Robert Mugabe souffle ses bougies au palais présidentiel à Harare pour ses 93 ans. | JEKESAI NJIKIZANA / AFP

Robert Mugabe a célébré, mardi 21 février, ses 93 ans et ce n’est pas son statut de plus vieux président en exercice de la planète qui le fera renoncer. Malgré le poids de plus en plus évident de l’âge et une fatigue qu’il ne peut plus dissimuler, le chef d’Etat zimbabwéen s’est dit déterminé à conserver les rênes du pays lors d’un entretien de près d’une heure donné durant le week-end à la radiotélévision d’Etat.

« La majorité des gens pensent qu’il n’y a personne pour me remplacer », a-t-il assuré, affalé dans un fauteuil. « Si je pense que je ne peux plus le faire, je le dirai pour que mon parti me remplace. Mais pour le moment, je ne pense pas pouvoir dire ça », a poursuivi celui qui dirige le Zimbabwe depuis 36 ans et qui, depuis décembre, a été désigné par son parti pour briguer un nouveau mandat lors du scrutin présidentiel de 2018.

« Les problèmes d’aujourd’hui nécessitent des gens d’aujourd’hui », lui a rétorqué le porte-parole du Mouvement pour un changement démocratique, Luke Tamborinyoka.

Vingt-quatre pages de félicitations

Pas de quoi cependant faire vaciller le vieil autocrate, qui a soufflé ses bougies lors d’une cérémonie très « select », réservée à ses seuls ministres et proches collaborateurs, pendant que les médias d’Etat l’inondaient de messages de félicitations. Le quotidien gouvernemental The Herald a publié vingt-quatre pages pleines de messages de félicitations de ministres et de proches du régime, la radio et la télévision ont inondé leurs ondes de chansons à sa gloire.

« Nous célébrons aujourd’hui son 93e anniversaire, avec l’assurance que notre pays est entre de très bonnes mains », a assuré The Herald dans son éditorial. Le ministère de la défense a publié un message célébrant son « leadership sage et visionnaire ». Après ce hors-d’œuvre très privé, le clou des réjouissances est prévu samedi, sous la forme d’un banquet offert à des milliers de partisans dans le parc national de Matopos, en périphérie de la deuxième ville du pays, Bulawayo.

Des ripailles malgré la crise économique

Ces ripailles toujours gargantuesques, dans un pays englué dans une grave crise économique – 90 % de la population sont privés d’emploi formel −, alimentent chaque année la polémique. Pour son 92e anniversaire, Robert Mugabe avait servi à ses invités de la viande d’éléphant, de buffle et d’antilope à profusion, ainsi qu’un énorme gâteau de 92 kilos. Coût total des festivités, selon la presse : 800 000 dollars…

Né le 21 février 1924 dans ce qui était encore la Rhodésie du Sud, une colonie britannique, M. Mugabe était instituteur quand il a rejoint les rangs de la rébellion contre la minorité blanche au pouvoir. Il s’est installé aux commandes à l’indépendance en 1980, pour ne plus jamais les quitter.

Pendant ses trente-six ans de règne, le Zimbabwe s’est terriblement appauvri et traverse aujourd’hui une profonde crise économique qui suscite la grogne croissante de la population, aussitôt réprimée par une police omniprésente.

« Son cadavre sera candidat sur les bulletins de vote »

L’homme fort du Zimbabwe s’est jusque-là toujours gardé de désigner publiquement un dauphin. Robert Mugabe a toutefois laissé entrevoir sa préférence pour son épouse Grace, 51 ans, une des favorites de la course à la succession. « Elle est très acceptable. Et très acceptée par le peuple », a-t-il lâché. En cas de décès du chef de l’état, une guerre de succession est à redouter, notamment avec le vice-président Emmerson Mnangagwa.

Depuis quelques années, l’état de santé de M. Mugabe est un sujet intarissable de spéculations, entretenues par ses visites médicales régulières à Singapour ou Dubaï.
En 2015, plusieurs chutes en public ont fait planer le doute sur ses capacités. La même année, il a lu devant le Parlement un discours parfaitement identique à celui qu’il avait prononcé un mois plus tôt, manifestement sans s’en apercevoir.

Mais à en croire son épouse Grace, ni son âge ni même sa mort ne sauraient changer l’issue de l’élection de 2018. « Son cadavre sera candidat sur les bulletins de vote », a-t-elle lancé vendredi, « et vous verrez les gens voter pour le cadavre de Mugabe ! »