Carlos Ghosn en octobre 2015. | Shuji Kajiyama / AP

La succession de Carlos Ghosn est en marche. Après seize ans à la tête du constructeur automobile japonais, qu’il a contribué à redresser et à développer, le dirigeant franco-libano-brésilien quittera la direction exécutive de Nissan à compter du 1er avril, tout en conservant le poste de président du conseil d’administration pour « continuer de superviser et guider l’entreprise ».

Hiroto Saikawa, co-PDG depuis avril 2016, va lui succéder.« Je suis persuadé que l’équipe formée ces dix-huit dernières années a le talent et l’expérience pour réaliser les objectifs opérationnels et stratégiques de la compagnie », estime Carlos Ghosn dans un communiqué de Nissan publié le 23 février. Celui qui est encore PDG de Renault, et de Mitsubishi depuis fin 2016, veut devenir « le gardien de l’alliance » Renault-Nissan.

Selon Nissan, M. Ghosn pourra « consacrer plus de temps et d’énergie à l’évolution stratégique et opérationnelle, ainsi qu’au développement de l’alliance » fondée initialement par un rap­prochement entre Renault et Nissan puis élargie au japonais Mitsubishi en 2016.

« Cost killer »

M. Ghosn laisse Nissan dans des mains expertes. Hiroto Saikawa a rejoint le constructeur japonais en 1977, une fois diplômé de la prestigieuse université de Tokyo et en partie parce que sa voiture favorite était la Skyline 2000GT. Le nouveau patron connaît bien le fonctionnement de l’alliance.

Il a occupé différentes positions à la direction de Nissan depuis 1999, en Amérique du Nord et en Europe notamment. Il a participé aux négociations avec le gouvernement français en 2015 sur la question des droits de vote chez Renault. D’ailleurs, il a siégé au conseil d’administration du groupe français de 2006 à 2016.

Sous son autorité, Nissan a vu ses volumes de ventes doubler à travers le monde

En se retirant de Nissan, M. Ghosn met fin à une période ouverte en 1999, quand Renault l’a envoyé au Japon pour redresser la société en quasi-faillite. Il deviendra le PDG du constructeur nippon en 2001. En renvoyant 21 000 employés et en réduisant de moitié le nombre de fournisseurs, le « cost killer » a relancé en un temps record l’entreprise. Ses choix lui ont valu une réelle notoriété au Japon, au point que le dessinateur Takanobu Toda et le scénariste Yoko Togashi ont raconté sa vie dans un manga titré L’histoire vraie de Ghosn-san.

Sous son autorité, Nissan a vu ses volumes de ventes doubler à travers le monde, à plus de 5,5 millions d’unités. Dans le même temps, Carlos Ghosn a progressivement développé le rapprochement de Renault et de Nissan, multipliant les synergies, qui ont atteint pour les deux sociétés 4,3 milliards d’euros en 2015. Cette alliance a également mené au rapprochement opérationnel et capitalistique avec Daimler.

« Evolution graduelle »

De même, M. Ghosn a été à la manœuvre pour reprendre le russe AvtoVAZ au nom de l’alliance, afin de faire de la Russie une place forte du groupe avec près de 40 % du marché local. En mai 2016, M. Ghosn a profité des difficultés de Mitsubishi, englué dans le scandale de falsification des données de consommation de carburant, pour annoncer l’acquisition de 34 % de ses parts, soit un investissement de 237 milliards de yens (1,98 milliard d’euros). L’accord finalement conclu le 20 octobre prévoyait que Nissan affecte quatre de ses onze dirigeants, dont M. Ghosn, à Mitsubishi.

En 2016, Renault, Nissan et Mitsubishi ont vendu 9,96 millions de véhicules, se plaçant en quatrième position mondiale derrière Volkswagen, Toyota et General Motors. Nissan seul attend des ventes à 11 800 milliards de yens au terme de l’exercice 2016 clos fin mars, avec un bénéfice net à 525 milliards de yens.

L’omniprésence de M. Ghosn, pour ne pas parler d’omnipotence, à la tête de l’alliance a soulevé des interrogations pour l’avenir du groupe. La transmission de la direction exécutive de Nissan à M. Saikawa est une première réponse. Dans une interview accordée le 23 février au quotidien économique japonais Nihon Keizai Shinbun, Carlos Ghosn insiste sur la nécessité d’une « évolution graduelle, permettant aux gens de s’habituer aux changements et de voir que les performances de la compagnie restent bonnes ».

En renonçant au poste de PDG de Nissan, le dirigeant fait également un trait sur ses émoluments japonais, qui ont atteint jusqu’à 9 millions d’euros par an. Pendant des années, ses revenus nippons cumulés avec ceux de Renault ont fait jaser, notamment le gouvernement français, premier actionnaire de Renault. En 2016, malgré le vote négatif des actionnaires en assemblée générale sur le salaire de Carlos Ghosn, le conseil d’administration l’a validé sans réserve.