LA LISTE DE NOS ENVIES

Au menu : Luz adapte Albert Cohen au Musée d’art et d’histoire du judaïsme, des œuvres de Rammellzee ou Banksy à vendre à Paris, la version hivernale de la Route du rock…

ART. Les planisphères délicieusement chamarrés d’Alighiero Boetti

Alighiero Boetti, « Mappa, 1989-94 », broderie sur tissu. | GALERIE TORNABUONI ART

Les œuvres les plus connues d’Alighiero Boetti (1940-1994) sont les planisphères qu’il faisait broder en Afghanistan, où il vécut un temps, et au Pakistan. Les artisans interprétaient les formes et les couleurs des schémas qu’il leur proposait, ne respectaient qu’à demi la géographie et ajoutaient parfois des commentaires de leur cru aux marges des cartes.

Il y en a plusieurs, de grandes dimensions et délicieusement chamarrées, dans cette exposition de grande ampleur. Comme celle-ci se veut une rétrospective, en pointillé s’ajoutent aux cartes d’autres œuvres très différentes en apparence, qui rappellent avec quelle grâce Boetti introduisait trouble et absurdité dans les codes et systèmes les plus rigoureusement définis.

Ces exercices de désorientation vont de sa poétique et inutile classification des fleuves par leur longueur à des alphabets en ordre dispersé, tracés au stylo à bille pour les uns, brodés pour d’autres. Mais l’œuvre la plus remarquable, parce que la moins connue, de cet hommage est le « muro » que l’artiste composa vingt ans durant en juxtaposant dessins, écrits, coupures de presse et images variées : une chronique, ses archives, un autoportrait en pièces détachées. Philippe Dagen

Galerie Tornabuoni Art, passage de Retz, 9, rue Charlot, Paris 3e. Du lundi au samedi de 10 h 30 à 18 h 30. Jusqu’au 8 avril. tornabuoniart.fr

EXPOSITION. Luz adapte Albert Cohen au Musée d’art et d’histoire du judaïsme

Un dessin de Luz pour l’exposition « Ô vous, frères humains » au MAHJ. | LUZ/FUTUROPOLIS

Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ), à Paris, présente une exposition consacrée à l’adaptation par Luz d’Ô vous, frères humains (Gallimard, 1972), d’Albert Cohen. La totalité des 130 planches qui composent cet album sorti en 2016, chez Futuropolis, ont été rassemblées dans un même espace, et pourtant une grande fluidité se dégage du parcours.

La principale raison tient au caractère muet de l’ouvrage : afin de figurer le malaise intérieur de son personnage principal – un enfant de 10 ans, ramené à sa condition de juif par un vendeur ambulant –, Luz s’est privé de mots, mais pas d’inventions graphiques, et tout l’art est là.

Accompagné par une scénographie aux variations délicates, le visiteur a tout loisir de se laisser emporter par l’exercice de style proposé par l’ancien dessinateur de Charlie Hebdo. L’expérience n’est pas que visuelle, elle est aussi narrative. L’avancée, au fil des pages, du petit Albert dans les affres de l’incompréhension forme un long plan-séquence de cinéma qu’on lit/regarde dans une déambulation sans à-coups. Frédéric Potet

Musée d’art et d’histoire du judaïsme, hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, Paris 3e. Du mardi au vendredi de 11 heures à 18 heures, samedi et dimanche de 10 heures à 18 heures. Jusqu’au 28 mai.

ART. La friche de la future Fondation Fiminco s’expose à Romainville

Image de la vidéo « Faz que Vai » (2015), de Barbara Wagner & Benjamin de Burca, .courtesy de l’artiste et de la galerie Vilaça d’aloia Gabriel, Sao PauloEndFragment | Barbara Wagner & Benjamin de Burca, et de la galerie Vilaça d’aloia Gabriel, Sao Paulo

Fin 2018, la Fondation Fiminco viendra enrichir le paysage artistique du Grand Paris à Romainville, en lisière de Pantin et de Bobigny. Un petit nouveau aux dimensions XXL du côté des centres d’art, puisqu’il va occuper quatre bâtiments industriels où seront proposés des espaces d’exposition, des galeries, des ateliers et résidences d’artistes, ainsi qu’un auditorium et un café.

Ce week-end, l’exposition « C + H2OC17 » propose de faire découvrir les lieux bruts avant leur reconversion, et un avant-goût de sa programmation, avec un accrochage en écho à cet environnement de friche. Une « formule » sous forme de clin d’œil aux laboratoires pharmaceutiques qui occupaient jusqu’à présent les lieux, avec à l’affiche des artistes de tous horizons, dont le jeune plasticien français Gabriel Leger, la photographe canadienne Lynne Cohen ou encore le duo de cinéastes Barbara Wagner (Brésil) et Benjamin de Burca (Allemagne), dont le dernier court-métrage était en compétition il y a quelques jours à la Berlinale. Pour des raisons de sécurité, il est nécessaire de s’inscrire par mail (contact@fondationfiminco.com). Emmanuelle Jardonnet

« C + H2OC17 » à la Fondation Fiminco. Samedi 25 février de midi à 18 heures, dimanche 26 de 13 heures à 18 heures. Fondation Fiminco, 43, rue de la Commune-de-Paris, Romainville (93), Métro ligne 5, Bobigny-Raymond-Queneau.

