L’agence de renseignement semblait anticiper une fragilisation de l’UMP, consécutive à une défaite lors de l’élection de 2012. | J. Scott Applewhite / AP

La Central Intelligence Agency (CIA), l’agence de renseignement extérieur des Etats-Unis s’est intéressée de très près à l’élection présidentielle française de 2012, selon un document publié par WikiLeaks, Libération, Mediapart et La Repubblica.

Le document – daté de novembre 2011 – liste les thématiques, toutes en lien avec la campagne présidentielle à venir, qui intéressaient alors l’agence de renseignement. Il s’agit d’une sorte de « bon de commande » adressé notamment à la National Security Agency (NSA), chargée des écoutes, lui détaillant les questions qui intéressent les autorités américaines et les cibles sur lesquelles se concentrer. Ce document n’indique pas quels renseignements précis ont été collectés par les Américains, pas plus qu’il ne révèle les moyens employés pour y parvenir. Il permet cependant de connaître les sujets de préoccupation de la première puissance mondiale concernant la France, qui s’apprêtait à entrer en campagne électorale.

L’UMP intéresse beaucoup la CIA

La CIA ratisse large : après avoir « suivi de près » la primaire du Parti socialiste, qui s’est tenue en octobre, l’agence de renseignement entend « surveiller » l’élection présidentielle de 2012. Nicolas Sarkozy et l’UMP, sont, sans surprise, dans le viseur du renseignement américain.

La CIA s’intéresse à la manière dont le président Sarkozy et d’autres « personnalités du gouvernement » perçoivent les différents candidats à l’élection de 2012, qui se profile alors. L’agence veut notamment pouvoir évaluer le « niveau de confiance » du candidat de la droite quant à sa capacité à « disputer » le scrutin, ses « instructions » durant la campagne et la manière dont lui et ses conseillers « interagissent ».

La CIA semble également anticiper une éventuelle défaite de la droite à l’élection de 2012 et une fragilisation du parti. Elle veut que lui soient communiquées les « discussions des membres et de la direction de l’UMP concernant les vulnérabilités perçues pour se maintenir au pouvoir après l’élection de 2012 ». La CIA donne ainsi pour instruction de faire remonter « tout effort destiné à développer ou à changer la mission idéologique du parti » et même d’éventuels « schismes ou alliances qui se développerait au sein de la direction de l’UMP ». La CIA veut aussi connaître « l’opinion des dirigeants et des membres de l’UMP au sujet du président Sarkozy, y compris des réactions privées à ses initiatives politiques et à sa stratégie de campagne ».

Le candidat de l’UMP n’étant « pas assuré de remporter l’élection », les Américains s’intéressent également de près au Parti socialiste et aux autres candidats. Dans les « partis politiques et personnalités intéressantes » figurent ainsi le Parti socialiste et sa première secrétaire, Martine Aubry, ainsi que François Hollande, qui avait été désigné candidat lors de la primaire. Marine Le Pen et le Front national figurent également dans cette liste. Dominique Strauss-Kahn, malgré son arrestation aux Etats-Unis, est lui aussi rangé dans cette catégorie : la CIA aimerait connaître d’éventuelles « instructions » données par l’ancien poids lourd du Parti socialiste dans le cadre de la campagne.

L’agence veut pouvoir assembler un aperçu plus large de la vie politique française et demande que lui soient rapportées des informations concernant « les nouveaux partis ou mouvements politiques et les candidats présidentiels émergents », notamment leur « opinion vis-à-vis des Etats-Unis ». La manière dont ces acteurs de la vie politique se financent et leurs positions sur l’économie française intéressent aussi la CIA. L’agence souhaite aussi en apprendre davantage sur leur position concernant la crise de la zone euro et la situation grecque. Peu surprenant, lorsqu’on sait que la stabilité économique du Vieux Continent est un sujet crucial pour les Etats-Unis.

Une démarche classique pour une agence

Ce document permet d’éclairer une démarche tout à fait classique venant d’une agence de renseignement, qui doit fournir au pouvoir politique tous les éléments que ce dernier estime nécessaire pour conduire sa politique extérieure. La CIA l’évoque d’ailleurs dans le document : les renseignements collectés « aideront les analystes à évaluer le paysage politique français post-électoral et son impact potentiel sur les relations franco-américaines ». Une démarche banale, mais sensible. Le document de la CIA le précise d’ailleurs : ce document est particulièrement sensible puisque l’espionnage entre « amis » est susceptible de froisser les « susceptibilités ».

Que la CIA ait reçu pour tâche de se renseigner sur la plus importante élection d’une des plus grandes puissances mondiales n’étonnera personne. Ce document rappelle cependant qu’en ces temps où la Russie fait figure d’épouvantail à l’approche de l’élection de 2017, la France ne compte aucun ami en matière d’espionnage, pas même les Etats-Unis.