Cinq étudiants de la Web School Factory ont levé 300 000 dollars fin janvier, auprès d’un fond d’investissement américain pour faire décoller Kushim, leur plate-forme de monitoring de flux financier. Anne Lalou, ancienne banquière et directrice de cette école du management du numérique, ne boude pas son plaisir de voir s’envoler la petite entreprise que son école a incubée. Un coup de pouce financier mais aussi une reconnaissance du terrain, un quitus accordé à la pédagogie appliquée dans ce jeune établissement dont la première promotion quittera les bancs à la fin de l’année. Son credo : travailler au plus près des besoins des professionnels. « Apprendre et faire » résume Anne Lalou, dans une « école entreprise ».

Comme la Web School Factory, plusieurs nouveaux établissements, pignon sur le Web, ont éclos depuis cinq ans. Leur point commun : ils proposent des formations qui n’existaient pas au tournant du siècle, selon des modalités pédagogiques différentes, et dont les contenus, mouvants, épousent cette vague numérique qui modifie en permanence les besoins et donc les savoir-faire requis. Une sorte d’uberisation de l’enseignement supérieur : les professionnels entrent directement en contact avec les jeunes pour lesquels ils vont investir en formation. Formation qu’ils élaborent eux-mêmes, sur mesure, en fonction de leurs besoins.

C’est également en partant du constat de l’inadéquation des offres des grandes écoles de communication avec les besoins des entreprises en contenus numériques que Julie Joly, ancienne journaliste à L’Express et diplômée d’HEC et de l’ESCP Europe, directrice générale du Centre de formation des journalistes (CFJ) depuis cinq ans, a lancé en 2016 « W », une école postbac en trois années, dédiée à la création digitale dans les médias. « Documentaires, web-séries, MOOC…, les besoins de contenus ne cessent d’augmenter, mais les employeurs sont en manque de profils à recruter », constate-t-elle. Pour se former au métier de « content manager », « trafic manager », « stratège éditorial », « social média manager », infographiste ou encore « ux-designer », « il n’est pas nécessaire d’être ingénieur ou de sortir d’une école de journalisme », poursuit Julie Joly. Les qualifications demandées sont différentes. Pas de cours magistraux à l’école de W. La formation s’élabore en « mode projets », en équipe et par la pratique.

Pour tisser ces liens entre l’entreprise, ses besoins et ses futurs cadres, « n’attendons pas », recommande également Hervé Pizon, directeur de la pédagogie de l’Ecole supérieure de communication digitale de Besançon, ouverte en 2015. « Notre précepte c’est : à la rentrée on vous met dehors. » Cette école franc-comtoise ouvre sa première année de formation par un tour de France de l’économie digitale : « un parcours d’un mois dans 7 à 8 villes de l’Hexagone, à la rencontre des acteurs de la profession : start-up, incubateur, agence de communication, média. Cette connection rapide avec l’entreprise est une nouvelle forme de compagnonnage, une transmission de pair à pair des savoirs », expose Hervé Pizon.

« Une employabilité assurée à la sortie de l’école », c’est la promesse que font Thomas Grellier et Daniel Findikian, les deux fondateurs de l’Ecole management des industries créatives (Emic) ouverte le 9 janvier à Paris. Le premier est un professionnel du jeu vidéo, le second affiche vingt ans d’expérience dans les plus prestigieux labels de l’industrie musicale. Ils ont concocté deux formations distinctes d’un an, l’une dédiée au management des industries du jeu vidéo, l’autre des industries musicales. Pour les deux dirigeants, les grandes écoles de management, où ils ont été formateurs, ne donnent aux étudiants qu’un « vernis » insuffisant pour être opérationnels une fois dans le grand bain professionnel.

