La Salon de l’agriculture, qui se tient au Parc des expositions à Paris, ouvre ses portes samedi 25 février. | JOEL SAGET / AFP

C’est la grand-messe du monde agricole. Le Salon de l’agriculture s’ouvre samedi 25 février, au Parc des expositions à Paris (15e arrondissement). Après une année marquée par les crises économiques et sanitaires, qui ont fragilisé encore un peu plus le secteur, cette édition 2017 sera notamment rythmée par la venue des candidats à l’élection présidentielle. Pour le sociologue spécialiste du monde agricole François Purseigle, les agriculteurs sont conscients que leurs problèmes ne seront pas forcément réglés par les dirigeants politiques.

Le Salon de l’agriculture représente-t-il encore un événement important pour les agriculteurs ?

François Purseigle : Oui, ils y sont encore attachés. Cela permet notamment de faire parler d’eux. Cela ne répond pas forcément à toutes leurs attentes, mais ce salon fait partie de la tradition agricole. Les agriculteurs sont assez obnubilés par l’idée qu’une fracture existe entre la société et eux.

Ils sont inquiets que leurs pratiques professionnelles soient de plus en plus critiquées. Ils ont du mal à vivre avec ça. Le salon permet ainsi d’attirer le grand public vers eux, donc ils y tiennent.

En cette année de campagne présidentielle, le salon est, encore plus que de coutume, un passage obligé pour les candidats. Qu’en pensent les agriculteurs ?

En allant là-bas, les candidats s’adressent plus au reste de la société qu’aux agriculteurs. Mais ces derniers savent que leur salut ne passe pas par la proposition politique, mais plutôt par la conquête de nouveaux marchés.

Ils sont conscients que leur situation ne sera pas réglée par les politiques, par le vote d’une nouvelle norme ou d’une nouvelle loi. Ils savent qu’un certain nombre de choses se jouent du côté de l’Union européenne ou de l’Organisation mondiale du commerce. Ils attendent surtout de la part des politiques une reconnaissance de leur métier, de ce qu’ils font.

Mais en même temps ils verraient d’un mauvais œil qu’un candidat important ne vienne pas. Ils restent quand même sensibles à cette démarche.

Les candidats à l’élection présidentielle sont en train de dévoiler leur programme. Que pensez-vous de leurs propositions dans le domaine de l’agriculture ?

Il y a une très grande improvisation des candidats dans la construction de leur programme agricole. Pour cette présidentielle, quand ils parlent d’agriculture c’est souvent pour évoquer le bio. Ils souhaitent amplifier les conversions en bio et les circuits courts. C’est à se demander s’ils ont conscience de ce que ça représente.

Les agriculteurs qui ont réussi leur conversion ont une appétence pour la question environnementale depuis plusieurs années. Ils sont aussi très performants sur le plan technique. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Et puis une conversion, cela ne règle pas tout. Et quand vous êtes en difficulté financière, vous n’avez pas forcément la capacité d’investir dans un nouveau modèle. Il faut aussi que le territoire soit porteur. Ce n’est pas pareil si on se trouve au Pays basque ou en Bretagne. C’est donc dangereux de dire que tous doivent se convertir au bio.

Nicolas Sarkozy, au Salon de l’agriculture, le 2 mars 2016. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Est-ce qu’il y a un manque de connaissance des questions agricoles chez les politiques aujourd’hui ?

De par leur origine, leur parcours, les principaux candidats n’ont pas d’expérience du milieu rural, à part peut-être François Fillon. Dans les années 1980, 1990, les ténors politiques avaient fait leurs premiers pas dans les campagnes. Depuis Nicolas Sarkozy, notamment, les politiques ne sont plus formés aux questions agricoles.

Ils n’étaient pas forcément des techniciens de la question agricole, mais François Mitterrand ou Jacques Chirac se sont formés et ont réussi à appréhender la question agricole et ses enjeux. Ces dernières années on voit bien que les dirigeants politiques découvrent le milieu agricole.

Lors des primaires de droite et de gauche, le mot « agriculture » n’a pas souvent été évoqué. Mais c’est intéressant de voir que les politiques sont très peu imaginatifs si l’on compare à ce qu’il se passe sur le territoire, toutes les innovations qui ont lieu en ce moment. Tout cela se passe en dehors de leurs radars.

Est-ce pour cette raison qu’une grande part des agriculteurs déclarent vouloir s’abstenir lors de la prochaine élection présidentielle ?

Ils sont un peu perdus par rapport à l’offre politique. Avant, ils étaient les premiers à aller voter, tôt le matin. Maintenant, les plus jeunes ne s’interdisent pas de s’abstenir ou même de voter Marine Le Pen.

Dans les années 1950, la part des emplois agricoles représentait 31 % de l’ensemble du marché du travail. En 2013, ce taux est descendu à 3,3 %. Durant cette même période, près de la moitié des exploitations a disparu. Le vote agricole est-il devenu marginal ?

Les agriculteurs ont pris conscience qu’ils sont définitivement rentrés en minorité. Ils en ont pris acte. Ils ne sont plus les gardiens du temps des milieux ruraux. Il y a eu une prise de conscience il y a 4 ou 5 ans. Ils savent maintenant que la disparition peut aussi les toucher, qu’ils sont confrontés aux départs, que des exploitations ne seront pas forcément reprises.

C’est un réveil difficile pour eux. Dans certaines filières, on sait qu’il y aura de la casse sociale. Certains secteurs sont confrontés à une crise sanitaire, économique, mais aussi morale, qui est liée aux difficultés financières. C’est dur de voir que le gamin ne reprendra pas l’exploitation.

Mais si on compte les conjoints des agriculteurs, les salariés ou les retraités de l’agriculture, 8 % du corps électoral a encore un lien ou une activité avec le milieu agricole. Ce sont autant de personnes qui s’intéressent aux propositions des candidats sur ce sujet.