Salifatou, jeune fille sourde de 13 ans scolarisée au Cefise, souhaite devenir infirmière. | Inès Coville

Lorsqu’on l’interroge sur son avenir, les doigts de Salifatou s’agitent avec rapidité. « Quand je serai grande, je voudrais être infirmière », dit-t-elle par signes, tandis que son enseignant s’empresse de traduire oralement. Salifatou, 13 ans, est sourde. Actuellement en classe de CM1, elle est scolarisée au Centre d’éducation et de formation intégrée des sourds et des entendants (Cefise) à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Avant d’arriver au centre, elle ne connaissait pas la langue des signes, et ses échanges avec son entourage se limitaient à quelques gestes simples. Et si aujourd’hui, pour poursuivre son éducation primaire et secondaire à Ouagadougou, Salifatou doit vivre loin de sa mère « restée au village », elle est loin d’être découragée par les contraintes liées à son handicap. « Je suis bien ici, confie-t-elle avec un sourire apaisé. Je veux apprendre et préparer mon avenir ».

De la maternelle au secondaire

Créé en 1988 par le pasteur évangélique Abel Kafando pour une vingtaine d’élèves, le Cefise est considéré comme l’un des établissements pionniers en matière d’intégration des enfants sourds en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, c’est près de 500 étudiants sourds qui y sont scolarisés parmi 3 800 élèves, selon une méthode d’éducation dite « inclusive », qui fait toute la spécificité de cette école privée, reconnue comme ONG de développement depuis 1993.

De la maternelle au secondaire, au sein de cursus généraux ou techniques, les élèves sont traités sur un pied d’égalité. Ils partagent les jeux et les bancs de l’école et apprennent ensemble à maîtriser la langue des signes. Les professeurs assurent un enseignement bilingue et se font aider d’interprètes et de systèmes de sous-titrage, à partir du collège.

« Au début, je ne savais pas ce que c’était, un sourd », se souvient Déborah, 9 ans, après un cours où tous chantent, avec les mains ou avec la voix, d’entraînantes comptines. « En fait, ils sont très gentils », continue t-elle avec ingénuité avant de courir rejoindre un groupe d’enfants en uniformes verts.

Au Cefise, les enseignants comme les enfants parlent la langue des signes. | Inès Coville

« Certains des élèves qui arrivent n’ont jamais réellement communiqué avec leurs familles. Ils n’ont parfois même pas de nom, on les appelle “le sourd », constate Irène Kaboré, psychologue au Cefise

Vaincre l’ignorance et les préjugés à tous les âges, tels sont les principaux combats de Thérèse Kafando, à la tête de l’établissement depuis le décès de son mari, en 2006. « Avoir un enfant sourd, c’est encore une honte pour certains parents, au Burkina Faso », explique l’infatigable directrice, en évoquant des cas d’enfants complètement déscolarisés avant leur entrée dans le centre. « Certains des élèves qui arrivent n’ont jamais réellement communiqué avec leur famille. Ils n’ont parfois même pas de nom, on les appelle le sourd”, ajoute Irène Kaboré, psychologue au Cefise. Parfois, ils ont 14 ou 15 ans quand ils arrivent à l’école, ils commencent de zéro ».

Pour les élèves qui ne sont pas en mesure de suivre une scolarité classique, le Cefise a mis en place un dispositif d’insertion socioprofessionnelle par le biais d’ateliers de tissage, de coiffure ou d’horticulture. Des élèves atteints de cécité ou de handicaps mentaux y sont également intégrés. « Nous accueillons dans ce cursus une soixantaine d’élèves âgés de 16 à 25 ans, décrit la directrice. Moins de deux ou trois mois après leur arrivée, ils comprennent tout et parviennent à communiquer avec leurs enseignants. »

Fortes de ces succès, les équipes du Cefise mènent des actions de sensibilisation sur l’intégration des jeunes handicapés dans le pays : théâtre forum en milieu rural, projection de films et consultations en audiologie et orthophonie. Les parents ont également la possibilité de suivre des cours de langue des signes, et des professionnels viennent se former depuis le Bénin, le Cameroun ou le Togo.

55 000 francs CFA par an

Un travail de longue haleine pour informer le plus grand nombre et convaincre les familles de scolariser leurs enfants dans une structure parmi la vingtaine que compte le pays. Dans le cas du Cefise, établissement privé, 55 000 francs CFA (environ 85 euros) sont nécessaires pour prendre en charge une année d’études pour un enfant handicapé, frais d’hébergement en famille d’accueil compris.

Sur des critères sociaux, le centre Cefise finance chaque année gracieusement une cinquantaine d’élèves. L’établissement est financé à 95 % par des fonds privés, provenant notamment d’organisations non-gouvernementales. L’aide de l’Etat burkinabé prend en général la forme de dons de matériel scolaire.

Si la scolarisation des enfants handicapés est une première étape, la question de leur insertion professionnelle se pose également. « Certains employeurs ne nous croient même pas quand on leur explique qu’ils sont diplômés », déplore Thérèse Kafando. Pour faciliter cette insertion professionnelle, l’établissement se penche sur un nouveau projet : la création d’un cycle d’enseignement supérieur inclusif.

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