Marine Le Pen en meeting au Zénith de Nantes, le 26 février. | CYRIL BITTON/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Le discours de Marine Le Pen se muscle à mesure que les affaires s’invitent dans sa campagne. En meeting au Zénith de Nantes, dimanche 26 février, la candidate du Front national à l’élection présidentielle a ciblé avec virulence un présumé « système » qui se serait « mis au service » d’Emmanuel Macron et lutterait « contre » sa propre candidature. Elle s’est même montrée menaçante, entre les lignes, à l’égard des « fonctionnaires », à deux mois du scrutin.

« Je veux dire aux fonctionnaires, à qui un personnel politique aux abois demande d’utiliser les pouvoirs d’Etat pour surveiller les opposants, organiser à leur encontre des persécutions, des coups tordus, ou des cabales d’Etat, de se garder de participer à de telles dérives, a mis en garde Mme Le Pen. Dans quelques semaines, ce pouvoir politique aura été balayé par l’élection. Mais ses fonctionnaires, eux, devront assumer le poids de ces méthodes illégales. Ils mettent en jeu leur propre responsabilité. L’Etat que nous voulons sera patriote. »

« L’État de droit, c’est le contraire du gouvernement des juges, qui constitue une dérive antidémocratique et oligarchique, à l’image des parlements de l’Ancien Régime qui ont (_) conduit à la Révolution. La justice est une autorité, pas un pouvoir ; les magistrats sont là pour appliquer la loi, pas pour l’inventer ou contrecarrer la volonté du peuple », a-t-elle encore déclaré.

Les affaires s’accumulent pour la présidente du FN. Le Monde a révélé, samedi, qu’un de ses proches, Frédéric Chatillon, a été mis en examen, le 15 février, pour abus de bien social dans le cadre de l’enquête menée par la justice sur le financement des campagnes frontistes en 2014 et 2015. Sa chef de cabinet Catherine Griset a, elle, été mise en examen, mercredi, pour recel d’abus de confiance : elle n’aurait pas réellement assuré son travail d’assistante accréditée de Mme Le Pen, pour lequel elle était salariée.

Près de 3 000 personnes dans une salle chauffée à blanc

La candidate du Front national veut cimenter une base électorale déjà solide, qui la considère comme vierge de l’exercice du pouvoir et des turpitudes de la classe politique. | CYRIL BITTON/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Dans une interview au Journal du dimanche, le garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas a réfuté toute intervention de sa part auprès des magistrats. « Imaginer aujourd’hui que des instructions aient pu être ordonnées sur François Fillon ou Marine Le Pen est tout simplement absurde parce qu’illégal », a-t-il assuré.

De son côté, Mme Le Pen a, elle, dénoncé, dans une interview au quotidien régional La Provence, une « instrumentalisation » de la justice. Une attaque qu’elle a développée dans son discours, durant lequel elle a dit voir une manière de favoriser ses adversaires, Emmanuel Macron en tête.

« Macron, dont Hollande aurait pu signer le programme, devient la possibilité pour ce système de se survivre, pour la caste au pouvoir aujourd’hui de se maintenir. Les puissances d’argent et médiatiques sont à son service », a-t-elle lancé devant une salle chauffée à blanc, qui réunissait près de 3 000 personnes.

La fille de Jean-Marie Le Pen s’en est aussi prise à plusieurs médias et à leurs propriétaires. « Pierre Bergé, propriétaire du Monde, met son journal au service de Macron. Drahi et ses chaînes sont dévoués à sa candidature », a-t-elle jugé, marletant que Le Monde serait « une arme de guerre contre la candidature que j’incarne ».

« On peut raconter n’importe quoi, Marine je lui resterai fidèle. Les affaires, ce sont des peccadilles »

Avec ce discours, la candidate du Front national cherche à cimenter une base électorale déjà solide, qui la soutient pour partie car elle apparaît, à leurs yeux, comme vierge de l’exercice du pouvoir et des turpitudes de la classe politique.

Ses supporters présents dans la salle, à Nantes, ne lui tenaient pas rigueur des affaires qui poursuivent la députée européenne dans cette campagne. « Ils ont tous des affaires malheureusement. Mais elle, ce n’est pas de l’enrichissement personnel qu’elle a fait », soutient par exemple Joseph Elie, agriculteur à la retraite venu de Ploërmel (Morbihan).

Surtout, la présidente du FN défend des propositions - contre l’immigration, notamment - qui apparaissent comme prioritaires pour ses électeurs. « On peut raconter n’importe quoi, Marine je lui resterai fidèle. Les affaires, ce sont des peccadilles, ajoute Jean-Michel Morin, ancien typographe originaire du Morbihan. Nous sommes face à un problème civilisationnel : l’empire romain a chuté à cause des barbares ; aujourd’hui, les barbares arrivent d’Afrique. »

Dans son discours, la candidate frontiste a soutenu que « les Français n’en peuvent plus de l’immigration massive » et a attribué à M. Macron la volonté d’« installer » une « autoroute migratoire (…) entre Alger et Paris ».

Lors du meeting de Marine Le Pen, à Nantes, le 26 février. | CYRIL BITTON/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Des autocars de militants FN pris pour cible à Nantes

Plusieurs autocars transportant des militants du Front national ont été pris pour cible dimanche 26 février - sur la route nationale N137 reliant Rennes à Nantes - par une cinquantaine de manifestants hostiles à la venue de Marine Le Pen, peu de temps avant le début de son meeting au Zénith.

L’un des autocars a été recouvert de peinture, avant d’être escorté jusqu’au Zénith par des camionnettes de gendarmerie. La circulation a été momentanément bloquée sur la N137 dans les deux sens et des pompiers sont intervenus pour maîtriser un départ de feu. Les manifestants répondaient à un appel à organiser une opération escargot pour « nasser le Zénith ». Selon une source policière, « des zadistes ont enflammé des pneus sur la route. (…) Deux bus ont été ciblés ». La circulation a été momentanément bloquée dans les deux sens sur la N137.

« Trois bus, deux venant de Rennes et un de Vitré ont été attaqués. Il y avait un barrage, la voie était bloquée, et ils ont brûlé des pneus. On ne pouvait plus avancer (...) Moi j’appelle cela des sauvages », a déclaré Emeric Salmon, conseiller régional FN de Bretagne.

« A 20 km avant d’arriver à Nantes, il y avait des jeunes qui étaient sur le côté, encagoulés. Ils ont stoppé la circulation et se sont attaqués à moi et à mon collègue avec des bâtons et des barres de fer », a ensuite assuré la conductrice d’un des autocars, Alda Pereira. « Ils nous ont balancé de la peinture, ils ont dégradé le car, arraché les balais d’essuie-glace. »

Dans un communiqué, la ZAD (zone à défendre) qui regroupe des militants opposés au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, a défendu l’action de ceux qu’elle a appelés « les coloristes sur voie rapide »« Dans le calme, la bonne humeur et sans aucun heurt, nous avons bloqué deux bus sur la 4 voies, qui furent au passage copieusement repeints parce que dans la vie, il y a bien d’autres couleurs que le bleu marine ».