Deezer, Spotify, les sites de vente en ligne détiennent des masses de données et « les labels ont aujourd’hui besoin de community managers, de data scientists, de data analysts capables de créer des outils d’aide à la décision marketing, de trouver des modèles prédictifs, des tendances. Par le passé, ces décisions se prenaient sur l’intuition », rappelle Daniel Findikian. Ce temps est révolu. Pas davantage de cours théorique ou d’étude de cas au sein de l’Emic. L’équipe pédagogique est composée de professionnels qui élaborent les programmes et détectent in situ les talents dont ils ont besoin. Juliette Metz, présidente de la Chambre syndicale de l’édition musicale, salue l’initiative : « Les intervenants sont de bon niveau et nos métiers, de plus en plus complexes, ont besoin d’une formation qui va plus loin. »

Ce décalage entre les formations classiques et les besoins du marché est un constat que font également des professionnels de l’événementiel. L’Union française des métiers de l’événement (Unimev) et Lévénement (Association des agences de communication événementielle) ainsi qu’une trentaine d’entreprises du secteur ont donc uni leurs forces pour ouvrir, à la rentrée 2017, l’Ecole. « La formation des écoles traditionnelles n’est pas adaptée au marché. Le contenu pédagogique de la formation que nous proposons a été défini par un comité rassemblant les représentants de nos métiers. Il est en adéquation direct avec les besoins des entreprises », certifie Hubert Dupuy, fondateur. Soixante étudiants sont espérés en septembre.

Du côté de la Conférence des grandes écoles (CGE), dont aucun des établissements précités n’est membre, on assure que les traditionnelles écoles d’ingénieurs, de commerce ou de communication ne sont pas en concurrence avec ces nouveaux venus sur le marché de la formation. « Le cursus classique qui comprend des années de classe préparatoire puis une grande école ne vise pas à une employabilité immédiate mais à acquérir des bases solides, des fondamentaux. On acquiert une maîtrise de la théorie et une capacité de conceptualisation qui assurent une adaptabilité à l’évolution des métiers, explique Joël Courtois, directeur de l’Epita et membre de CGE. Choisir une formation courte adaptée à un besoin précis, cela peut être le risque d’une rapide obsolescence. » Et un retour à la case chômage.

Pourtant, l’appétence des entreprises françaises pour les métiers du numérique est bien là. Selon une enquête publiée le 31 janvier par le cabinet de conseil en stratégie Roland Berger et Google, le pays « manque de spécialistes du numérique pour accélérer la croissance » dans de multiples secteurs (développement, stratégie, marketing…) et selon la Dares, le service de statistiques du ministère du travail, d’ici à 2020, le nombre de postes qui risquent d’être non pourvus dans le numérique sera de 50 000.

Après Lille, Bordeaux et Villeurbanne, O21 fait étape à Paris (4 et 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie). Deux jours pendant lesquels lycéens et étudiants peuvent échanger avec des dizaines d’acteurs locaux innovants de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up. Gratuit sur inscription : lemonde.fr/O21

Participez à « O21, s’orienter au 21e siècle »

Comprendre le monde de demain pour faire les bons choix d’orientation aujourd’hui : après Lille, Cenon (près de Bordeaux) et Villeurbanne, Le Monde organise O21 / s’orienter au 21e siècle à Paris (samedi 4 et dimanche 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie). Deux jours pendant lesquels lycéens et étudiants peuvent échanger avec des dizaines d’acteurs locaux innovants, qu’ils soient de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up.

Pour participer à une ou plusieurs conférences et ateliers, il suffit de s’inscrire gratuitement en ligne, à O21 Paris. Le ministère de l’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les enseignants et établissements peuvent y emmener leurs élèves sur le temps scolaire. Pour les classes ou les associations, les inscriptions s’effectuent de façon groupée par l’envoi d’un simple e-mail à l’adresse o21lemonde@lemonde.fr.

Lors de ces événements sont également diffusés des entretiens en vidéo réalisés avec trente-cinq personnalités de 19 ans à 85 ans qui ont accepté de traduire en conseils d’orientation pour les 16-25 ans leur vision du futur.

Placé sous le haut patronage du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, O21 est également soutenu, au niveau national, par quatre établissements d’enseignement supérieur (Audencia, l’Essec, l’Epitech, et l’alliance Grenoble école de managementEM Lyon). Localement, l’événement est porté par les conseils régionaux des Hauts de France, de Nouvelle Aquitaine et d’Ile-de-France, les villes de Cenon et de Villeurbanne et des établissements d’enseignement supérieur.