Manifestation contre des expulsions de réfugiés vers l’Afghanistan, à l’aéroport de Munich, le 22 février. | MATTHIAS BALK / AFP

L’avion a décollé de Munich, mercredi 22 février dans la soirée, direction Kaboul. A bord, 18 demandeurs d’asile de nationalité afghane. Depuis décembre 2016, c’est la troisième fois que les autorités bavaroises procèdent à des expulsions groupées de ressortissants afghans vers leur pays d’origine. Quelque trois cents personnes étaient présentes, à l’aéroport, pour protester contre cette décision, qualifiée par le cardinal de Munich, Reinhard Marx, d’« extrêmement discutable ».

Un peu plus tôt dans la journée, le gouvernement allemand a adopté un projet de loi visant à accélérer les expulsions des demandeurs d’asile déboutés. Préparé en réponse à l’attentat de décembre 2016 à Berlin, commis par un Tunisien qui n’avait pu être expulsé en raison, selon Berlin, du manque de coopération des autorités de son pays d’origine, le texte prévoit de porter de quatre à dix jours la durée de maintien en détention de migrants déboutés du droit d’asile et considérés comme potentiellement dangereux. Il doit aussi permettre aux autorités allemandes d’avoir accès aux données contenues dans les téléphones et les ordinateurs des demandeurs d’asile en cas de doute sur leur identité.

Les ambivalences des sociaux-démocrates

A sept mois des élections législatives, le message est clair : face à ceux qui lui reprochent sa politique migratoire trop généreuse – symbolisée par sa fameuse formule « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons ») lancée à l’été 2015 –, la chancelière Angela Merkel essaie désormais de montrer un autre visage, celui de la fermeté, tant en renforçant l’arsenal législatif qu’en tentant de convaincre ses homologues étrangers de coopérer plus activement afin de faciliter les procédures d’expulsion. Tel était le sens de sa rencontre avec le premier ministre tunisien, Youssef Chahed, à Berlin, le 14 février. Tel devait être également l’objet de sa visite en Algérie, du 20 au 22 février, annulée à la dernière minute en raison de l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika, atteint d’une « bronchite aiguë » selon les autorités algériennes.

En prenant la main sur ce dossier, Mme Merkel n’entend pas seulement faire taire les « frondeurs » de sa majorité, notamment au sein de la CSU bavaroise qui n’a cessé de lui réclamer, ces derniers mois, un changement de cap en matière de politique migratoire. Elle espère aussi mettre ses adversaires sociaux-démocrates face à leurs ambivalences et à leurs contradictions.

Dans le cas des expulsions d’Afghans, cinq Länder dirigés par le SPD ont ainsi décidé de suspendre ces renvois, arguant des risques qu’ils encourraient dans leur pays. Des procédures auxquelles ne s’est pourtant pas opposé le ministre fédéral de la justice, Heiko Maas, lui aussi social-démocrate. Sur ce dossier, Martin Schulz, le candidat du SPD face à Mme Merkel aux législatives de septembre, s’est lui aussi bien gardé de prendre position, conscient des désaccords dans son propre camp.