Bachar Al-Jaafari, le chef de la délégation du gouvernement syrien, le 23 février à Genève. | FABRICE COFFRINI / AFP

Le coup d’envoi a été donné, sans illusion. « Je n’attends pas de miracle, ce ne sera pas facile (…), mais nous savons tous ce qui passera si nous échouons une fois de plus », a déclaré Staffan De Mistura, l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, en ouvrant le 23 février à Genève une nouvelle session des négociations interrompues depuis neuf mois. Il a appelé les Syriens à leur « responsabilité historique » dans un discours au ton grave conclu en arabe par un « que Dieu nous bénisse et nous aide, Inch Allah ».

Dans la matinée, il avait accueilli séparément Bachar Al-Jaafari, le chef de la délégation du gouvernement, puis le cardiologue Nasser Hariri, du Haut Comité des négociations qui rassemble des groupes-clés de l’opposition, pour discuter de la feuille de route de cette session. En début de soirée, pour la solennelle séance inaugurale dans la grande salle du palais des Nations, les deux délégations se faisaient face de part et d’autre d’une table en fer à cheval. Les représentants de la vingtaine de pays du Groupe inter­national de soutien à la Syrie (Giss), coprésidé par les Etats-Unis et la Russie, réunissant aussi bien les soutiens de l’opposition que les parrains du régime, étaient là pour marquer l’engagement de la communauté internationale.

Avant même que ne commencent les discussions au bord du Léman, le président russe, Vladimir Poutine, rappelait depuis Moscou ses fondamentaux. « La Russie a la tâche de stabiliser le pouvoir légitime dans le pays et de porter le coup décisif au terrorisme international », insistait l’homme fort du Kremlin, engagé, depuis la reconquête des quartiers orientaux d’Alep, dans la recherche d’une solution politique au conflit pour éviter que son armée ne s’y enlise.

Nul ne sait en revanche ce que veut l’administration Trump. « Ce qui me manque pour le moment, c’est une stratégie américaine claire », déplorait le week-end dernier Staffan de Mistura. D’où le scepticisme sur la possibilité de réelles percées dans ces discussions qui doivent se prolonger jusqu’au 3 mars. La reprise, jeudi, des raids aériens du pouvoir dans les provinces de Deraa, Alep et Hama fragilise en outre toujours plus le cessez-le-feu, négocié par la Russie et la Turquie et entré en vigueur le 30 décembre 2016.

« Réformes de façade »

Le régime ne semble guère enclin à des concessions et il multiplie les provocations afin de pousser l’opposition à quitter la table des négociations, comme en avril 2016. « L’opposition a appris de ses erreurs, et cette fois elle est venue à Genève pour rester », assure un diplomate occidental. L’un des premiers enjeux est le format des discussions : les délégations siégeront-elles, comme l’année dernière, dans deux pièces séparées, ou dans un vrai face-à-face ? « Des négociations directes économiseront du temps et seront une preuve de sérieux », assure l’opposition. Le régime s’y oppose. Autre point litigieux : la composition de la délégation de l’opposition, alors que Moscou pèse pour que soient représentés les groupes dits « du Caire et de Moscou », jugés plus accommodants avec le régime. Ils seront finalement sur un strapontin.

Les discussions, selon les termes de la résolution 2254 adoptée à l’unanimité en décembre 2015 par le Conseil de sécurité de l’ONU, doivent porter sur les modalités de la future gouvernance en Syrie, la rédaction d’une nouvelle Constitution et la tenue d’élections sous supervision des Nations unies. La « transition » est le point le plus sensible. Pour le régime comme pour les Russes, Bachar Al-Assad doit rester aux commandes, il est hors de question d’organiser une élection présidentielle avant le terme de son mandat, dans quatre ans, et il doit pouvoir se représenter. « La transition signifie juste, pour eux, quelques réformes de façade et l’intégration de quelques opposants à la botte », résume un diplomate. L’opposition, avec notamment le soutien de Paris mais aussi d’autres capitales occidentales et arabes, considère qu’Assad ne peut être l’avenir de son pays et qu’il devra partir, au moins au terme du processus. Les positions n’ont pas changé et restent inconciliables.