Des immigrés nigérians rassemblés dans une église en réponse à la montée des actes xénophobes en Afrique du Sud. | MARCO LONGARI / AFP

Une manifestation anti-immigrés rassemblant des centaines de personnes a été dispersée, vendredi 22 février, par la police sud-africaine, avec des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc, alors que le pays connaît une montée des actes xénophobes. A Pretoria, certains manifestants ont été dispersés alors qu’ils s’approchaient du ministère de l’intérieur, selon l’Agence France-Presse.

Réunis à l’appel d’un collectif d’habitants d’un township de la ville, les manifestants accusent les étrangers, dans un contexte de fort chômage et de pauvreté, de voler le travail des Sud-Africains et d’encourager la criminalité. De nombreuses ONG avaient demandé l’interdiction de ce rassemblement, craignant une montée des violences.

Dans une déclaration diffusée par ses services quelques heures avant la manifestation, le président Jacob Zuma a « fermement condamné les actes de violence et appelé les citoyens sud-africains et les étrangers à la mesure ». Un appel au calme a été lancé jeudi par le gouvernement après une vague de violents incidents anti-immigrés qui ravivent le spectre des émeutes xénophobes meurtrières de 2015 et 2008.

« Nous avons peur »

Depuis deux semaines, des dizaines de bâtiments occupés par des étrangers, notamment des Nigérians, et soupçonnés d’abriter des maisons de passe ou du trafic de drogue ont été brûlés par des riverains en colère à Johannesburg et à Pretoria. Ces incidents n’ont pas fait de victimes mais ont conduit la police à renforcer sa présence et à procéder à de multiples arrestations.

« Nous avons peur parce que nous connaissons les Sud-Africains, a confié jeudi soir à l’AFP un immigré de Pretoria, Alain Bome, 47 ans, originaire de République démocratique du Congo. Nous avons décidé de ne pas quitter notre domicile. »

Ces événements ont provoqué une crise diplomatique avec le Nigeria, qui a convoqué jeudi l’ambassadeur d’Afrique du Sud pour exprimer sa « profonde préoccupation » après la récente vague d’attaques. « Le gouvernement fédéral [nigérian] exhorte le gouvernement sud-africain à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les vies et les biens des étrangers vivant et travaillant en Afrique du Sud » et à « traduire en justice les auteurs de ces actes de violence déplorables », a déclaré la ministre déléguée aux affaires étrangères, Khadija Bukar Abba Ibrahim.

Une manifestation au Nigeria

Jeudi, une centaine de membres de l’Association nationale des étudiants nigérians ont défilé contre les violences dans la capitale nigériane, Abuja, notamment devant les sièges des entreprises sud-africaines Multichoice (fournisseur de télévision par satellite) et MTN (téléphonie mobile).

« Tous les Sud-Africains du Nigeria doivent partir dans les quarante-huit heures, sinon nous ne serons plus en mesure de garantir leur sécurité », a menacé leur responsable, Aruna Kadiri. « Nous sommes également allés à l’ambassade sud-africaine où nous avons brûlé leur drapeau pour transmettre le message que nous n’avons plus de relations » avec ce pays, a-t-il ajouté.

De nombreuses ONG d’aide aux étrangers ont demandé au ministre de l’intérieur sud-africain, Malusi Gigaba, d’interdire la manifestation de vendredi qui, selon elles, « ne peut que renforcer les attitudes xénophobes et les attaques ».

L’Organisation internationale pour les migrations a, elle, condamné les récentes attaques en rappelant qu’il n’existait « aucune preuve que les étrangers sont à l’origine de la montée de la criminalité et du chômage ».