Les quarante et une associations membres du Collectif national droits de l’homme Romeurope interpellent dans un rapport, publié jeudi 16 février, les candidats à la présidentielle sur la résorption des bidonvilles, leur soumettant vingt propositions. Voilà vingt-cinq ans que des populations originaires d’Europe de l’Est, Roms pour la plupart, vivent en marge de la société française dans cinq cents bidonvilles qui accueillent, selon un recensement de novembre 2015, quelque quinze mille six cents personnes. Grâce à des efforts, essentiellement locaux, de relogement et d’insertion, ce chiffre est plutôt en baisse, témoignant, selon le rapport, « d’une sortie par le haut possible ».

Les conditions de vie en bidonville sont effroyables : 74 % d’entre eux ne bénéficient d’aucun ramassage des ordures ; 66 % sont infestés de rats et de nuisibles ; 88 % n’ont pas d’électricité et 77 %, pas d’eau ; 58 % sont jugés dangereux, parce qu’à proximité d’une route à grande vitesse, d’une voie ferrée, d’une décharge ou non accessibles aux secours.

Pour une « humanisation des campements »

Romeurope témoigne que les expulsions répétées sont encore la règle : onze mille personnes, soit 60 % de la population recensée, ont été chassées de leurs bidonvilles en 2015 et, au cours des trois premiers trimestres de 2016, ce sont sept mille trois cents personnes qui quittaient de force soixante et onze sites. Une famille de six personnes, deux adultes et quatre enfants, a ainsi déménagé huit fois entre avril 2012 et mars 2016, de terrains en hôtels sociaux, du nord au sud de l’Ile-de-France…

Impossible, dans ces conditions, de scolariser des enfants, de suivre des traitements médicaux, d’être domicilié, de travailler, de s’insérer. En outre, chaque expulsion coûte cher, 1 300 euros, en moyenne par personne, et il est arrivé qu’un même groupe d’une centaine de personnes soit expulsé trois fois en trois ans, pour un coût global de 400 000 euros, qui, selon Romeurope, seraient mieux employés s’ils étaient investis dans l’insertion et le relogement.

Exemple de l’action menée à Strasbourg

Le collectif appelle à la résorption des bidonvilles, qui commence par une stabilisation des personnes et une humanisation des campements. Elle est, à son avis, à la portée d’un pays comme la France et possible avec une action volontariste, comme le montre l’exemple de Strasbourg. Dès 2008, la capitale alsacienne s’engageait à ne pas expulser les personnes installées sur des terrains municipaux. Une action sociale menée par des associations permettait le relogement de 175 des 471 habitants des bidonvilles ; 125 personnes ont obtenu un emploi salarié et 61 enfants vont à l’école. Sur les quatorze bidonvilles recensés à Strasbourg en 2014, il n’en reste qu’un en 2016, avec 26 occupants : « Mais la ville refuse d’accueillir de nouveaux arrivants », précise le rapport.

Romeurope recommande d’ailleurs de ne pas laisser les municipalités fournir seules l’effort et appelle à une action vigoureuse de l’Etat, jugé parfois « schizophrénique » lorsque, par exemple, il confie à Adoma (gestionnaire de foyers, filiale de la Caisse des dépôts, ex-Sonacotra) une mission de relogement des Roms, mais, en même temps, expulse les personnes qu’elle avait commencé d’accompagner…