LA LISTE DE NOS ENVIES

Jeff Nichols se tourne pour la première fois vers l’histoire des Etats-Unis, à travers une magnifique histoire d’amour. Guillaume Canet entraîne sa compagne dans un exercice d’autodérision. La Cinémathèque propose un « best of » non officiel du cinéma français. Un documentaire se penche sur la part la plus obscure du parcours de David Lynch. Et les manchots de Luc Jacquet sont de retour.

L’AMOUR PLUS FORT QUE LA SÉGRÉGATION : « Loving »

LOVING de Jeff Nichols avec Joel Edgerton, Ruth Negga - Bande-annonce VOST
Durée : 02:27

Jeff Nichols, cinéaste sudiste (il est originaire de l’Arkansas), a toujours mis en scène des familles en butte à de terribles périls, réels ou imaginaires. Pour la première fois, il puise dans l’histoire des Etats-Unis, montrant l’histoire de Mildred (Ruth Negga) et Richard (Joel Edgerton) Loving : elle afro-américaine, lui « caucasien ». Ils se marièrent en 1958, en Virginie, en un temps où la « miscégénation » (nom raciste du métissage) tombait sous le coup des lois qui constituaient le régime de ségrégation en vigueur dans les Etats du Sud, jusqu’au milieu des années 1960. Poursuivis, emprisonnés, les Loving ne renoncèrent jamais à leur union et à leur terre (un premier jugement leur avait proposé une dispense de peine en échange de l’exil loin de la Virginie).

C’est cette fidélité conjugale et terrienne que Jeff Nichols met en scène, plutôt que l’épopée militante et juridique. Servi par des interprètes d’une admirable sobriété (Ruth Negga est d’ailleurs nommée à l’Oscar de la meilleure actrice), le réalisateur trouve un rythme ample, qui inscrit l’histoire à la fois ordinaire et exemplaire des Loving dans un paysage, dans l’histoire.

Film américain de Jeff Nichols, avec Joel Edgerton, Ruth Negga (2 h 03).

L’ART PLASTIQUE, C’EST FANTASTIQUE : « David Lynch : The Art Life »

DAVID LYNCH : THE ART LIFE - Au cinéma le 15 février / Film-Annonce
Durée : 01:41

A ceux qui tiennent David Lynch pour l’un des cinéastes américains les plus fascinants et restent hantés par l’insondable mystère de ses films (Elephant Man, Blue Velvet, Lost Highway, Mulholland Drive), le documentaire que lui consacrent Jon Nguyen, Rick Barnes et Olivia Neergaard-Holm apparaîtra comme une mine d’or. Non seulement pour avoir recueilli la parole d’un artiste secret, revenant pour l’oc­casion sur la part la plus obscure de son parcours (celle qui va de l’enfance à la réalisation de son premier long-métrage, Eraserhead, en 1977), mais aussi pour avoir réuni une somme d’images et de documents rares, qu’il s’agisse d’archives personnelles ou d’œuvres de jeunesse.

Ils ont filmé David Lynch dans son atelier de peinture, manipulant outils et matériaux, malaxant les couleurs de ses doigts avant de les étaler à même la toile. Le cinéaste raconte sa passion d’enfance pour le dessin, son passage fugace par les Beaux-Arts de Boston, son apprentissage auprès de l’artiste Bushnell Keeler, son dévouement de jeune homme pour la peinture. Ce qui frappe, c’est la solitude du créateur, sa réclusion complète dans sa pratique, mais aussi sa fidélité à une obsession picturale. The Art Life s’interrompt au seuil de l’œuvre filmique de ­David Lynch, sur le tournage ­épique d’Eraserhead, qui appartient à la légende. Mathieu Macheret

Documentaire américain de Jon Nguyen, Rick Barnes et Olivia Neergaard-Holm, avec David Lynch (1 h 30).

