Un prêtre espagnol et une laïque italienne ont été arrêtés, samedi 31 octobre et dimanche 1er novembre, par la gendarmerie du Vatican. | TONY GENTILE / REUTERS

Coups tordus et fuites de documents s’étalent à nouveau place Saint-Pierre. Un prêtre espagnol et une laïque italienne ont été arrêtés, samedi 31 octobre et dimanche 1er novembre, par la gendarmerie du Vatican, dans le cadre d’une enquête pour soustraction et divulgation d’informations et de documents confidentiels, a annoncé le Saint-Siège, lundi 2 novembre.

A Rome, cette spectaculaire double arrestation a aussitôt fait resurgir le souvenir des VatiLeaks, tels qu’avaient été appelées, en 2012, les fuites, dans la presse, de documents confidentiels volés dans le bureau du pape par son majordome. Des faits qui avaient assombri les derniers mois du pontificat de Benoît XVI.

Cette fois encore, les informations qui s’apprêtent à filtrer proviennent nécessairement du proche entourage du pape François. Elles sont publiées dans deux livres à paraître prochainement. L’un d’entre eux, Chemin de croix, de Gianluigi Nuzzi (Flammarion, 20 euros), paraîtra en France le 11 novembre. Le Monde en publie, en exclusivité, de larges extraits.

Un « Etat » à la dérive

Dans Chemin de Croix, le journaliste du Corriere della Sera, auteur de Sa Sainteté et Vatican SA dresse le tableau d’un Etat à la dérive, agité par un violent affrontement entre le pape, aidé d’une petite équipe d’ecclésiastiques et de laïques, et une administration vaticane jalouse de ses prérogatives, assise sur ses petits secrets et ses grands privilèges.

Gianluigi Nuzzi détaille par le menu les innombrables petits arrangements qui sont l’ordinaire du plus petit Etat du monde, mettant notamment en lumière l’usage fait par les prélats de l’immense patrimoine immobilier du Vatican, l’incroyable gabegie du denier de Saint-Pierre, censé redistribuer aux pauvres l’argent des dons des fidèles, ainsi qu’une étrange affaire de cambriolage, à deux pas de la place Saint-Pierre.

Impression générale d’impuissance

Au-delà de la description des dysfonctionnements de l’administration vaticane, c’est bien une impression générale d’impuissance qui se dégage du livre : quoi qu’il entreprenne, quelle que soit la volonté qu’il déploie, Jorge Bergoglio ne parviendrait pas à avoir prise sur elle. Ce n’est pas qu’elle lui résiste, mais plutôt qu’elle se dérobe.

Impossible d’obtenir des comptabilités à jour ; impossible de connaître l’étendue du parc immobilier ni l’usage qui en est fait ; impossible de réformer un système des retraites qui menace ruine… Même la restructuration des activités économiques et financières, que l’on pensait bien avancées entre les mains du cardinal George Pell, semble s’être enlisée en cours de route.

La réforme de la curie était pourtant la priorité du pape François, la mission qu’avaient assignée les cardinaux au successeur de Benoît XVI. A peine élu, l’ancien archevêque de Buenos Aires a créé des structures ad hoc pour mener cette réforme autant que pour se protéger de la curie. Il s’est entouré d’un conseil de huit, puis neuf cardinaux venus de tous les continents. Il a institué un secrétariat à l’économie et un conseil, chargés de contrôler le volet financier et économique, sans pour autant parvenir à reprendre en main la tentaculaire administration du Saint-Siège.

Lire l'entretien avec Gianluigi Nuzzi : Au Vatican, « le pape lui-même est vu comme un intrus »