64 % des commerçants interrogés dans l’enquête publiée jeudi 16 février par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France se déclarent déçus par les soldes. | PHILIPPE LOPEZ / AFP

Les commerçants sont unanimes : la saison des soldes d’hiver 2017 qui s’achève mardi 21 février n’est pas un bon cru, et les menaces terroristes n’y sont pas pour grand-chose. En effet, 64 % des commerçants interrogés dans l’enquête publiée jeudi 16 février par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris Ile-de-France se déclarent déçus. Et 31 % n’ont même pas fait de gain de chiffre d’affaires sur la période. « De très mauvais résultats », résume la CCI, qui font suite à « une saison automne-hiver médiocre. (…) Même la période des fêtes de Noël a été décevante pour près de 60 % des commerçants ».

En cause, un environnement économique déjà peu favorable aux dépenses de consommation et peu propice à s’améliorer à l’approche de l’élection présidentielle. Ainsi, 84 % des commerçants estiment que « la crise économique a eu des répercussions importantes ou très importantes sur leur activité » et 60 % constatent un panier moyen d’achat inférieur à l’hiver dernier.

Le démarrage trop tardif des soldes, le mercredi 11 janvier, n’a rien arrangé. « Compte tenu du salaire moyen des consommateurs, le 11 du mois, il n’y a pas autant d’argent à dépenser que si les soldes tombaient le 6 janvier, comme l’an passé », lance Alexandre Nodale, PDG de Conforama. « Avec quatre samedis au lieu de cinq, les soldes ne semblent pas avoir rempli leurs objectifs, a observé Didier Baumgarten, président de la Fédération française du négoce de l’ameublement et de l’équipement de la maison (Fnaem), lors de la présentation des résultats de la filière le 2 février. On aura probablement des chiffres négatifs dans l’ameublement. »

« Des stocks mieux gérés »

L’équipement de la maison n’est pas un cas isolé. D’une manière générale, « les soldes ont beaucoup moins d’impact commercial que par le passé, notamment parce qu’avec la crise les commerçants gèrent mieux les stocks », estime Antoine Lemarchand, PDG de Nature & Découvertes. De nombreuses grandes enseignes, notamment dans le textile, n’hésitent plus d’ailleurs, quelques jours avant le début de ces ventes au rabais, à faire rentrer de la marchandise destinée à être démarquée.

Les soldes ont également perdu du poids face à la multiplication des opérations promotionnelles tout au long de l’année, et notamment aux ventes privées. « Des remises de
–40 % à –50 % fleurissent notamment depuis le 26 décembre en vitrine des magasins, avec le même code couleur que celui utilisé pour les soldes et avec la même installation par taille de produits. Les commerçants n’ont évidemment pas le droit d’afficher la mention “soldes” , mais cela ne les empêche pas de mettre en place une politique de vente parfois agressive, très visible »
, indiquait le 11 janvier la CCI francilienne.

Depuis janvier 2015, le législateur a supprimé les soldes flottants que les commerçants pouvaient fixer librement pour ne conserver que deux grandes périodes officielles de ventes au rabais, d’une durée de six semaines chacune. Mais les soldes flottants ont vite été remplacés par une généralisation des ventes privées chez les enseignes, qui sont de moins en moins réservées aux clients porteurs d’une carte de fidélité. De nombreux distributeurs « ont jugé que, dans un environnement économique peu favorable, l’accumulation des promotions et des ventes privées tout au long de l’année contribuait à limiter l’intérêt des consommateurs pour les soldes », relève l’Institut français de la mode (IFM).

« Cela fait trois ans que les commerçants se plaignent des soldes, mais ils oublient de dire qu’il y a des ventes privées avant, remarque M. Lemarchand. Nous allons d’ailleurs nous adapter à cette nouvelle donne. A partir de janvier 2018, probablement, mais peut-être même avant, nous mettrons en place des ventes privées qui seront réservées aux 1,1 million de porteurs de notre carte de club. Parallèlement, la période de soldes sera réduite, dans l’idéal à deux semaines. »

Percée foudroyante du « Black Friday »

La possibilité d’acheter tout au long de l’année des articles en promotion, au moment des opérations commerciales comme le « Black Friday », ou sur les sites Internet de déstockage (Vente-privée, Showroomprivé…) ont également émoussé l’intérêt des consommateurs. « Le “Black Friday” est en plein essor alors que l’effet des soldes commence à s’estomper », constate Marc Lolivier, délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). Pour le « Black Friday », la CCI va même jusqu’à parler de « percée foudroyante », avec 3 % des commerçants concernés en 2014, 10 % en 2015 et 44 % en 2016.

« 40 % du chiffre d’affaires annuel de Go Sport est issu de promotions et soldes [rentrée scolaire, Noël, soldes…] », confie André Ségura, directeur général de Go Sport, satisfait des ventes sur la période chez Courir et Go Sport.

Dans l’habillement, le phénomène commencerait toutefois à s’inverser. Alors que le poids relatif des soldes et promotions dans les dépenses de prêt-à-porter féminin est passé de 32,7 % à 44,1 % entre 2008 et 2015, il recule à 42,2 % en 2016, selon les chiffres publiés le 8 février par la Fédération française du prêt-à-porter féminin.