Devant l’Apple Store de Los Angeles, en 2015. | JONATHAN ALCORN / REUTERS

« Si vous l’avez acheté, vous avez le droit de le réparer » : depuis plusieurs mois, le lobby des réparateurs indépendants, soutenu par des sites spécialisés dans la réparation de matériel électronique, est parvenu à convaincre les élus de huit Etats américains (Nebraska, Minnesota, New York, Massachusetts, Kansas, Wyoming, Illinois, Tennessee) de déposer des projets de loi instituant un « droit à la réparation ».

Ces projets de loi contiennent tous des dispositions imposant aux constructeurs de fournir les informations et les outils de déverrouillage nécessaires aux réparations. Des textes qui visent, sans les nommer, principalement deux entreprises : le fabricant de tracteurs John Deere, qui interdit les réparations de ses machines en dehors des centres agréés, et Apple, qui centralise les réparations de ses iPhone et de ses ordinateurs dans les Apple Store et certains revendeurs agréés. Toute réparation effectuée en dehors de ces magasins invalide la garantie des produits Apple, qui sont par ailleurs conçus pour être difficilement réparables sans accès aux outils internes de l’entreprise – en 2016, une mise à jour logicielle avait même rendu certains téléphones réparés artisanalement inopérables.

Certains des projets de loi, notamment celui envisagé par l’Etat de New York, imposeraient aux constructeurs de matériel électronique de vendre leurs pièces détachées à tous les clients qui en feraient la demande, et pas seulement aux réparateurs avec qui ils sont liés commercialement.

Enjeux particuliers dans le Nebraska

Dans le Nebraska, le projet de loi est l’objet d’un vif débat. Etat agricole et peu peuplé, le Nebraska est concerné au premier plan à la fois par la question de la réparation des tracteurs et par celle des produits Apple – il n’existe qu’un seul Apple Store dans tout l’Etat. Sans surprise, John Deere et Apple contestent, directement ou indirectement, le projet de loi ; le fabricant de tracteur a d’ores et déjà affirmé – sans preuves – que de tels textes multiplieraient les réparations dangereuses, et un représentant d’Apple doit être entendu au début de mars par la commission qui examine le texte. Selon les informations du site spécialisé Motherboard, les représentants d’Apple comptent dissuader les députés en leur expliquant qu’une telle loi risquerait de transformer le Nebraska en « paradis des hackeurs ».

En 2012, un vif débat avait déjà opposé les lobbyistes de l’industrie automobile et les réparateurs indépendants, lors des discussions sur le projet de loi de « droit à la réparation » du Massachusetts. Le texte, issu d’un référendum d’initiative populaire, prévoyait d’imposer aux constructeurs automobiles de founir les outils et les informations nécessaires pour réparer tout modèle de voiture. Soutenu par 86 % des électeurs de l’Etat, il avait été adopté malgré les protestations de l’industrie automobile.