Benoît Hamon, candidat PS à la présidentielle, lors de son grand oral sur la santé, à Paris, le 21 février. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Cinq candidats à l’élection présidentielle – ont donné, mardi 21 février, lors d’un grand oral organisé par la Mutualité française, leur vision de la santé pour les prochaines années. François Béguin, journaliste santé au Monde, a répondu aux questions des internautes sur les propositions des candidats en matière de santé.

Christophe : Qu’est-ce que la Mutualité française ? Pourquoi Jean-Luc Mélenchon n’y était pas ?

François Béguin : La Mutualité française est la structure qui représente la quasi-totalité des mutuelles, c’est-à-dire une grosse part des complémentaires santé. Tous les deux invités, comme les autres candidats à l’élection présidentielle, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon n’étaient effectivement pas présents au « grand oral » organisé par la Mutualité française mardi car ils avaient d’autres engagements.

Ericc67 : Le député filloniste Jean Leonetti a déclaré concernant les propositions de Fillon sur la santé : « C’est à la fois la même chose et quelque chose de très différent. » Pourquoi certains politiques continuent-ils à nous prendre pour des idiots ?

François Fillon a en effet présenté un programme santé très adouci par rapport à celui annoncé lors de la campagne de la primaire. Plusieurs points qui avaient suscité des inquiétudes jusque dans sa majorité ne figurent plus dans le nouveau texte dévoilé mardi : la répartition « petit risque/gros risque », mais aussi la règle d’or budgétaire prévoyant que les comptes de l’Assurance-maladie soient toujours à l’équilibre. Ce qui aurait sans doute conduit à des déremboursements.

Pims : Quelle est la position des candidats sur l’hôpital public ?

François Fillon a assuré que les infirmières et les aides-soignantes n’étaient pas concernées par son plan de suppression de 500 000 postes dans la fonction publique. Seuls seraient concernés des emplois « administratifs ». Le candidat de la droite a par ailleurs annoncé un retour aux 39 heures, sur la base de négociations locales.

Benoît Hamon souhaite lui modifier le financement de l’hôpital et revenir en partie sur la tarification à l’activité (T2A).

Emmanuel Macron propose lui aussi de « plafonner à 50 % » la T2A et promet 5 milliards d’euros d’investissement pour l’hôpital et l’innovation médicale sur la période 2018-2022.

Curieux du 37 : François Fillon propose que le retour aux 39 heures à l’hôpital public soit vu en concertation locale. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le candidat n’a pas détaillé cette proposition. Mais plus de la moitié des hôpitaux français ont déjà renégocié leur accord sur les 35 heures, le dernier en date étant l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, avec ses 39 établissements. Les négociations locales peuvent parfois permettre d’établir des compensations plus adaptées aux demandes des salariés. A Paris, la journée de 12 heures est par exemple prisée car elle permet de venir travailler moins de jours dans la semaine, et ainsi d’économiser du temps de transport.

M. Felix : L’hôpital public est dans une situation intenable aujourd’hui, avec un manque de personnel criant et des horaires bien au-delà des 39 heures. En quoi cette annonce aura-t-elle un quelconque impact positif sur les conditions de travail et sur la qualité des soins ?

François Fillon veut donner plus d’autonomie aux hôpitaux pour qu’ils choisissent eux-mêmes comment ils veulent « améliorer leur efficacité et les conditions de travail des personnels hospitaliers ». Mais sans moyens supplémentaires, et même avec un plan d’économie de 20 milliards d’euros sur cinq ans demandé à l’ensemble du système de santé, cette amélioration des conditions de travail à l’hôpital paraît bien hypothétique.

Grosmiley : Vous indiquez que pour M. Fillon, les infirmiers et aides-soignants ne seront « pas concernés par son plan de suppression de 500 000 postes dans la fonction publique. Seuls seraient concernés des emplois “administratifs” ». Mais s’il y a moins de personnel administratif dans les hôpitaux, les infirmiers et aides-soignants ne risquent-ils pas d’être de plus en plus occupés par la paperasserie ?

C’est effectivement un risque.

Belineen : Compte tenu du poids des professions impliquées, le programme de santé des candidats peut-il avoir une véritable cohérence ?