LA VIE À MOINS DE ZÉRO : « L’Empereur »

L'Empereur - Bande-annonce : le 15 février 2017 au cinéma
Durée : 01:18

Douze ans après avoir triomphé dans le monde entier avec La Marche de l’empereur, Luc Jacquet est retourné en Antarctique filmer les manchots. De nouveaux moyens techniques (caméras haute définition, drones…) lui ont permis de rapporter de nouvelles images, qui racontent la même histoire, celle de la survie d’une espèce qui s’est adaptée à un milieu a priori incompatible avec la vie animale. Le commentaire, sobre, dit par Lambert Wilson, la patience du cinéaste (qui exige en retour la patience du spectateur) font de L’Empereur un film plus contemplatif que son prédécesseur, entrecoupé de séquences spectaculaires (comme l’irruption d’un manchot Adélie agressif dans un groupe de poussins empereurs empotés) dont le mystère reste entier, puisque le parti pris de l’anthropomorphisme est cette fois répudié.

La rude sérénité du film n’est troublée que par la musique, sentimentale, et une interrogation persistante. Pourquoi Luc Jacquet, qui a consacré un film – La Glace et le Ciel – aux conséquences du réchauffement global sur les écosystèmes des pôles, se contente d’une brève allusion au péril qui pèse sur le mode de vie des manchots empereur ?

Documentaire français de Luc Jacquet (1 h 24).

LA MAISON DE GUILLAUME ET MARION : « Rock’n Roll »

Rock'N Roll - Bande-annonce officielle HD
Durée : 01:30

Le rapport quantité-prix qu’offre Rock’n Roll est exceptionnel : pour le tarif d’une entrée, vous aurez deux films, qui n’ont en commun que leurs personnages principaux, Guillaume Canet et Marion Cotillard (interprétés par Guillaume Canet et Marion Cotillard). Le premier film est une satire du cinéma français, le second une fable absurde. Le hiatus entre ces deux parties est – avec une certaine désinvolture dans l’écriture de chacun des scénarios – la principale faiblesse de Rock’n Roll, qui reste un spectacle distrayant.

On suit allègrement Guillaume Canet dans ses efforts pour redevenir « rock’n’roll » (après que sa jeune partenaire – Camille Rowe – lui eut annoncé qu’il ne l’était vraiment plus), d’autant que sa compagne Marion Cotillard (Marion Cotillard) gère cette crise existentielle en parlant joual (elle prépare un rôle pour un film de Xavier Dolan), avec une constance qui arrache des cris d’admiration. La seconde partie du film, qui imagine non plus un relooking, mais un remodelage, relève de l’absurde, un genre plus périlleux, dans lequel Guillaume Canet (le réalisateur) s’enlise, faute d’avoir trouvé le bon rythme.

Film français de et avec Guillaume Canet, avec Marion Cotillard, Yvan Attal (2 h 03).

L’HOMME DE TOUS LES ÉCRANS : cycle Pierre Chevalier à la Cinémathèque

Pierre Chevalier (Bande annonce)
Durée : 01:16

Dans les années 1990, alors que le cinéma français n’était pas dans une forme éblouissante, les jeunes auteurs ont trouvé une oasis inattendue, à la télévision, sur la chaîne Arte. Pierre Chevalier, le directeur de l’unité fiction, leur offrait un espace de liberté, dans lequel Claire Denis, Olivier Assayas, Cédric Klapisch, Pascale Ferran, Robert Guédiguian ou André Téchiné ont pu élaborer des œuvres qui étaient parfois des films achevés, d’autres fois la préfiguration de longs-métrages à venir.

Dans la première catégorie, on trouve Marius et Jeannette, de Guédiguian, ou Ressources humaines, de Laurent Cantet. Dans la seconde, des épisodes des séries Tous les garçons et les filles ou L’An 2000 vu par sont devenus L’Eau froide, d’Assayas, The Hole, de Tsai Ming-Liang, ou Les Roseaux sauvages, de Téchiné. La Cinémathèque offre un vaste panorama de ce travail resté sans égal. Nombre de séances seront présentées par les réalisateurs qui ont travaillé avec Pierre Chevalier.

Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, du 15 février au 20 mars.