Un policier suédois à proximité de voitures brûlées à Rinkeby, dans la banlieue de Stockholm, le 21 février 2017. | TT News Agency / REUTERS

La police suédoise a ouvert une enquête sur des incidents survenus lundi 20 février dans la soirée à Rinkeby, un quartier défavorisé où vivent en majorité des immigrés dans le nord de Stockholm. Ces incidents ont pour origine un contrôle de police qui a dégénéré en bataille rangée : des habitants ont lancé des projectiles en direction des policiers qui contrôlaient un jeune suspecté de trafic de drogue et ont ensuite incendié quelques voitures et pillé quelques magasins. Une série d’incidents avaient déjà eu lieu dans ce quartier en 2010 et en 2013

Selon Lars Bystrom, un porte-parole de la police, un policier a fait usage de son arme pour se dégager d’une situation dangereuse, mais sans blesser personne. Un autre policier a, lui, été légèrement blessé, une personne a été interpellée pour avoir lancé des pierres sur les forces de l’ordre et quelques personnes ont été bousculées en essayant d’empêcher les pillages. Un photographe du quotidien Dagens Nyheter a reçu quelques coups.

Ces incidents ont été abondamment relatés par la presse américaine. Le New York Times en a fait état mardi. Fox News a évoqué, le même jour, « des émeutes dans une banlieue à forte population immigrée » en Suède. Breitbart, le site d’informations très droitier, a, pour sa part, titré : « Suède : pillage, voitures incendiées, policiers attaqués, lors d’une émeute dans une banlieue à forte population immigrée ».

Les sous-entendus de M. Trump

Cet intérêt des médias américains pour la Suède n’a rien d’étonnant. Il est directement lié aux propos tenus par le président américain, samedi. Donald Trump, dans un discours à Melbourne, en Floride, avait sous-entendu qu’un attentat se serait produit la veille en Suède : « Regardez ce qui se passe en Allemagne, regardez ce qui s’est passé hier soir en Suède. La Suède, qui l’aurait cru ? La Suède. Ils ont accueilli beaucoup de réfugiés, et maintenant ils ont des problèmes comme ils ne l’auraient jamais pensé », avait-il lancé.

Reste qu’il ne s’était rien passé de grave vendredi soir en Suède. Fortement critiqué pour avoir tenu ces propos, M. Trump a précisé qu’il se référait à un reportage diffusé dans l’émission « Tucker Carlson Tonight » sur Fox News, donnant l’image d’un pays à feu et à sang.

Après les déclarations de M. Trump, les policiers suédois interviewés dans ce reportage ont toutefois affirmé que leurs propos avaient été tirés de leur contexte par Ami Horowitz, le réalisateur du reportage.

M. Trump a malgré tout insisté, lundi, publiant un tweet dans lequel il accuse, sans les identifier, certains médias de minimiser la situation :

« Les médias BIDONS veulent nous faire croire que l’immigration à grande échelle fonctionne bien en Suède. NON ! »

Aux yeux de certains médias américains pro-Trump, les incidents de lundi donneraient raison au président, a posteriori.

Ce que montrent les statistiques suédoises

Lundi, le premier ministre suédois, Stefan Löfven, s’est dit « surpris » par les déclarations de M. Trump liant l’arrivée massive de migrants et une flambée supposée de violences dans le pays. L’ancien premier ministre, Carl Bildt, a, lui, rappelé que « l’année dernière il y a[vait] eu environ 50 % de meurtres de plus rien qu’à Orlando, dans le comté d’Orange, en Floride, que dans toute la Suède », sans citer de source à cette affirmation. Orlando avait été le lieu en juin d’un attentat contre une boîte de nuit gay qui avait fait 49 morts.

La Suède a enregistré en 2015 un nombre record de délits et crimes déclarés par habitant, selon le Conseil suédois de prévention de la délinquance qui fait autorité. Ce chiffre est sensiblement le même qu’en 2009. Mais le pays reste l’un des pays les moins criminogènes au monde, avec un taux d’homicides de 1,1 pour 100 000 habitants en 2015 (selon le Conseil suédois de prévention de la délinquance), soit 4,5 fois moindre qu’aux Etats-Unis (taux de 4,9 pour 100 000 habitants, selon le FBI).

Si la police suédoise n’établit pas de statistiques ethniques, le Conseil suédois de prévention de la délinquance a réalisé deux études, en 1996 et 2005, montrant que les immigrés sont en moyenne deux fois plus représentés dans les statistiques de la délinquance que les personnes nées de deux parents nés en Suède. Les mêmes études montrent qu’à conditions sociales comparables, le risque d’avoir affaire à la justice est quasi équivalent. Enfin, les demandeurs d’asile sont aussi victimes de la criminalité : l’an dernier, 92 centres d’hébergement ont été la cible d’incendies volontaires.

La Suède a bien connu des actes de terrorisme, mais pas depuis la vague migratoire de 2014-2015, qui a vu le pays accueillir 244 000 demandeurs d’asile (dont 34 % de Syriens et 10 % d’Irakiens), la plus forte proportion par habitant en Europe.