Disons que chaque candidat s’adresse en particulier à une catégorie de professionnels de santé (François Fillon aux médecins libéraux, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon aux personnels hospitaliers) sans pour autant prendre le risque de se mettre les autres à dos. Benoît Hamon ne propose pas de contrainte à l’installation pour les jeunes médecins et François Fillon assure qu’il ne supprimera pas de postes de soignants dans les hôpitaux.

Avenet5 : Des propositions ont-elles été formulées par les candidats pour régler le problème des déserts médicaux ?

Chaque candidat a ses solutions pour lutter contre les déserts médicaux. Jean-Luc Mélenchon propose que des médecins généralistes fonctionnaires y exercent pendant leurs études. Benoît Hamon propose de ne pas conventionner les médecins qui choisiraient de s’installer dans les zones surdotées, sur le modèle de ce qui se pratique déjà pour les kinésithérapeutes. François Fillon propose de revaloriser les actes dans les zones sous-dotées.

Thortu : M. Hamon dit qu’il ne veut pas imposer aux jeunes médecins d’aller dans les déserts médicaux mais propose de ne plus les conventionner dans les zones déjà bien pourvues. N’est-ce pas courir le risque d’amplifier une médecine à deux vitesses – avec d’un côté des zones plutôt pauvres sans médecins et de l’autre des zones riches bien pourvues ou l’absence de conventionnement serait indolore ?

Benoît Hamon reconnaît lui-même que sa proposition de ne plus conventionner de nouveaux médecins dans les zones déjà bien dotées ne réglerait pas le problème des déserts médicaux. Rien ne dit en effet que les médecins qui ne pourraient pas s’installer où ils le souhaitent iraient pour autant s’installer dans une zone sous dotée, à Trappes ou à Guéret pour reprendre les exemples de M. Hamon.

Gilhou : Bonjour, est-ce qu’il y a des candidats qui proposent la création d’une assurance-maladie universelle comme celle proposée par Martin Hirsch et Didier Tabuteau ? Si oui, qui sont-ils ?

Oui, Jean-Luc Mélenchon, propose de nationaliser les complémentaires santé afin que l’Assurance-maladie rembourse 100 % des soins, dont l’optique, le dentaire et les audioprothèses.

Akhenaton : Fillon pose « l’objectif d’un reste à charge 0 pour les dépenses les plus coûteuses grâce à un nouveau partenariat entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires ». Mais qu’en sera-t-il du montant des cotisations ? Celui-ci ne risque-t-il pas d’exploser, notamment pour les personnes les plus vulnérables ?

C’est en effet une question qui peut se poser. Arriver à reste à charge proche de zéro pour le dentaire, l’optique et les audioprothèses d’ici 2022 aura un coût. Thierry Beaudet, le président de la Mutualité française, l’a rappelé mardi : « Si nous avons plus de frais de soins à rembourser, nous serons contraints d’appeler plus de cotisations. » Dans son interview au Parisien mardi, François Fillon assure que la hausse de ces cotisations pour les complémentaires santé sera « maîtrisée ». Il s’engage à ce que ces cotisations n’augmentent pas « abusivement ».

Pag : Quelles sont les positions des candidats sur la fin de vie et l’euthanasie ?

Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon veulent aller plus loin que la récente loi Claeys-Leonetti qui assure un droit aux malades en phase terminale à bénéficier d’une sédation profonde et continue pour ne pas souffrir. Les deux candidats de gauche promettent la mise en place du suicide assisté. Les autres candidats sont muets sur le sujet, donc on peut imaginer que la récente loi leur convient.

Soso : Pourquoi ne parlez-vous pas des propos et propositions d’Emmanuel Macron ? Il n’a rien dit ce matin ?

Emmanuel Macron a notamment annoncé qu’il souhaitait doubler le nombre de maisons pluridisciplinaires de santé, pour faire passer leur nombre à 2 000 d’ici 2022, il propose de développer les « maisons de répit » pour accueillir les malades qui ne peuvent pas encore rentrer chez eux, il souhaite un tiers payant « généralisable mais pas généralisé ». Il est également le premier à avoir annoncé un objectif de prise en charge à 100 % de l’optique d’ici la fin du quinquennat, avant que François Fillon ne porte à son tour cette proposition.