Voiture incendiée à Rinkeby, le 21 février 2017. | FREDRIK SANDBERG / AFP

Une demi-douzaine de carcasses de voitures encore fumantes, des poubelles renversées, des vitrines cassées… Les images, tournées dans la banlieue de Rinkeby, dans le nord-ouest de Stockholm, mardi matin, ont été reprises par tous les grands médias américains. Leurs reporters étaient déjà sur place, venus couvrir les réactions aux déclarations de Donald Trump sur l’attentat supposé, qui aurait eu lieu en Suède, vendredi 17 février. Dans son discours, le président américain citait le royaume, qui a accueilli 273 000 demandeurs d’asile depuis 2016, comme exemple de ces pays où la criminalité aurait augmenté du fait de l’immigration.

Les violences dans la banlieue défavorisée de Rinkeby, à forte population immigrée, trois jours plus tard, ont quelque peu compliqué la tâche des autorités suédoises, qui s’employaient à démentir les propos du président américain. Ses supporters y ont vu, au contraire, la preuve qu’il disait vrai, à la grande satisfaction de l’extrême-droite suédoise. Interviewé par CNN, Mattias Karlsson, un des leaders du parti des Démocrates de Suède a ainsi témoigné de sa « gratitude » à Donald Trump.

60% nés à l’étranger

Le 11 février déjà, des incidents avaient éclaté à Rinkeby, où vivent 16 000 personnes, dont 60 % sont nées à l’étranger. Trois policiers y avaient été légèrement blessés, après avoir été attaqués par des jeunes, suite à un contrôle d’identité.

Cette fois, c’est l’interpellation d’un jeune de 17 ans, recherché par les services de police, qui a mal tourné. Les forces de l’ordre ont été prises à partie par trente à cinquante personnes, qui leur ont jeté des pierres. Un policier a été légèrement blessé. Un de ses collègues a tiré à balles réelles. Un peu plus tard dans la soirée, une demi-douzaine de voitures ont été incendiées et plusieurs vitrines détruites. Un photographe a été frappé et s’est fait voler son appareil photo.

Alors Rinkeby, une « no-go zone » ? C’est en tout cas l’image qu’en donne Ami Horowitz, l’auteur du documentaire Stockholm Syndrom, diffusé sur Fox News et qui a inspiré les propos de Donald Trump. Les policiers suédois démentent : s’ils reconnaissent se retrouver souvent dans des situations difficiles, ils n’ont jamais quitté le quartier. Leurs deux collègues, qui avaient témoigné dans le documentaire du réalisateur américain disent d’ailleurs avoir été manipulés, leurs réponses tirées de leur contexte. Le cameraman a confirmé.

Offensive policière

Réagissant aux violences, qu’il a qualifiées de « très sérieuses », le ministre de la Justice, Anders Ygeman, a lui aussi réfuté l’idée qu’il y aurait en Suède des quartiers où les policiers ne mettraient plus les pieds : « Si tel avait été le cas, alors la police n’aurait pas été présente et fait des arrestations », affirme-t-il. Le ministre social-démocrate y voit au contraire une réaction à une présence policière renforcée : « La police est passée à l’offensive et cela dérange les éléments criminels dans le quartier qui font de leur mieux pour interrompre cet effort. »

La droite, pour sa part, réclame un redéploiement des forces de l’ordre dans les quartiers en difficulté, ainsi qu’une mobilisation des acteurs sociaux. « Nous avons des enclaves en Suède où se joue une lutte entre l’Etat de droit et des gangs de voyoux, note le leader du parti libéral, Jan Björklund. Cela demande un redéploiement du système judiciaire, mais aussi une accentuation de la politique d’intégration suédoise. »

Le premier ministre, Stefan Löfven, a lui constaté que le royaume faisait face à « des défis et des opportunités, comme tous les autres pays du monde ». Dans le quotidien Dagens Nyheter, l’historien Carl Marklund remarque que depuis plusieurs décennies déjà, les conservateurs américains voient en la Suède une dystopie. Elle est, constate-t-il, « la cible favorite du mouvement de l’alt-right » car le pays a longtemps été considéré « comme un modèle pour les « libéraux » américains et les progressistes dans le monde entier ».