Unaï Emery a, comme toujours, beaucoup gesticulé devant son banc, plus démonstratif que Luis Enrique. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

On peut l’écrire maintenant : en vérité, Unaï Emery n’avait rien à craindre de l’affrontement face au FC Barcelone. La veille du match, l’ancien attaquant parisien Pascal Nouma avait interrompu la conférence de presse pour lui souhaiter « bonne chance et bon match, coach », ce qui vaut tous les grigris du monde.

La scène, presque touchante, prêtait à sourire, parce que Nouma a plus marqué l’histoire de la télévision turque que du football français. Mais elle disait en creux tout ce qu’Emery avait à perdre dans la double confrontation face au Barça. Il venait pour donner une dimension européenne au projet du PSG, la suprématie nationale étant considérée par les propriétaires qataris comme un dû et un acquis inaliénable. Le mois de décembre, avec ce tirage au sort très compliqué en Ligue des champions et deux défaites pas prévues (Montpellier et Guingamp) en Ligue 1, donnait la perspective d’un printemps rugueux pour le Basque. Et, partant, d’un départ en fin de saison.

L’éclatante victoire face au FC Barcelone (4-0) change tout pour Unaï Emery. Vis-à-vis du football français qui le battait froid. Vis-à-vis de ses dirigeants pour qui le retentissement international d’une telle victoire efface tous les souvenirs des stades de Ligue 1. Vis-à-vis de ses joueurs qui n’ont pas encore mordu à sa méthode.

« La satisfaction de l’entraîneur est éphémère »

Unaï Emery a, comme toujours, beaucoup gesticulé devant son banc, plus démonstratif que Luis Enrique. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Après la rencontre, Unaï Emery, nez d’aigle et cheveux lissés de gomina, s’est gardé d’en sourire. Face à la presse espagnole, il n’a pas fourni le début d’une explication tactique, a glissé l’air de rien que Julian Draxler venait simplement de retrouver « la passion » du football et « l’envie de travailler », et minimisé sa part dans la démonstration : « Je ne suis qu’une personne dans un collectif ».

Plus loin, avec le même visage fermé : « La satisfaction de l’entraîneur est éphémère. (…) Il faut vivre tout cela avec beaucoup d’intensité mais garder l’équilibre. Il faut rester équilibré quand on perd mais encore plus quand on gagne. »

Pas la moindre esquisse de satisfecit personnel, encore moins de triomphalisme, après avoir infligé une leçon tactique à Luis Enrique dont tous les bancs d’Europe parleront jusqu’au week-end et qui, en Espagne, sera revisionnée tant et tant pour comprendre comment sevrer de ballons le trio Messi-Neymar-Suarez.

Unaï Emery, passé notamment par Valence et Séville, avait un bilan catastrophique face au club catalan : une victoire, six matches nuls, 16 défaites. Mais les confrontations les plus récentes dessinaient un progrès. Surtout, un entraîneur préférera toujours affronter un adversaire sur lequel il a buté 22 fois qu’un autre qu’il n’a jamais vu jouer.

Fort de cette expérience, et après deux mois d’analyse vidéo, Emery semble avoir identifié mardi les clés pour battre ce Barça fatigué : pilonner ses latéraux et empêcher les trois attaquants d’être servis dans les 20 derniers mètres.

Surtout, l’équipe alignée par Unaï Emery a dominé les débats dans l’engagement et l’enthousiasme. Elle a suivi ses consignes, répétées depuis son arrivée, d’un pressing tout terrain et d’un jeu rapide vers l’avant dès que la situation le permet, qui a conduit aux deuxième et quatrième buts.

Etat d’esprit

Quels autres facteurs de la démonstration parisienne attribuer à Emery ? La résurrection d’Angel Di Maria, visiblement stimulé par la concurrence nouvelle née du recrutement, en janvier, de Julian Draxler et du Portugais Gonçalo Guedes ? La performance de Presnel Kimpembe, défenseur central en remplacement de Thiago Silva blessé et souverain pour sa première apparition en Ligue des champions ? L’état d’esprit de l’ensemble des 11 joueurs ?

Et si le technicien basque commençait à savoir tirer le meilleur de ses joueurs ? Lors d’une interview passionnante accordée à El Pais en novembre (traduite ici), Emery, qui, dans nos frontières, dissimule sa pensée derrière un Français de niveau 1 et des banalités confondantes, assurait de sa capacité à motiver ses joueurs ; à les comprendre. « Parfois cela passe par la calino-thérapie en lui parlant seulement des choses positives, et parfois tu peux le stimuler en étant agressif, dans le but de provoquer certaines situations. (…) Le PSG est une équipe assez responsable, assez mature, exigeante par elle-même. Ce qu’il faut faire davantage ici, c’est gérer les joueurs en leur donnant constamment de la confiance et en leur montrant de la considération. »

La suite, si elle s’avérait prophétique, peut valoir un avenir glorieux au PSG d’Emery : « Dans ces équipes peuplées de joueurs qui ont tant gagné, les joueurs observent beaucoup l’entraîneur. Ce sont les premiers à te juger. Je sais qu’ils m’ont à l’œil. Je ne m’occupe pas vraiment de l’extérieur, mais de l’intérieur. Ce qui m’importe, c’est d’être crédible face aux joueurs. »

Dans cette quête de crédibilité, Unaï Emery a assurément fait un grand pas mardi au Parc des Princes. Mais elle n’est pas encore acquise. En zone mixte, pas un joueur n’a fait référence au travail tactique mis en place par leur supérieur. Plus tôt, ce n’est pas non plus vers lui que se précipitaient les buteurs tout à leur euphorie. A croire que les footballeurs accordent moins vite leur confiance que les commentateurs qui, après le 4-0 du Parc des Princes, tressaient les lauriers de l’entraîneur tant moqué depuis le début de saison.