François Hollande, à Rennes, le 16 février. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Il est des jours où François Hollande doit regretter amèrement de ne pas s’être représenté. Jeudi 16 février, l’Insee a confirmé la tendance déjà ­indiquée par Pôle emploi : pour la deuxième année d’affilée, le chômage a légèrement baissé (– 0,2 point) en 2016, soit 68 000 chômeurs de moins sur l’année. ­Selon un calcul différent, Pôle emploi avait recensé, fin décembre, 104 000 demandeurs d’emploi de moins sur un an. Après huit années consécutives de hausse, la fameuse inversion de la courbe du chômage, dont le président de la République avait fait la condition sine qua non pour briguer un second mandat, est bien là. Elle est tardive et insuffisante par rapport à un fléau qui touche encore, selon l’Insee, 10 % de la population active. Avec 3 730 00 personnes sans activité, selon Pôle emploi, le chômage reste massif et demeure un des principaux points noirs du quinquennat qui s’achève. Cette inversion de la dernière heure ne gomme pas l’échec du président.

Petits ruisseaux

Pour autant, il y a indéniablement des signaux positifs qui s’allument. Il en est ainsi des 191 700 emplois que l’économie française a créés en 2016. Un résultat d’autant plus étonnant que la croissance a été faible l’an dernier (1,2 %) et que les économistes considèrent qu’il faut une hausse d’au moins 1,5 % du produit intérieur brut pour que le niveau des créations d’emplois soit suffisant pour faire baisser le chômage. Si la croissance ne peut donc être respon­sable de cette dynamique inattendue, il faut chercher les causes ailleurs. Un certain nombre de mesures prises par les gou­vernements de Jean-Marc Ayrault et de ­Manuel Valls ont fini par avoir des effets. Il en est ainsi du pacte de responsabilité, lancé en 2014 – même si les emplois que devait générer la baisse des charges des entreprises n’ont pas été à la hauteur des engagements du patronat –, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), du plan 500 000 formations, qui aurait provoqué une baisse de 30 000 chômeurs en 2016, ou encore de la prime à l’emploi qui permet, pendant deux ans, de supprimer 2 000 euros de charges par an sur le smic. Ces petits ruisseaux ont fait le lit de la baisse du chômage.

Envolée de la précarité

Il n’en demeure pas moins qu’il y a encore des indicateurs alarmants. Si le chômage des jeunes de moins de 25 ans a baissé en 2016 (– 1,7%), le niveau reste extrêmement élevé, à plus de 23 %. L’embellie n’est que relative et la baisse du nombre de demandeurs d’emploi résulte surtout d’un boom de l’intérim et d’une reprise de l’emploi précaire. A cette nouvelle envolée de la précarité s’ajoute une hausse de ce que l’Insee appelle le « halo autour du chômage ». Il s’agit de personnes qui souhaitent travailler, mais qui ne recherchent pas activement un emploi, souvent parce qu’elles ne sont pas immédiatement disponibles. L’institut de la statistique en a enregistré 1,5 million au quatrième trimestre 2016, soit une hausse de 65 000 sur un an.

L’inversion est là, mais elle est fragile. En 2017, un nouveau coup de mou de la croissance, dans un environnement international plus qu’incertain, des décisions politiques inappropriées, une perte de confiance des entreprises envers les décideurs politiques, et le chômage peut repartir à la hausse. La France ne fera pas l’économie de nouvelles réformes structurelles pour lutter contre ce cancer. Mais pour l’heure, les politiques de l’emploi sont l’angle mort de la campagne présidentielle.