent à survivre en s’amusant. Pourquoi, chez nous, cela ne devrait durer que quelques années, alors que c’est ce qui nous permet d’être performants et créatifs dans ce qu’on fait ? Il faut réapprendre à s’amuser.

Au moment de faire des choix ou de s’orienter, comment prendre en compte ce côté ludique ?

Un sondage réalisé à O21 auprès des jeunes présents a montré que ce qu’ils considèrent comme le plus important pour bien apprendre est le fait de le faire avec un professeur qu’ils apprécient. Il est donc important, au moment de faire des choix, de penser aux personnes avec lesquelles on a envie d’avancer, dans ce qui nous fait plaisir.

On apprend et on avance rarement tout seul dans la vie, alors, tant qu’à faire, mieux vaut que ce soit avec des potes, des gens qu’on apprécie, avec qui on pourra s’amuser.

Dans quel type de métier/études peut-on se faire plaisir aujourd’hui ?

La passion et l’enthousiasme peuvent se retrouver dans tous les métiers, tant qu’on est dans une dynamique de partage et d’échange. Tant qu’on ne prend pas trop ce qu’on fait au sérieux, tant qu’on joue. Pour y arriver, certains choisiront de faire des études, d’autres non ; la liberté est à chacun.

Selon une étude du cabinet Wagepoint, une majorité des élèves en maternelle aujourd’hui exercera un métier qui n’existe pas encore. Comment bien s’orienter dans cet avenir professionnel incertain ?

On peut aussi imaginer que ces élèves de maternelle feront un métier qui existait hier, non ? Tout cela pour dire qu’il ne sert à rien de trop s’interroger sur ce que seront les métiers de demain. L’important est de se mettre en disposition d’apprendre à apprendre, d’être curieux de tout, d’aimer l’apprentissage. En étant curieux, on flaire forcément le métier qui arrive.

C’est quoi être curieux quand on a aujourd’hui 18-25 ans ?

C’est lire des livres quand on aime lire. C’est ne pas en lire quand on n’aime pas mais trouver une autre activité pour se découvrir. C’est chercher à comprendre qui on est au fond de soi par son écoute personnelle, en multipliant les expériences. C’est arrêter d’essayer de rentrer dans les cases, tenter de faire péter le cadre qu’on essaie de nous imposer.

Mais être curieux c’est aussi voyager. En cette période de repli identitaire, de montée des populismes, des périls et des peurs, il faut justement s’ouvrir toujours plus, décupler la mobilité, les voyages. Il n’y a pas nécessairement besoin de sortir de notre pays pour cela. On peut aussi découvrir des cultures à deux rues de chez soi. Changer de milieu social, aller vers les plus démunis : ce sont des voyages aussi.

Cette curiosité est donc à chercher seulement en dehors de l’école ou des études ?

Ce que je dis c’est justement que l’école devrait être partout, pas dans un lieu unique. Le numérique facilite cela en permettant de découvrir énormément de choses par le biais de la connection aux réseaux globaux. Mais la meilleure école reste l’école de la vie, des expériences, et du plaisir.

Après Lille et Cenon, Le Monde organise son événement O21, s’orienter au 21e siècle à Villeurbanne (15 et 16 février) et à Paris (4 et 5 mars). Inscription gratuite, places limitées.