FRANÇOIS MORI / AP

Paris n’a plus qu’un concurrent dans la course à l’organisation des Jeux olympiques (JO) 2024. A la suite du retrait annoncé de Budapest, mercredi 22 février, la capitale ne se mesurera qu’à Los Angeles le 13 septembre à Lima lors du vote. Ce désistement hongrois arrive après toute une liste de précédents, comme Rome, Hambourg ou Boston. Danielle Simonnet (Parti de gauche), conseillère de Paris du 20e arrondissement, regrette « l’absence de débat démocratique en France » sur la candidature parisienne et rappelle son engagement en faveur d’un référendum.

Quelle est votre première réaction après l’annonce du retrait de Budapest à la candidature des JO de 2024 ?

Bien sûr, il y a une situation politique particulière en Hongrie, qui n’est pas la même que dans les pays des autres villes qui se sont précédemment retirées. Néanmoins, on se rend compte à chaque fois que l’un des arguments déterminants pour l’ensemble de ceux qui postulaient, c’est que sous leur forme actuelle, en raison de leur gigantisme, les JO sont très difficilement « assumables » par les Etats-nations. Les coûts d’organisation sont très élevés et sont d’ailleurs souvent sous-évalués dans les dossiers de candidatures. On minore, par exemple, les budgets de sécurité nécessaires à de tels événements…

Paris 2024 met en avant le soutien populaire dont bénéficierait la candidature parisienne. Qu’en pensez-vous ?

Est-ce qu’il y a eu un débat dans le pays sur les tenants et les aboutissants de la candidature ? Non, absolument pas. On se retrouve dans la même situation que le Brésil avec la Coupe du monde 2014. Les Brésiliens étaient ravis dans un premier temps de l’accueillir car ils sont passionnés de foot, puis, quand ils ont pris conscience des conséquences en termes d’austérité, ils s’y sont massivement opposés. Cela sera la même chose en France.

A l’image de nombreuses villes, devrait-il y avoir un référendum à Paris ?

Bien sûr, il faut un référendum. Un tel choix d’événement devrait se faire après un débat démocratique au sein de la population et une décision devrait être prise par le biais d’un référendum. C’est ce que j’ai défendu à chaque fois au Conseil de Paris. Il est quand même inouï de penser qu’au départ Anne Hidalgo était contre la candidature ! Il a fallu un petit coup de pression de François Hollande pour qu’elle change totalement de position, qu’elle la soutienne et qu’elle réduise ensuite la consultation des habitants aux seules modalités d’application sur des questions comme le bénévolat.

Danielle Simonnet, en mars 2014. | THOMAS SAMSON / AFP

Il s’agit-là d’un déni démocratique hallucinant. Les sommes en jeu sont énormes. Les partenariats public-privé vont fleurir au profit des grandes entreprises. La facture va être salée. D’ailleurs, il faut rappeler que la première décision prise par l’Assemblée nationale pour l’Euro de football, a été de mettre en place des cadeaux fiscaux aux organisateurs.

Quelle conclusion le CIO pourrait-il tirer de ces retraits ?

Il serait temps, face à l’hécatombe des candidatures, que soit repensée la forme même que prennent ces Jeux. Si on est tous très attachés à l’esprit d’une manifestation internationale ne fêtant pas simplement le sport, mais qui est aussi l’occasion d’un grand moment de fraternité entre les peuples, faut-il pour autant que cela tourne à l’événement faramineux où les multinationales sont reines ?

Certains évoquent la possibilité de JO organisés par plusieurs villes dans des pays voisins. Est-ce une solution à envisager ?

Il y a des pistes intéressantes à creuser et cela en fait partie. La question est : comment peut-on avoir un dimensionnement de nos événements pour que les infrastructures ne correspondent pas simplement à un jour J, mais répondent à des besoins pérennes ? Il faut penser avant tout à l’intérêt général humain. Un exemple, pour Paris 2024, en ce qui concerne le choix du maillage des transports, il ne répond pas aux besoins très forts de la population.

Au lieu de désenclaver les quartiers populaires, de permettre la desserte fine interbanlieue, on a créé simplement une rapidité pour relier l’aéroport, le village olympique et les grandes infrastructures. Vous verrez que ça ne correspondra pas au besoin. Il n’est pas normal que des enclaves, qui ne sont pas pensées pour tout le monde, voient le jour pour ce type d’événements. Regardez le Stade de France : le département de Seine-Saint-Denis a besoin d’une multitude de petites piscines, d’infrastructures adaptées, pas seulement d’une supervitrine, qui ne durera que le temps d’un grand événement.

Ce constat peut-il encore faire aimer le sport de haut niveau ?

Ce qui est magnifique dans les JO, c’est que vous découvrez plein de femmes et d’hommes qui sont extrêmement impressionnants dans leur grand courage, leurs prouesses et leur dépassement de soi. Et ils le font alors qu’ils ne sont souvent pas tellement soutenus financièrement. Ce qui crève les yeux lorsque vous regardez les Jeux, c’est cette inégalité énorme entre, d’un côté, ces femmes et ces hommes passionnés qui travaillent souvent par ailleurs, et ces intérêts économiques colossaux qui ne profitent qu’à une petite poignée, de l’autre. Seule une infime minorité de sportifs vont avoir leur part.