Le jury de la saison 6 de « The Voice ». De gauche à droite : Matt Pokora, Zazie, Mika et Florent Pagny. | Laurent Vu / Shine / TF1 / Bureau233 / Laurent Vu / Shine / TF1 / Burea

La compositrice et interprète explique notamment ce qui l’a amené à se réengager pour une troisième saison et les plaisirs qu’elle éprouve pour ce programme.

Avant de devenir coach, quel regard portiez-vous sur les télécrochets ?

Ne les regardant pas, j’avais tendance à les confondre avec des émissions de téléréalité. Ce qui m’a amené à refuser d’y participer dans un premier temps, puis quand en 2015, la production a réitéré sa proposition, je me suis aperçue qu’il n’y avait aucune forme de voyeurisme ou d’humiliation. Surtout, au-delà du seul vainqueur, une dizaine de candidats peuvent tirer leur épingle du jeu. Sans se substituer à une maison de disques, « The Voice » est un accélérateur de particules. Le gagnant n’est d’ailleurs pas forcément le mieux placé, car il doit sortir un album en trois mois et, s’il n’a pas les chansons, cela peut être très compliqué, malgré le capital sympathie du public. En revanche, les autres ont le temps. Du coup, ça légitime ma fonction.

Néanmoins vous avez hésité à vous engager cette saison...

En effet, les enregistrements coïncidaient avec ma tournée. Mais j’ai vite compris que les deux n’étaient pas incompatibles car c’est le même muscle qui est sollicité : celui de l’émotion. « The Voice », c’est très subjectif. Nous sommes des coachs et non des juges.

« Lors des auditions à l’aveugle souvent nous nous sommes retournés tous les quatre sur les mêmes talents »

De quelle manière l’émission nourrit-elle votre travail ?

Quand on les entend chanter, il y a une sorte d’excitation à imaginer les artistes qu’ils pourraient devenir par la suite. En tant qu’auteur-compositeur, ayant une expérience, une vision de ce métier, je peux leur apporter des chansons ou en tout cas des territoires vers lesquels ils n’auraient sans doute pas été. Sur l’aspect vocal, comme je n’ai jamais pris de cours, je me suis posé pas mal de questions, avant de me dire que je pourrais les éclairer différemment. Sur moi, d’une manière générale, « The Voice » produit le même effet que la tournée des « Restos du cœur ». On y chante les chansons des autres et l’on s’affranchit de quelque chose à défendre. Cela permet de mesurer quel interprète pur on est. Grâce à quoi, en concert, il m’est arrivé de bouger des petits trucs en matière d’interprétation, d’essayer de me surprendre en me disant : « Imagine que tu ne l’aies pas écrite, comme l’interpréterais-tu ? ». Même si ce ne sont que des micromouvements, cela nourrit mon travail.

Dans les précédentes éditions, lors des auditions à l’aveugle, les fauteuils des jurés se retournaient vers tous les candidats. Dorénavant, ils ne se retournent plus sur les candidats éliminés. N’est-ce pas un peu rude ?

C’est ce que l’on a pensé, avant de comprendre les deux raisons invoquées par la production. D’abord, certains supportaient assez difficilement de devoir faire bonne figure alors qu’ils n’étaient pas retenus. Ensuite, les émissions sont longues. On débute vers 20 heures pour finir vers 1 h 30 du matin. Pour nous et ceux qui passent à cette heure-là, ce n’est pas évident. Là, on gagne près d’une heure. Les explications sont données sous la forme d’un debrief, plus spontané, sans méchanceté. C’est l’élégance de l’émission.

Qu’est-ce qui vous pousse à vous retourner sur un candidat ?

Mon cœur est très relié à ma main, comme mon cerveau. Il a pu m’arriver de ne pas retenir des gens talentueux simplement parce que je ne voyais pas le chemin que je pourrais faire avec eux. Ce n’est pas un coach qui se retourne, mais un public expérimenté. Bien que nous ayons des avis et des sensibilités différentes, lors des auditions à l’aveugle souvent nous nous sommes retournés tous les quatre sur les mêmes talents.

Est-ce à dire que le niveau monte encore d’un cran cette saison ?

Disons qu’elle est très singulière de par la grande diversité des familles musicales représentées. Certaines jusque-là n’osaient pas pousser la porte. L’arrêt momentané de « La Nouvelle Star » n’est pas étranger au fait que l’on hérite de nouveaux courants moins populaires issus, comme cette année, du métal ou du folk.

« Ceux qui ont galéré peuvent être agacés de voir certains candidats, après quelques émissions et un single, enregistrer des ventes de 100 000 exemplaires »

Comment s’est passée l’intégration du nouveau coach Matt Pokora ?

Très bien. Comme Jennifer, il est issu de ce type d’émission et donc il est parfaitement légitime par son savoir et son vécu. Depuis quelque temps, en France, s’est développé la notion d’artiste complet, « à l’américaine », avec des surdoués telle Christine and The Queens. Matt Pokora en fait partie. Il apporte cela et de fait est très complémentaire de nous trois, d’une autre manière que Garou.

Quel regard porte la profession sur ce type d’émission ?

Ceux qui ont galéré peuvent être agacés de voir certains candidats, après quelques émissions et un single, enregistrer des ventes de 100 000 exemplaires. Je peux comprendre l’agacement. En même temps, on sait bien qu’il n’y a pas de loi. Prenez Vianney, il a réussi sans être passé par cette voie. On aurait tort de reprocher à Kendji Girac, à Louane ou aux Fréro Delavega d’avoir usurpé une place.