Un vent nouveau souffle bel et bien sur la Gambie. Les portes des prisons s’ouvrent pour les détenus de l’ancien régime et se referment sur ceux qui incarnaient la répression sous Yahya Jammeh.

Yankuba Badjie, celui qui dirigeait la National Intelligence Agency (NIA), les services de renseignement intérieurs, dont le nom il y a encore quelques semaines faisait frémir nombre de Gambiens, a été arrêté dans la soirée du lundi 20 février et placé en détention provisoire par la police gambienne. Cheikh Omar Jeng, l’ancien chargé des opérations de la police politique de Yahya Jammeh, depuis rebaptisée Service de renseignement d’Etat, a également été arrêté. Les charges qui pèsent sur ces deux figures de la répression du régime déchu ne sont pas encore connues, mais de très lourds soupçons pèsent sur elles. Tortures et exécutions d’opposants, de journalistes ou de toute personne jugée « suspecte » par un pouvoir paranoïaque étaient la règle avant que Yahya Jammeh soit contraint à quitter le pouvoir et s’exile en Guinée équatoriale le 21 janvier. Parmi les crimes qui pourraient leur être reprochés figure notamment la disparition, en avril 2016, de l’opposant Solo Sandeng.

Comme un symbole du retournement de l’Histoire, les anciens patrons de la NIA se retrouvent derrière les barreaux au moment même où de nombreux détenus retrouvent la liberté. Le nouveau président gambien Adama Barrow a accordé une grâce à 174 détenus de droit commun. « Toutes les personnes graciées ont été libérées et ont rejoint leurs familles », a indiqué une source pénitentiaire à l’AFP.

Retour dans le concert des nations

Le vainqueur surprise de la présidentielle du 1er décembre 2016, revenu d’exil le 26 janvier, avait annoncé, samedi, lors d’une cérémonie censée marquer solennellement son investiture, que « des instructions ont déjà été données pour que tous ceux qui sont détenus sans jugement soient libérés ». Le nouvel élu avait également promis lors de cette célébration, organisée le jour de la fête de l’indépendance le 18 février, la création prochaine d’une « commission d’enquête sur la disparition de tous ceux qui ont été arrêtés sans laisser de traces » pendant les vingt-deux ans du pouvoir de Yahya Jammeh.

Quelques jours plus tôt, le 7 février, Aboubacar Tambadou, le ministre de la justice fraîchement nommé, ancien procureur adjoint au Tribunal pénal international pour le Rwanda, avait annoncé, lors de sa prestation de serment, « un processus d’examen de la Constitution ». Celui-ci devrait notamment aboutir à des réformes, « particulièrement dans le secteur de la justice criminelle et des lois sur les médias », jusque-là particulièrement restrictives.

Soucieux de ramener son pays dans le concert des nations après deux décennies d’un régime despotique et ubuesque, Adama Barrow, dont le pouvoir est encore fragile et qui hérite d’une économie sinistrée, avait annoncé la semaine suivante l’annulation de la décision de son prédécesseur de retirer la Gambie de la Cour pénale internationale ainsi que son intention de réintégrer le Commonwealth.