Nicolas Hulot a accepté de faire analyser ses cheveux pour rechercher des perturbateurs endocriniens. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Résidus de pesticides, phtalates et bisphénols au menu : Générations futures remet sur la table son fameux cocktail. Après avoir, depuis 2013, traqué ces substances chimiques suspectées d’être des perturbateurs endocriniens sur les cheveux d’enfants, de femmes en âge de procréer, après en avoir cherché – et trouvé – dans les salades, les fraises, les poussières des logements et dans l’eau, l’association s’est penchée cette fois sur quelques têtes pensantes de l’écologie en France. Les analyses, effectuées par un laboratoire spécialisé dont les résultats viennent d’être rendus publics jeudi 23 février, indiquent que les mèches de cheveux de ces personnalités étaient toutes contaminées à des degrés divers.

La cible de Générations futures, ce sont ces substances chimiques susceptibles de perturber le système hormonal, augmentant les risques de certaines maladies en forte progression depuis quelques années (cancers hormono-dépendants, obésité, diabète, troubles de la fertilité). Or la Commission européenne tarde à définir ces polluants, et du coup à les réglementer et à les limiter. Avec trois ans de retard, elle a présenté ses propres critères permettant de définir ce qu’est un perturbateur endocrinien (PE). Mais ses propositions n’ont pas convaincu la majorité des Etats membres. La France et la Suède s’y sont opposées le 21 décembre 2016. Une nouvelle consultation est prévue le 28 février.

« Intervenir avec fermeté »

Pour Générations futures, c’est donc le moment de rappeler aux décideurs que les PE, supposés ou avérés, sont largement présents dans l’environnement, notamment sur les crânes du candidat à l’élection présidentielle Yannick Jadot (EELV), des députés et eurodéputés Delphine Batho (PS) et José Bové (EELV), du photographe Yann Arthus-Bertrand, de la journaliste Marie-Monique Robin, d’Isabelle Autissier, navigatrice et présidente du WWF, et enfin de Nicolas Hulot, l’ancien envoyé spécial pour la planète du président de la République. Sur 200 molécules appartenant aux quatre plus célèbres familles de PE, les analyses ont dénombré sur leurs têtes : 150 pesticides, 3 bisphénols, 13 phtalates ou leurs métabolites et 32 types de PCB (polychlorobiphényles). La coiffure de chacun des cobayes volontaires recelait une palette de 36 à 68 substances différentes.

Trois avaient du bisphénol A (interdit dans les contenants alimentaires depuis 2012) dans les cheveux ; tous avaient du bisphénol S, ainsi qu’une dizaine de phtalates. Le laboratoire a aussi détecté 9 à 25 pesticides chez chacun d’eux, émanant moins de cultures agricoles que d’antimoustiques d’intérieur ou d’antipuces pour chiens et chats. Fipronil, Lindane, Allethrine et Permethrine reviennent souvent dans ces analyses.

La présence de PE suffisamment concentrés pour les rendre quantifiables va de 9 031 picogrammes de substance par milligramme de cheveux chez Delphine Batho à 158 643 pg/mg chez Isabelle Autissier. « Montrer ces résultats est une façon de souligner la réalité de l’exposition aux PE, résume François Veillerette, directeur de Générations futures. La Commission européenne en donne une définition si restrictive et exige un niveau de preuve de leur effet sur la santé si élevé que la nouvelle réglementation n’aboutira à peu près à rien. Elle risque de ne retirer du marché que deux substances, voire même aucune, alors qu’une trentaine pourrait être concernée selon nous. »

L’opération de communication ne manquera pas de s’attirer des critiques. Quel poids accorder à un échantillon de sept personnes, qui plus est engagées dans la défense de l’environnement ? Pourtant, l’association n’est pas la seule à exprimer ses inquiétudes. Le Sénat estime lui aussi les critères de Bruxelles trop restrictifs et trop lents. Ses élus viennent de remettre une résolution sur cette question au gouvernement, tout en l’invitant « à intervenir avec fermeté au niveau européen pour défendre l’intérêt général et la santé publique ».