MINI-SÉRIE - ARTE - 20 h 55

Les scènes de catch « restent modestes, pas magnifiées, un peu comme un combat de coqs ». | ELOÏSE LEGAY

Avec les films de Ken Loach, on pensait que seuls les réalisateurs britanniques savaient filmer les chroniques sociales sans tomber dans la caricature ou la mièvrerie. Bonne nouvelle : dans Héroïnes, la réalisatrice française Audrey Estrougo a su trouver le ton juste avec sa minisérie en trois épisodes qui raconte la bagarre de quatre femmes après leur licenciement d’une usine de lingerie.

Dans une cité-dortoir de la banlieue parisienne ravagée par le chômage, le surendettement et la montée de l’extrême droite, ces anciennes ouvrières se lancent dans l’organisation de combats de catch féminin qui devraient leur apporter argent, gloire et beauté. Une manière comme une autre de lutter symboliquement contre les violences patronales, mais aussi de survivre au marasme qui s’installe avec la crise économique. Et, peut-être, d’imaginer un futur désirable, qui ne sombre pas dans le désespoir.

Chacune d’elles vit une histoire différente avec mari, enfants ou amants. Mais, leur point d’ancrage reste la solidarité. Pour attirer les foules, avant chaque combat, elles font un show en petite tenue qui n’est pas sans rappeler le strip-tease des ouvriers anglais licenciés dans The Full Monty, de Peter Cattaneo (1997), dont Audrey Estrougo ne cache pas s’être inspirée.

Fous rires et coups de gueule

« J’avais envie de parler de la désindustrialisation qui touche encore notre pays, de politique, et de femmes qui se battent, le tout sur un ton un peu loufoque », dit la réalisatrice. Et, il faut dire que le quatuor emmené par Romane Bohringer pète les flammes.

A son côté, la réalisatrice a fait venir trois actrices formidables, qu’elle connaît très bien (Marie Denarnaud, Naidra Ayadi, Marie-Sohna Condé) et qui, entre fous rires et coups de gueule, donnent réalisme et fraîcheur à ce drame en forme de comédie. Les quatre comédiennes ont d’ailleurs été récompensées, le 5 février, par une « mention spéciale » pour leur interprétation lors du Festival des créations audiovisuelles de Luchon.

« Quand j’ai lu le scé­nario, j’ai découvert une écriture engagée, moderne, qui proposait des personnages de femmes combatives, singulières, ancrées dans une réalité très actuelle », explique Romane Bohringer dans un entretien à Arte magazine. « Héroïnes se situe dans une mouvance Girl Power, mais sans adopter une posture de revendi­cation. Ces femmes sont belles, courageuses, mais les hommes aussi ! », poursuit-elle.

Série féminine et non féministe

Des hommes qui occupent, en effet, une place importante dans cette série, que la réalisatrice présente comme « féminine et non pas féministe ». « Je n’ai pas voulu faire une série qui oppose les hommes et les femmes. Pour moi, la ­bataille est à mener par l’inté­gration, pas par la division. J’ai pensé les personnages masculins en complément des personnages féminins », avance-t-elle.

Ainsi, les scènes de catch n’ont rien de ces shows très virils. « Elles restent modestes, pas magnifiées, un peu comme un combat de coqs », précise Romane Bohringer. « Avant que le football ne soit diffusé à la télévision, le catch était le sport le plus regardé dans les ­milieux ouvriers, souligne Audrey Estrougo. Cet aspect populaire m’intéressait et reste une belle ­métaphore de ce que vivent les ­personnages. »

Malgré un récit bien rythmé, on peut reprocher à la réalisatrice son parti pris de mise en scène privilégiant de brusques mouvements de caméra et une profondeur de champ parfois improbable qui risquent de désarçonner plus d’un téléspectateur.

Héroïnes, d’Audrey Estrougo. Avec Romane Bohringer, Marie Denarnaud, Naidra Ayadi, Marie-Sohna Condé (Fr., 2016, 3 × 52 min).