FESTIVAL. Brest se met au pas… de danse

« Until the Lions » d’Akram Khan. | Jean Louis Fernandez

DansFabrik, le festival de danse de Brest, soutenu et piloté par le Quartz, lance sa nouvelle édition avec, dimanche 26 février, le spectacle épique Until the Lions, d’Akram Khan. Cette manifestation parie sur les nouvelles écritures chorégraphiques, avec un panel de noms de jeunes chorégraphes comme Volmir Cordeiro, qui présente une création, L’Œil la bouche et le reste, ainsi qu’une exposition, ou encore Ana Rita Teodoro.

Avec un zoom sur la création d’artistes chiliens comme Marcela Santander Corvalan, Maria Siebald, Pedro Sepulveda Cruz-Coke et Amanda Pina, l’édition 2017 accueille aussi des personnalités entre cirque et danse comme Satchie Noro, dont la performance, Sillas, rassemble trois interprètes chiliens, et Jean-Baptiste André qui joue in situ Floe, en dialogue avec une sculpture conçue par le plasticien Vincent Lamouroux. Un programme intense pour un débordement de sensations. Rosita Boisseau

Dansfabrik, le Quartz, 60, rue du Château, Brest. Du 26 février au 4 mars. Tél. : 02 98 33 70 70. Un pass de 40 € (20 € pour les étudiants) donne accès à tous les spectacles.

ART URBAIN. Des œuvres de Rammellzee ou Banksy, à voir ou à acheter

« Rodeo Girl » (2009) de Banksy. | Marc Chatelard pour Artcurial

Si les dispersions de collections sont le lot quotidien des maisons de ventes, le 28 février se tiendra ce qui est annoncé comme une première pour Artcurial : la vente aux enchères d’une collection particulière estampillée « art urbain ». L’occasion de découvrir 23 œuvres signées de grands noms de la discipline, et notamment deux savoureuses pièces de Banksy (une sculpture en marbre et une toile dont l’estimation haute atteint 300 000 euros), des tableaux des années 1980-1990 du graffeur américain Rammellzee, un monumental Companion de l’Américain Kaws (qui s’élève jusqu’à 250 000 euros dans les estimations) ou encore une série de toiles du pochoiriste Shepard Fairey, aka OBEY. Mais aussi des toiles de Barry McGee, Ryan Mac Ginness, Kenny Scharf ou Sue Williams. Une collection dont on ne sait rien de son propriétaire hormis qu’il l’a entamée il y a plus de dix ans. A découvrir pendant trois jours. E. J.

« Icones de l’art urbain : une collection particulière ». Exposition du samedi 25 au lundi 27 février. Artcurial, 7, rond-point des Champs-Elysées, Paris 8e. Entrée libre.

ROCK. La Route du rock en version hivernale, à Saint-Malo

Teenage Fanclub - I'm In Love
Durée : 02:50

Si, depuis 1994, l’édition estivale de la Route du rock passe par l’enceinte en plein air du Fort Saint-Père, près de Saint-Malo, la perle des festivals indie-pop se rapproche en hiver du centre-ville pour s’abriter, depuis 2006, dans la salle de la Nouvelle Vague. Un lieu au nom adéquat pour un événement consacré à la célébration de l’avant-garde rock d’aujourd’hui et d’hier.

La programmation 2017 fait de nouveau des étincelles avec, le 24 février, de l’électro onirique – Buvette, Romare –, les chansons explosives des gamins londoniens de Shame, et un rock francophone qui se réinvente entre rock progressif – Barbagallo – et années 1980 – Fishbach. Le 25, entre autres, l’humour psychédélique des Catalans The Liminanas, les bruyantes britanniques Goat Girl et le retour des vétérans écossais de Teenage Fan Club, auteurs cet automne de Her, parfait album de power pop intemporel. Stéphane Davet

La Route du rock - Collection hiver, les 24 et 25 février, à La Nouvelle Vague, rue des Acadiens, Saint-Malo (35). Tél. : 02.99.19.00.20. 19 heures. 27 €, forfait 2 jours : 48 €.

PERFORMANCE. Abraham Poincheval, ermite « empierré » au Palais de Tokyo

Abraham Poincheval en train se s’emmurer dans sa pierre. | Emmanuelle jardonnet

Abraham n’a pas son pareil pour s’extraire du monde et se concocter de sidérants voyages intérieurs. Il avait « habité » un ours au Musée de la chasse et de la nature pendant treize jours en 2014, s’est hissé sur un perchoir à 20 mètres du sol pendant cinq jours à l’occasion de la dernière Nuit blanche parisienne, et a récemment remonté le Rhône dans une bouteille en plastique géante. Au Palais de Tokyo, qui lui consacre une exposition, le plasticien marseillais de 44 ans s’adonne à deux nouvelles expérimentations loufoques dans la forme, mais en réalité très physiques et méditatives.

La première a débuté mercredi pour une semaine : les deux morceaux d’un immense bloc de calcaire dans lequel la forme de son corps en position assise a été sculptée ont été joints lorsqu’il y a pris place. Il sera donc présent 24 heures sur 24 dans sa pierre, réalisant sa première « expédition au cœur du monde minéral », en solitaire, mais pas invisible puisqu’une caméra embarquée retransmet les images en direct de son isolement radical. Après sa sortie et un mois de repos, il reviendra dans le centre d’art couver en public une douzaine d’œufs jusqu’à éclosion. E. J.

Palais de Tokyo, 13 avenue du Président-Wilson, Paris 16e. Tous les jours sauf le mardi de midi à minuit.