L’arrivée au Maroc en février 2016. | 4L TROPHY

« Ces petites voitures fabriquées à partir d’objets de récup’sont propulsées par une hélice reliée à un élastique que l’on entortille comme on remonte une pendule. Quand on lâche, elles roulent ! » Malin, ce jouet créé par Tanguy de Guenyveau et Théo Lainé, deux étudiants de l’Estaca, l’école d’ingénieurs à Saint-Quentin-en-Yvelines, a été produit par centaines. Empaquetés, ils sont destinés à être transportés par l’une des 1 500 Renault 4 au départ du 4L Trophy, raid d’orientation qui s’est élancé pour sa 20e édition, jeudi 16 février, de Biarritz, pour rallier Algésiras (Espagne), le 17, et Marrakech, le 24, au terme de 6 000 kilomètres de route, de pistes et de dunes dans le Sud marocain.

Un départ vécu comme un aboutissement, pour Tanguy et Théo – qui a obtenu son permis de conduire in extremis –, comme pour les 3 000 participants. En théorie, ils sont tous âgés de 18 à 25 ans, même si, pour cette édition anniversaire, certains « anciens » ont pu s’inscrire. Depuis plusieurs mois, donc, les concurrents échafaudent leur projet, réunissent les fonds pour financer les 7 200 euros d’inscription et récoltent des dons pour promouvoir leur action. Il a fallu aussi dénicher la bonne 4L, celle qui pourra être retapée, gonflée, décorée. Une tâche qui devrait être facilitée l’année prochaine par l’arrêt Hidalgo, qui bannit les voitures antérieures à 1997 de la capitale : après les pavés, les dunes…

Plus pragmatique, la quête de sponsors a marqué Frédéric Guérard, 26 ans, ex-trophyste diplômé de l’Ensii, l’école d’informatique d’Evry, aujourd’hui ingénieur chez Air France : « Se retrouver à minuit à encore envoyer des e-mails, s’entendre dire non des centaines de fois, et ne pas laisser tomber. » Cela vous forge un mental.

Edition 2016, Sud-Est marocain : après les dunes et avant la distribution de fournitures, détente avec les plus jeunes. | 4L TROPHY

L’expérience, formatrice, est prisée des grandes écoles : 1 300 participent cette année, des IUT à l’Ecole des Mines, de l’Essec à HEC, avec mention spéciale pour Rennes School Business, coorganisatrice, et bonnet d’âne pour l’ENA, qui n’a jamais été représentée.

Les petites autos et plein d’autres jouets seront distribués aux gamins du Sud marocain entre le 19 et le 24 février, avec l’aide de l’association Enfants du désert, en même temps que les dons – 25 000 euros en 2016, qui ont permis la construction de trois nouvelles classes – et les fournitures. Parallèlement, 12 tonnes de denrées alimentaires (non périssables) sont réceptionnées par la Croix-Rouge locale, comme chaque année.

« Un projet un peu fou »

Il est midi, jeudi 16 février au « village » de Biarritz. Place à l’aventure. A l’intérieur de la 4L nº 279 de Tanguy et Théo, siglée Altran, sponsor des 7 voitures de l’Estaca, des cartables et sacs de sport « garnis », une boussole, un road-book, mais pas de GPS. De l’orientation professionnelle à l’orientation à la boussole. « C’est leur première expérience dans l’humanitaire, dans l’humain, pour la première fois, ils se lancent dans un projet un peu fou », prédit avec toute la maturité de ses… 28 ans, Laëtitia, représentante de Lidl, partenaire officiel. Certains vont se perdre, comme Julien, en 2014. D’autres, en panne, de nuit, se verront peut-être offrir « quatre djellabas super chaudes » par un guide local, comme Sébastien l’an dernier. Julien se souvient, lui, de l’émotion lorsqu’il a remis les cartables aux enfants, « leurs yeux qui brillaient ».

« Juste le raid ne suffit pas à décrire le 4L Trophy. Quand on partage quinze jours la même tante, les mêmes malheurs, et qu’on se lave quand on a le temps, ça crée des liens. » Ces dix jours vont changer leur vie. « Regardez Jean-Jacques, pendant le rallye, il rajeunit de 20 ans », lance Frédéric. Jean-Jacques Rey, ancien du Dakar, fondateur de ce qui est devenu l’événement sportif et solidaire le plus important d’Europe, simplement parce qu’un soir de bivouac dans le désert, en janvier 1996, il s’est dit : « J’aurais bien aimé vivre ça à 20 ans. » L’année suivante, quatre petits équipages étaient au départ du premier 4L Trophy. Cinq ans plus tard, ils étaient déjà 1 500.