• Hélène de Montgeroult
    Sonate pour piano n° 9. 12 Etudes. Thème varié dans le genre moderne
    Edna Stern (piano)

Pochette de l'album consacré à Hélène de Montgeroult par la pianiste Edna Stern. | ORCHID CLASSICS/OUTHERE

Si le nom d’Hélène de Montgeroult (1764-1836) n’est pas resté dans les mémoires, sa musique s’inscrit durablement dans l’oreille. Remarquablement charpentée, elle témoigne d’une des principales mutations développées au piano dans la période fascinante qui conduit du classicisme au romantisme. Militante d’une cause qui exige autant d’instinct que de culture, Edna Stern fait de chaque œuvre une révélation. Au clavier d’un Grand Pleyel de 1860, sa richesse d’articulation magnifie la 9e Sonate et son art de la projection technique et dramatique bénéficie aux Etudes (12 sur les 114 publiées par la compositrice d’origine lyonnaise). Certaines de celles-ci évoquent Schumann (n° 17) ou Chopin (n° 55, n° 107), alors que l’un et l’autre en étaient encore à l’apprentissage du piano lorsqu’elles ont été écrites. Sans crier au génie, on se contentera pour l’instant de le susurrer. Pierre Gervasoni

1 CD Orchid Classics/Outhere.

  • Kadhja Bonet
    The Visitor

Pochette de l’album « The Visitor », de Kadhja Bonet. | FAT POSSUM RECORDS-FRESH SELECTS/PIAS

Après une poignée de chansons, depuis fin 2014, diffusées en streaming sur son site Internet, la chanteuse, multi-instrumentiste et compositrice Kadhja Bonet nous propose enfin un album, The Visitor (est-ce elle ?). Son seul défaut, sa durée de presque trente minutes, pour une fois trop courte par rapport à la majorité des productions actuelles. Un album tout en caresses sonores de cordes (violon, harpe, guitare…), légèreté des envolées chorales, claviers discrets (orgue, clavecin, Moog…), une flûte, parfois une rythmique basse-batterie. Vocalement, Kadhja Bonet serait proche de Roberta Flack, par la sensualité donnée à l’émission des mots, de Minnie Riperton (1947-1979), par sa manière de jouer avec le registre haut. Soul, avec des éléments jazz, un rien de psychédélisme, The Visitor est, au-delà de sa grâce et de son élégance, un recueil de compositions parfaitement maîtrisées, notamment par son travail sur la retenue et la suspension musicale. Sylvain Siclier

1 CD Fat Possum Records-Fresh Selects/PIAS.

  • Electric Guest
    Plural

Pochette de l’album « Plural », d’Electric Guest. | BECAUSE

Plus de quatre ans d’attente laissaient espérer beaucoup d’Electric Guest, auteur en 2012 d’un premier album de gourmandises pop-soul, Mondo, presque parfait de bout en bout. Privé cette fois de la fantaisie de Danger Mouse, réalisateur de ce coup d’essai, le duo californien formé par le chanteur Asa Taccone et le batteur Matthew Compton creuse à nouveau le sillon d’une allégresse funky, sans retrouver le délicieux mélange d’évidence et d’étrangeté de Mondo. Moins « pluriel » que son prédécesseur, Plural célèbre surtout la souplesse de mélodies cool (proches des tubes seventies de Hall & Oates) et d’une voix apparemment admirative de Michael Jackson. Certes, l’album ne manque pas de refrains charmants, ni de gimmicks accrocheurs (les appréciables Zero, Dear to Me, See the Light, Back & Forth, un Bound to Lose très Metronomy…), mais l’ensemble file trop gentiment pour rester un disque de chevet. Stéphane Davet

1 CD Because.

  • Black Flower
    Artifacts

     
  • Girma Bèyènè & Akalé Wubé
    Mistakes on Purpose

Pochette de l’album « Artifacts », de Black Flower. | SBAN ULTRA/L’AUTRE DISTRIBUTION

Les deux albums témoignent de l’attraction exercée par la musique urbaine éthiopienne sur les musiciens européens. Le premier, entièrement instrumental, confirme tout le bien qu’on avait pensé du groupe belge Black Flower, formé autour du saxophoniste et compositeur Nathan Daems, en découvrant, en 2015, son premier disque, Abyssinia Afterlife. Sinueux et psychédélique, truffé d’allusions plus que de citations (au swing d’Addis Abeba, mais également au free-jazz, au rock, à la Jamaïque ou à l’Orient), son vocabulaire invente un voyage tonifiant pour l’imagination.

Avant de penser à son prochain album, le quintette français Akalé Wubé a choisi de se mettre au service d’un vétéran de la musique éthiopienne, le pianiste, arrangeur, compositeur et chanteur Girma Bèyènè, figure essentielle du son urbain éthiopien des années 1970, oublié après son exil aux Etats-Unis, durant vingt-cinq années. Dans le 30e volume de la collection Ethiopiques, le septuagénaire renaît au contact de l’esprit musical éclairé de ces épatants musiciens. Sa voix, d’une douceur sans âge, semble même en sourire de plaisir. Patrick Labesse

1 CD Sban Ultra/L’Autre Distribution – 1 CD Buda Musique/Socadisc.

  • Paul Lay
    The Party/Alcazar Memories

Pochette de l’album « The Party/Alcazar Memories », de Paul Lay. | LABORIE JAZZ

Voici un coffret qui tombe à pic. En plein triomphe du film La La Land, un jeune homme, Paul Lay (prononcer « Laye »), pourrait y tenir le rôle du pianiste avec beaucoup de justesse : jeu profond (pas seulement la virtuosité), sensible, compositeur capable de raconter des histoires, rythmicien de choix, petite gueule d’ange, Paul Lay est très demandé. Le 16 février, il quittait Helsinki pour Tokyo, première date de sa tournée au Japon. Titulaire du prestigieux prix Django Reinhardt 2016, le présent lui sourit : il publie un double album qui se signale par le luxe. Luxe du cadre et des assistants (Studio Sextan à Malakoff) ; luxe de l’exigeant piano Fasioli que Paul Lay aura dompté en un rien de temps ; luxe de la préparation artistique : répertoire de l’Alcazar Memories – premier CD, commande du Théâtre de la Criée aux résonances populaires, avec Simon Tailleu (contrebasse) et Isabel Sörling (voc.). Fluidité du phrasé, plein champ à la contrebasse sans batterie, voix très délicate, le résultat est aérien, subtil, inattendu.

N’hésitant pas à exhumer d’anciennes mélodies méridionales (Adieu, Venise provençale, de Vincent Scotto), ou à glisser des poèmes suédois écrits et chantés par Isabel Sörling. The Party, l’autre album, est en trio piano avec Dré Pallemaerts (drums) et Clemens van der Feen (contrebasse). Une perfection mouvementée. Les rythmiques du « Nord » (Belgique et Hollande) affichent toujours finesse et précision. Une résidence à Lyon a permis au trio d’arriver fin prêt en studio. D’où cette impression de fraîcheur, de diversité, de naturel du jeu, d’une douzaine de pièces raffinées ou vibrantes. La couverture de The Party présente des jeunesses autour du très glamour pianiste. Une jeune femme contemple un 45-tours de Thelonious Monk. Mais oui ! certains d’entre nous apportaient des 45-tours de Monk en « surprise partie ». Couleurs boisées, ambiance des rencontres et des secrets. Comme la bande-son d’une des séquences de La La Land, dont le pianiste aurait un jeu vraiment personnel. Francis Marmande

1 coffret de 2 CD Laborie Jazz.