Jean-Pierre Lacroix, le 19 août 2008. | MARIO TAMA / AFP

La rumeur courait depuis plusieurs semaines. La France conserve le département des opérations de maintien de la paix à l’ONU (DOMP), l’un des postes les plus convoités avec un budget de 8 milliards de dollars (7,5 milliards d’euros) et environ 100 000 personnels en uniforme déployés sur les seize opérations de maintien de la paix en cours. Le diplomate Hervé Ladsous, qui dirigeait ce département depuis septembre 2011, avait annoncé qu’il n’était pas candidat à sa succession.

Il sera remplacé à compter du 1er avril – et pour une durée initiale d’un an – par Jean-Pierre Lacroix, 56 ans, un diplomate de carrière, qui connaît « par cœur » le système onusien après un passage à la mission permanente de la France à l’ONU dans les années 1990 puis les années 2000. Il était jusqu’à présent à la tête de la direction des Nations unies et des organisations internationales au Quai d’Orsay.

Déception

« Affable », « courtois », « un vrai diplomate capable d’arrondir les angles », l’homme fait l’unanimité dans son cercle rapproché. L’ambassadeur de France à l’ONU, François Delattre, salue, quant à lui, « ses grandes compétences personnelles ». Son arrivée devrait toutefois se faire dans une atmosphère moins cordiale…

De nombreux diplomates ne cachent pas leur déception de voir un nouveau Français diriger ce département, une « pépite » que Paris conserve depuis vingt ans. « C’est business as usual », se plaint l’un d’eux, qui aurait voulu voir le nouveau secrétaire général de l’ONU mettre un terme à cette tradition. « Il y avait des rumeurs que M. Guterres pourrait vouloir faire montre d’indépendance et ne pas choisir un Français. La Chine a fait pression pour avoir le poste… Mais Antonio Guterres devait une faveur à la France, qui a été l’une des grandes puissances à soutenir très activement sa candidature au poste de secrétaire général », analyse Richard Gowan, expert au Conseil européen des relations internationales.

Cette nomination « illustre aussi le fait que la France est l’un des acteurs majeurs du maintien de la paix », estime M. Delattre. Paris est le deuxième pourvoyeur de troupes derrière la Chine, 5e contributeur financier et seul membre de l’ONU, avec « Barkhane », au Sahel, ou « Sangaris », en République centrafricaine, à déployer une force nationale en soutien aux casques bleus. « Le principe de réalité a primé », confirme une source diplomatique.

Jean-Pierre Lacroix hérite d’un département confronté au délicat dossier des abus sexuels commis par les casques bleus. Par ailleurs, les forces de l’ONU au Sahel subissent des pertes inédites. Les chantiers sont nombreux, à commencer par la réduction drastique des coûts réclamée par les Américains et la réforme des opérations de maintien de la paix prônée par le secrétaire général, Antonio Guterres.

Flottements

Ce dernier a mis en place une revue stratégique du pilier paix et sécurité qui devrait rendre ses recommandations en juin et pourrait aboutir à des transformations en profondeur. On évoque notamment une possible fusion des affaires politiques et du maintien de la paix. Cela explique peut-être l’annonce de la nomination pour un an seulement de M. Lacroix. « Son titre pourrait changer mais en aucun cas il ne sera remercié dans un an », assure une source.

Signe des flottements lors de cette période de transition, Antonio Guterres a annoncé dans le même communiqué la prolongation pour le moins surprenante et pour un an du mandat de Jeffrey Feltman, directeur du département des affaires politiques, qui n’a jamais fait mystère de ses accointances démocrates et de son soutien actif à la candidate Hillary Clinton. En le renouvelant, il joue la « carte de la sécurité » et se laisse surtout le temps de comprendre les intentions de l’administration Trump qui semble ne pas les connaître elle-même…

La Russie convoite, quant à elle, un poste, qui pourrait être créé très prochainement, de secrétaire général adjoint à l’antiterrorisme.