A Rüsselsheim (Hesse), ou se trouve le siège d’Opel, en mai 2015. | DANIEL ROLAND / AFP

Un vent d’indignation et d’inquiétude souffle en Allemagne depuis que PSA a annoncé, dans un communiqué, mardi 14 février, qu’il « examin[ait], avec General Motors [GM], de nombreuses initiatives stratégiques (…), y compris une acquisition potentielle d’Opel ». Tant sur la forme que sur le fond, le projet de rachat de la filiale européenne de GM par le groupe automobile français a suscité de vifs commentaires outre-Rhin, où le dossier a pris un tour très politique.

En vingt-quatre heures, pas moins de deux ministres du gouvernement fédéral se sont exprimées publiquement sur le dossier. Mardi, la première à réagir a été Brigitte Zypries, la ministre de l’économie, qui a qualifié d’« inacceptable » le fait que les pouvoirs publics, le comité d’entreprise d’Opel et le syndicat IG Metall n’aient pas été informés en amont du projet.

Mercredi 15 février, sa collègue chargée de l’emploi, Andrea Nahles, a répété que le gouvernement prenait l’affaire très au sérieux. « Le sujet a fait l’objet d’une discussion approfondie en conseil des ministres », a-t-elle déclaré à l’issue de la réunion hebdomadaire du cabinet.

De son côté, Steffen Seibert, le porte-parole d’Angela Merkel, a assuré que la chancelière « souhait[ait] être informée de tous les développements de l’affaire », précisant qu’elle n’était pas opposée à l’idée de rencontrer le PDG de PSA, Carlos Tavares, si ce dernier lui en faisait la demande.

Période délicate

Comment expliquer ce tir croisé de réactions ? D’abord, par le contexte politique : à sept mois des élections législatives, le gouvernement allemand ne peut se désintéresser du sort d’une entreprise comme Opel, qui emploie environ 20 000 salariés outre-Rhin. Le sujet est d’autant plus sensible que l’industrie automobile allemande traverse une période délicate.

Après le scandale des moteurs diesel truqués de Volkswagen et l’annonce, par le groupe de Wolfsburg, d’un plan d’économies impliquant la suppression de 30 000 emplois d’ici à 2020, dont les deux tiers en Allemagne, et après les menaces proférées par le président américain, Donald Trump, contre les importations de voitures allemandes aux Etats-Unis, les responsables politiques allemands savent qu’il leur serait reproché de ne pas tout faire pour défendre Opel, une entreprise créée au milieu du XIXe siècle et qui, à ce titre, occupe une place particulière dans l’imaginaire national.

Economies d’échelle au détriment d’Opel

En Allemagne, l’inquiétude est d’autant plus forte que, depuis mardi, plusieurs spécialistes du secteur automobile se relaient dans les médias pour souligner le risque que ferait courir le rachat d’Opel par PSA en termes d’emplois, que ce soit à Rüsselsheim (Hesse), le siège du groupe, où travaillent près de 8 000 ingénieurs, où dans les usines d’Eisenach (Thuringe) et de Kaiserslautern (Rhénanie-Palatinat).

Selon eux, les deux marques, parce qu’elles produisent des véhicules de gammes assez proches, seraient moins complémentaires que concurrentes. D’où le risque d’une fusion, qui, d’après ces experts, conduirait à des économies d’échelle au détriment d’Opel, qui a perdu 300 millions d’euros en 2016 et a déjà dû fermer deux usines, à Bochum (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et à Anvers, en Belgique.

Levée de boucliers

Face à cette levée de boucliers, la PDG de GM, Mary Barra, s’est rendue à Rüsselsheim, mercredi, afin de rassurer la direction d’Opel, deux jours avant la tenue, vendredi 17 février, d’un comité d’entreprise. Parallèlement, les ministres allemands de l’économie, de l’emploi et des transports se sont entretenus avec leurs homologues à Paris, directement concernés dans la mesure où la France possède 14 % du capital de PSA.

Du côté français, le ton est à l’apaisement. « Il y a une inquiétude en Allemagne, on le voit. C’est justement pour cela qu’il est important de nouer le dialogue afin que ne s’installe aucun malentendu », explique une source française proche du dossier. Au lendemain de la visite du premier ministre, Bernard Cazeneuve, à Berlin, lors de laquelle il a été reçu à la chancellerie par Mme Merkel, le gouvernement entend notamment démentir l’accusation selon laquelle il aurait été informé du projet de rachat d’Opel par PSA avant les autorités allemandes. Le gouvernement français ne veut manifestement pas que cette affaire politiquement très sensible en Allemagne devienne un enjeu diplomatique.